123308.fb2
« Inoffensif ! » fit Hermione d’un ton strident, et Hagrid lui fit désespérément signe de se taire avec ses mains tandis que l’énorme créature en face d’eux grognait bruyamment et remuait dans son sommeil. « Il vous a blessé tout le temps , pas vrai ? c’est pour ça que vous aviez toutes ces contusions !»
« Il n’a pas conscience de sa force ! » répondit Hagrid avec sincérité. « Et il fait des progrès, il ne se bat plus tant que ça et de plus… »
« Alors, c’est pour ça que vous avez mit deux mois à rentrer ! » dit Hermione avec perplexité. « Oh, Hagrid, pourquoi l’avez vous ramené s ‘il ne voulait pas venir ? Est ce qu’il n’aurait pas été plus heureux parmi les siens ? »
« Ils le brutalisaient tous, Hermione, parce qu’il est trop petit !» se justifia Hagrid.
« Petit ? » Dit Hermione ; « Petit ? »
« Hermione, je ne pouvais pas le laisser, » répondit Hagrid, des larmes coulant à présent sur son visage contusionné jusque dans sa barbe. « C’est mon frère ! »
Hermione se contenta d’ouvrir de grands yeux, la bouche ouverte.
« Hagrid, quand vous dites ‘frère’, » dit lentement Harry, « est ce que vous voulez dire…
»
« Demi-frère en fait, » corrigea Hagrid. « Fils de ma mère et d’un autre géant quand elle a eu quitté mon père, et elle est partie et a laissé Grawp là… »
« Grawp ? » interrogea Harry.
“Oui, enfin c’est à ça que ça ressemble quand il dit son nom, » expliqua nerveusement Hagrid. « Il ne parle pas beaucoup d’anglais… J’essaye de lui apprendre… En tout cas, elle n’a pas l’air de l’avoir aimé plus qu’elle m’a aimé moi. Vous voyez, pour les géantes, ce qui compte, c’est de produire de beaux grands enfants, et il a toujours été un peu en dessous de la taille standard des géants –seulement 16 pieds… »
« Oh, oui, ridicule ! » dit Hermione dans une sorte de sarcasme hystérique. « Minuscule !
»
« Il était frappé par tous les autres… Je ne pouvais pas le laisser… »
« Est ce que Madame Maxime voulait le ramener ? » Demanda Harry.
« Elle… Eh bien, elle comprenait combien c’était important pour moi, » répondit Hagrid en tordant ses énormes mains. M…Mais… elle était un peu fatiguée de lui au bout d’un moment, je dois l’admettre. Alors nous nous sommes séparés sur le chemin du retour…Elle a promis de ne rien dire à personne… »
« Comment diable avez vous réussi à le ramener ici sans que personne ne le remarque ?
» dit Harry.
« C’est pour ça que ça a pris tant de temps, en fait, » expliqua Hagrid. « Je pouvais seulement voyager de nuit et à travers des contrées désertes. Bien sûr, il avançait vite quand il le voulait bien, mais il continuait à vouloir revenir en arrière."
« Oh, Hagrid, mais pourquoi diable ne l’avez vous pas laissé repartir ! » dit Hermione en se laissant tomber sur un arbre déraciné avant de se prendre le visage entre les mains. «
Qu’est ce vous pensez que nous allons faire avec un géant violent qui ne veut même pas être ici ! »
« Violent, c’est un peu exagéré, » dit Hagrid, en continuant à se tordre nerveusement les mains. « C’est vrai qu’il lui arrive de m’envoyer une paire de claques quand il est de mauvaise humeur, mais il fait des progrès, de gros progrès, il s’est beaucoup amélioré. »
« A quoi servent ces vêtements, alors ? » demanda Harry.
Il venait juste de remarquer des vêtements aussi grands que de jeunes arbres tendus entre les troncs des arbres les plus proches de l’endroit où Grawp était roulé en boule sur le sol, son dos sous eux.
« Vous devez le garder attaché ? » dit Hermione faiblement.
« Euh… Oui, » dit Hagrid, l’air anxieux. « C’est ce que je disais… Il n’est pas vraiment conscient de… ‘sa propre force’… »
« Harry comprenait à présent le pourquoi de l’absence étrange de n’importe quelle autre créature vivante dans cette partie de la Forêt.
« Et donc, qu’est ce que vous voulez que Harry, Ron et moi fassions ? » demanda Hermione avec appréhension.
« Que vous veillez sur lui, » répondit Hagrid d’une voix rauque. « Après mon départ. »
Harry et Hermione échangèrent un regard malheureux. Harry était peu confortablement conscient qu’il avait déjà promis à Hagrid qu’ils feraient ce qu’il leur demanderait.
« Qu’est ce que… Qu’est ce que ça implique, exactement ? » questionna Hermione.
