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Veuillez agréer l’expression de mes vœux les plus sincères, Mafalda Hopkirk
Service des Usages Abusifs de la Magie
Ministère de la Magie
Harry relut deux fois la lettre. Il ne se rendait pas bien compte que l’oncle Vernon et la tante Pétunia parlaient. Dans sa tête, tout était gelé et transi. Une chose avait frappé son esprit comme un trait paralysant. Il était expulsé de Poudlard. C’était fini.
Il ne reviendrait plus jamais.
Il leva les yeux sur les Dursley. L’oncle Vernon, le visage violacé, criait, les poings toujours levés ; la tante Pétunia enserrait Dudley, encore nauséeux.
Le cerveau temporairement paralysé de Harry sembla se réveiller. Des fonctionnaires du Ministère se présenteront sous peu à votre domicile pour détruire votre baguette. Il n’y avait pas trente-six solutions. Il devrait fuir — tout de suite. Où ça, Harry n’en savait rien, mais il était sûr d’une chose : à Poudlard ou ailleurs, il avait besoin de sa baguette.
Dans un état presque onirique, il défourailla sa baguette et se retourna pour sortir de la cuisine.
« Où crois-tu aller ? » hurla l’oncle Vernon. Devant le silence de Harry, il se précipita à travers la cuisine se mettre en travers de la porte donnant sur l’entrée. « Je n’en ai pas fini avec toi, gamin ! »
« Écarte-toi de mon chemin. » dit Harry calmement.
« Tu vas rester ici et m’expliquer comment mon fils –»
« Si tu ne bouges pas je vais t’ensorceler. » dit Harry, levant sa baguette.
« Tu ne me feras pas avaler ça ! » ricana l’oncle Vernon. « Je sais que tu n’as pas le droit de t’en servir hors de cette maison de fous que tu appelles une école ! »
« La ‹ maison de fous › m’a viré. » dit Harry. « Donc je peux faire tout ce que je veux. Tu as trois secondes. Une — deux –»
Un grand CRAC résonna dans la cuisine. La tante Pétunia cria, l’oncle Vernon hurla et sauta de côté, mais pour la troisième fois de la nuit Harry cherchait la source d’une perturbation qu’il n’avait pas causée. Il la repéra immédiatement : une chouette hulotte étourdie et ébouriffée qui venait de se cogner contre la fenêtre fermée était posée sur le rebord extérieur.
Ignorant le « HIBOUX ! » vociféré par l’oncle Vernon, Harry courut à travers la pièce et ouvrit la fenêtre. La chouette tendit la patte, où était attaché un petit rouleau de parchemin, s’ébroua, et s’envola dès que Harry eût prit la lettre. Les mains tremblantes, Harry déroula le second message, qui était griffonné à la hâte et plein de tâches d’encre noire.
Harry —
Dumbledore vient d’arriver au Ministère et il se démène pour arranger ça. NE T ’EN
VAS PAS DE CHEZ TA TANTE ET TON ONCLE. NE REFAIS PAS DE
MAGIE. NE RENDS PAS TA BAGUETTE.
Arthur Weasley
Dumbledore essayait d’arranger ça… qu’est-ce que cela voulait dire ? Quel pouvoir avait Dumbledore pour contrer le Ministère de la Magie ? Y avait-il donc un espoir qu’il puisse être autorisé à retourner à Poudlard ? Un petit sursaut d’espérance bourgeonna dans le cœur de Harry, presque aussitôt étouffé par la panique — comment était-il censé refuser de rendre sa baguette sans faire de magie ? Il serait obligé de combattre les fonctionnaires du Ministère, et s’il le faisait, il aurait de la chance d’éviter Azkaban, sans parler de l’expulsion.
Son esprit s’emballait… il pouvait prendre ses jambes à son cou et risquer d’être repris par le Ministère, ou se tenir tranquille et attendre qu’ils viennent le chercherici. Il était bien plus tenté par le premier choix, mais il savait que M. Weasley agissait dans son intérêt… et après tout, Dumbledore avait arrangé des choses bien pires auparavant.
