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Il n’avait fait qu’une douzaine de pas quand il les atteignit : Dudley était recroquevillé par terre, ses mains crispées lui couvrant le visage. Un deuxième Détraqueur était accroupi juste au-dessus de lui, lui tenant les poignets de ses mains visqueuses, les écartant lentement, presque affectueusement, baissant sa tête encapuchonnée vers le visage de Dudley, sur le point de l’embrasser.
« ATTRAPE-LE ! » Hurla Harry, et, dans un rugissement, le cerf argenté qu’il avait conjuré le dépassa au galop. La tête sans yeux du Détraqueur était au mieux à un centimètre de Dudley quand les bois du cerf le happèrent ; la chose fut projetée en l’air et, comme son semblable, elle s’envola et fut avalée par l’obscurité ; le cerf partit au petit galop vers le bout de la ruelle et se dissipa en une brume argentée. La lune, les étoiles et les lampadaires brillaient à nouveau. Une brise chaude balayait la ruelle. Les arbres bruissaient dans les jardins alentour, et le grondement habituel des voitures dans Magnolia Crescent emplit l’air à nouveau. Harry se tenait presque immobile, tous ses sens en éveil, le temps de s’habituer à ce brusque retour à la normalité. Au bout d’un moment, il se rendit compte que son T-shirt lui collait à la peau ; il était trempé de sueur. Il n’arrivait pas à croire à ce qui venait de se passer. Des Détraqueurs ici, à Little Whinging.
Dudley était toujours recroquevillé sur le sol, tremblant et gémissant. Harry se pencha pour voir s’il était en état de se relever, mais il entendit quelqu’un courir d’un pas pesant derrière lui. Instinctivement, il leva sa baguette et pivota sur ses talons pour faire face au nouveau venu. Mme Figg, leur vieille voisine cinglée, arriva toute essoufflée. Ses boucles grisonnantes sortaient de son filet à cheveux, un sac de courses se balançait sur son poignet en cliquetant et ses pieds étaient à moitié sortis de pantoufles en tissu écossais.
Harry s’apprêtait à dissimuler rapidement sa baguette, mais —
« Ne la range pas, imbécile ! » Cria-t-elle. « Et s’il y en avait d’autres ? Oh, je vais tuer Mundungus Fletcher ! »
Chapitre Deux : Une plaie de hiboux
« Pardon ? » dit Harry.
« Il est parti ! » s’écria Mme Figg, se tordant les poignets. « Parti voir quelqu’un au sujet d’un lot de chaudrons tombés de l’arrière d’un balai. Je lui ai dit que je l’écorcherais vif s’il partait, et regarde maintenant ! des Détraqueurs ! C’est heureux que j’ai mis M. Tib sur l’affaire ! Mais nous n’avons pas le temps de traîner ! Dépêche-toi maintenant, il faut te ramener ! Oh, les ennuis que ça va causer ! Je vais le tuer ! »
« Mais –» La révélation que cette vieille voisine cinglée obsédée des chats savait ce qu’étaient les Détraqueurs était un choc presque aussi fort pour Harry que d’en rencontrer deux dans l’allée. « Vous êtes — vous êtes une sorcière ? »
« Je suis une Cracmol, et Mundungus le sait très bien, alors comment diable étais je censée t’aider à repousser des Détraqueurs ? Il t’a laissé complètement sans protection alors que je l’avais prévenu –»
« Ce Mundungus m’a suivi ? Attendez — c’était lui ! Il a transplané devant ma maison ! »
« Oui, oui, oui, mais heureusement j’avais posté M. Tib sous une voiture au cas où, et M.
Tib est venu me prévenir, mais lorsque je suis arrivé chez toi tu étais parti — et maintenant — oh, que va dire Dumbledore ? Toi ! » cria-t-elle à Dudley, encore gisant sur le sol de l’allée. « Bouge ton gros postérieur d’ici, vite ! »
« Vous connaissez Dumbledore ? » dit Harry en la fixant.
« Bien sûr que je connais Dumbledore, qui ne connaît pas Dumbledore ? Mais allons-y
— je ne serai d’aucun secours s’ils reviennent, je n’ai jamais ne serait-ce que Métamorphosé un sachet de thé. »
Elle se pencha, saisit un des bras massifs de Dudley dans ses mains desséchées et tira.
« Debout, espèce de gros lourdaud, debout ! »
Mais Dudley ne pouvait — ou ne voulait — pas bouger. Il resta par terre, tremblant et blême, les lèvres serrées de toutes ses forces.
« Laissez-moi faire. » Harry saisit le bras de Dudley et le souleva. Au prix d’un énorme effort il réussit à le hisser sur ses pieds. Dudley semblait sur le point de s’évanouir. Ses petits yeux tournaient dans leurs orbites et la sueur perlait de son front. Dès que Harry le lâcha il vacilla dangereusement.
« Dépêche-toi ! » pressa Mme Figg.