« Pas de nourriture ou autre chose de ce genre ! » dit Hagrid avec passion. « Il peut trouver sa nourriture tout seul, pas de problème. Des oiseaux, des gazelles, tout ça…
Non, c’est de compagnie dont il a besoin. Si je savais juste que quelqu’un s’occupait de l’aider un peu… Lui apprendre, vous voyez. »
Harry ne répondit rien, mais se tourna pour regarder à nouveau la gigantesque forme étendue et endormie sur le sol en face d’eux. Contrairement à Hagrid, qui ressemblait seulement à un humain sur dimensionné, Grawp paraissait étrangement difforme. Ce que Harry avait d’abord pris pour un vaste rocher couvert de mousse à la gauche du grand monticule de terre était en fait la tête de Grawp. Elle était plus grande, proportionnellement au corps, qu’une tête humaine, et était également parfaitement ronde et couverte de poils bouclés de la même couleur que les fougères. Le bord d’une grande oreille grasse était visible au somment de la tête, qui semblait, exactement comme pour l’oncle Vernon, directement posée sur les épaules, avec un cou minuscule voire inexistant. Le dos, sous ce qui ressemblait à un vêtement sale et brunâtre formé de peaux d’animaux cousues grossièrement ensembles, était très allongé ; et comme Grawp dormait, les cicatrices de sa peau semblaient se tendre. Harry pouvait voir la plante d’énormes pieds nus sales, aussi grands que des luges, l’un appuyé sur l’autre sur la terre de la forêt.
« Vous voulez que nous lui enseignons, » répéta Harry d’une petite voix. Il comprenait à présent ce que l’avertissement de Firenze voulait dire. Sa tentative avait été vaine. Il aurait été plus sage de l’abandonner. Bien sûr , les autres créatures qui vivaient dans la forêt avaient dû remarquer les tentatives infructueuses de Hagrid d’apprendre l’anglais à Grawp.
« Oui… Même si vous lui parlez juste un peu, » dit Hagrid avec espoir. « Parce que je pense que s’il peut parler aux gens, il comprendra mieux que nous l’aimons tous et que nous voulons qu’il reste. »
Harry regarda Hermione, qui lui rendit son regard a travers les doigts qu’elle avait toujours sur le visage.
« Ca vous donne un peu l’impression que Norbert est revenu, pas vrai ? » dit-il, avec un rire jaune.
« Vous allez le faire, alors ? » dit Hagrid, qui n’avait pas l’air d’avoir entendu ce que Harry venait de dire.
« Nous… » hésita Harry, toujours engagé par sa promesse. « Nous allons essayer, Hagrid. »
« Je savais que je pouvais compter sur toi, Harry, » dit Hagrid qui rayonnait, ému, et qui se tamponna le visage avec son mouchoir à nouveau. « Et je ne veux pas que vous vous impliquiez trop… Je sais que vous avez des examens… Si vous pouviez seulement faire un saut ici avec la cape d’invisibilité, mettons une fois par semaine et avoir une petite conversation avec lui. Je vais le réveiller… Vous présenter… »
« Qu… Non ! » s’exclama Hermione en bondissant sur ses pieds. « Hagrid, non, ne le réveillez pas, vraiment, ce n’est pas la p… »
Mais Hagrid avait déjà franchi les troncs des arbres devant eux et avançait vers Grawp.
Quand il fut a environs dix pieds de lui, il souleva une longue branche cassée du sol, fit un sourire rassurant à Harry et Hermione par dessus son épaule, et poussa Grawp vers le milieu du dos avec le bout de la branche.
Le géant poussa un rugissement qui résonna dans la Forêt silencieuse ; les oiseaux perchés au sommet des arbres s’envolèrent de leurs perchoirs et s’éloignèrent. En face de Harry et Hermione, le gigantesque Grawp se soulevait du sol, qui trembla lorsqu’il y posa son énorme main pour se remettre sur pieds. Il tourna la tête pour voir qui l’avait dérangé.
« Tout va bien, Grawpy ? » dit Hagrid, d’une voix qui se voulait enjouée, en reculant avec la branche, prêt à piquer Grawp de nouveau. « Tu as bien dormi ? »
Harry et Hermione reculèrent aussi loin qu’ils le purent tout en gardant le géant dans leur champ de vision. Grawp s’agenouilla entre deux arbres qu’il n’avait pas encore déracinés. Ils regardèrent son visage qui ressemblait à une pleine lune argentée a milieu des ténèbres de la clairière. On aurait dit que ses traits avaient été taillés dans une grosse pierre ronde. Le nez était trapu et informe, la bouche tordue remplie de dents jaunes difformes de la taille d’une demi brique ; les yeux, petits par rapport au reste du corps, tiraient vers un vert de vase et étaient encore a moitié fermés par le sommeil. Grawp étendit ses doigts sales, qui étaient chacun aussi grands qu’une batte de base-ball, jusqu’à ses yeux, qu’il frotta vigoureusement, puis, sans prévenir, il se mit sur ses pieds avec une vitesse et une agilité surprenante.
Harry entendit Hermione hurler« Oh mon… ! », terrifiée, à côté de lui.