Harry tira un des bras de Dudley par-dessus ses propres épaules et le traîna vers la route, fléchissant un peu sous son poids. Mme Figg tituba devant eux, lorgnant vers l’angle avec anxiété.
« Garde ta baguette prête » demanda-t-elle à Harry tandis qu’ils arrivaient dans Wisteria Walk. « Ne t’occupe pas du Code du Secret maintenant, il va y avoir des dégâts quoi qu’il arrive, autant être pendus pour un dragon que pour un œuf. Tu parles de Restriction Raisonnable de l’Usage de la Magie chez les Sorciers du Premier Cycle…
c’est exactement ce que craignait Dumbledore — Qui est-ce au bout de la rue
? Oh, c’est juste M. Prentice… ne range pas ta baguette, mon garçon, ne te dis-je pas sans cesse que je ne sers à rien ? »
Ce n’était pas facile de tenir une baguette droite et de soutenir Dudley en même temps.
Harry donna un coup de coude dans les côtes à son cousin, mais Dudley semblait avoir perdu tout désir de mouvement autonome. Il était affalé sur l’épaule de Harry, ses grands pieds traînant par terre.
« Pourquoi ne m’avez-vous pas dit que vous étiez une Cracmol, Mme Figg ? » demanda Harry, haletant dans l’effort pour continuer à marcher. « Toutes ces fois où je suis venu chez vous — pourquoi n’avez-vous rien dit ? »
« Ordre de Dumbledore. Je devais garder un œil sur toi mais ne rien te dire, tu étais trop jeune. Je suis désolée de t’avoir fait passé des moments si pitoyables, Harry, mais les Dursley ne t’auraient jamais laissé venir s’ils avaient pensé que tu t’amusais. Ce n’était pas facile, tu sais… mais oh ma parole, » dit-elle dramatiquement, se tordant les mains à nouveau, « quand Dumbledore entendra parler de ça — comment Mundungus a-t-il pu partir, il était censé être de service jusqu’à minuit — où est-il ? Comment vais-je raconter à Dumbledore ce qui s’est passé ? Je ne peux pas transplaner. »
« J’ai une chouette, vous pouvez l’emprunter. » grogna Harry, se demandant si sa colonne vertébrale n’allait pas se briser sous le poids de Dudley.
« Harry, tu ne comprends pas ! Dumbledore va devoir intervenir aussi vite que possible, le Ministère a ses propres méthodes pour détecter la magie des sorciers du premier cycle, ils doivent déjà être au courant, je sais ce que je dis. »
« Mais je repoussais des Détraqueurs, j’étais obligé d’utiliser la magie — ils vont plus s’inquiéter de ce que faisaient des Détraqueurs dans Wisteria Walk, certainement ? »
« Oh, mon pauvre, j’aimerais qu’il en fût ainsi, mais je crains — MUNDUNGUS
FLETCHER, JE VAIS TE TUER ! »
Il y eut un puissant crac et une forte odeur d’alcool mêlée de tabac refroidi emplit l’air et un homme ramassé et hirsute dans un pardessus fripé se matérialisa juste devant eux. Il avait de courtes jambes arquées, de longs cheveux étrangement roux, et des yeux injectés de sang dans des paupières trop larges qui lui donnaient l’air dolent d’un basset.
Il serrait aussi un paquet argenté que Harry reconnut aussitôt comme une Cape d’Invisibilité.
« ’c’ qu’y a, Figgy ? » dit-il, son regard se promenant sur Mme Figg, Harry et Dudley. «
J’croyais qu’on d’vait pas s’montrer ? »
« Je vais t’apprendre à ne pas te montrer ! » cria Mme Figg. « Des Détraqueurs, espèce de brigand inutile, tire-au-flanc, traître ! »
« des Détraqueurs ? » répéta Mundungus, horrifié. « des Détraqueurs, ici ? »
« Oui, ici, espèce de bon à rien de chiure de chauve-souris, ici ! » s’exclama Mme Figg. «
Des Détraqueurs qui attaquaient le garçon sous ta surveillance ! »
« ’tain ! » souffla Mundungus, regardant tour à tour Mme Figg et Harry. « ’tain, je –»
« Et toi parti acheter des chaudrons volés ! Je ne t’avais pas dit de ne pas y aller ? N’estce pas ? »
« Je — euh, je –» Mundungus avait l’air très inconfortable. « C’ét — c’était une très bonne affaire, tu sais –»
Mme Figg leva le bras d’où se balançait son sac de provisions et en fouetta le visage et le cou de Mundungus ; d’après le cliquetis métallique qu’il produisit il était plein de boîtes pour chat.
« Aïe — lâche-moi — arrête, vielle chauve-souris folle ! Quelqu’un doit aller prévenir Dumbledore ! »
« Oui — en — effet ! » hurla Mme Figg, balançant le sac de nourriture pour chat sur chaque centimètre carré de Mundungus qu’elle pouvait atteindre. « Et — ça — a —
intérêt — à — être — toi — et — tu — peux — lui — dire — pourquoi — tu —