« Très bien » déclara Harry, « J’ai changé d’avis, je reste. »
Il se jeta sur une chaise à la table de la cuisine et fit face à Dudley et à la tante Pétunia. Les Dursley semblèrent abasourdis devant son brusque changement d’avis. La tante Pétunia chercha désespérément le regard de l’oncle Vernon. La veine sur sa tempe violacée battait plus qu’elle ne l’avait jamais fait.
« De qui viennent tous ces fichus hiboux ? » grogna-t-il.
« Le premier était du Ministère de la Magie, il m’expulsait. » dit calmement Harry. Il tendait l’oreille aux bruits du dehors, au cas où les fonctionnaires du Ministère approcheraient, et il était plus facile et moins bruyant de répondre aux questions de l’oncle Vernon plutôt que d’avoir à supporter ses grognements et ses rugissements. « Le deuxième était du père de mon ami Ron, qui travaille au Ministère. »
« un Ministère de la Magie ? » meugla l’oncle Vernon. « Des gens comme toi au gouvernement ? oh, voilà qui explique tout, absolument tout, pas étonnant que le pays tourne mal. »
Face au silence de Harry, l’oncle Vernon le regarda, puis cracha : « Et pourquoi as tu été expulsé ? »
« Parce que j’ai fait de la magie. »
« AHA ! » rugit l’oncle Vernon, abattant son poing sur le réfrigérateur, lequel s’ouvrit ; quelques sandwichs allégés de Dudley basculèrent et éclatèrent sur le sol.
« Alors tu le reconnais ! Qu’as-tu fait à Dudley ? »
« Rien. » dit Harry, un peu moins calme. « Ce n’était pas moi –»
« Si. » grommela Dudley que l’on n’espérait plus, et l’oncle Vernon et la tante Pétunia firent aussitôt des gestes vifs avec la main à l’intention de Harry pour le faire taire pendant qu’ils se penchaient tous deux au-dessus de Dudley.
« Continue, fiston. » dit l’oncle Vernon. « Qu’est-ce qu’il a fait ? »
« Raconte-nous, chéri. » chuchota la tante Pétunia.
« M’a visé avec sa baguette, » marmonna Dudley.
« Oui, c’est vrai, mais je ne m’en suis pas –» débuta Harry furieusement, mais —
« TAIS-TOI ! » rugirent l’oncle Vernon et la tante Pétunia en chœur.
« Continue, fiston. » répéta l’oncle Vernon, ses moustaches se balançant de rage.
« Tout est devenu noir » dit Dudley d’une voix rauque et tremblante. « Tout était noir.
Et puis j–j’ai entendu… d–des choses. D–Dans ma tête. »
L’oncle Vernon et la tante Pétunia échangèrent des regards exprimant la plus totale horreur. Si la chose qu’ils aimaient le moins au monde était la magie — précédée de près par les voisins qui violaient plus qu’eux la proscription de l’arrosage — les gens qui entendaient des voix étaient des voix étaient certainement dans les dix derniers. Ils pensaient évidemment que Dudley devenait fou.
« Quelles sortes de choses tu as entendues, mon chou ? » souffla la tante Pétunia, blême et les yeux humides.
Mais Dudley semblait incapable de le dire. Il frissonna encore et secoua sa grande tête blonde, et malgré la sensation d’être paralysé de terreur qui s’était emparée de Harry depuis l’arrivée du premier hiboux, il ressentit une certaine curiosité. Les Détraqueurs forçaient à revivre les pires moments de sa vie. Qu’est-ce que Dudley, pourri, gâté, tyrannique, avait été forcé d’entendre ?
« Comment se fait-il que tu sois tombé, fiston ? » dit l’oncle Vernon, d’une voix anormalement calme, le genre de voix qu’il pourrait adopter au chevet d’un grand malade.
« T–Trébuché. » dit Dudley en tremblant. « Et ensuite –»
Il désigna sa poitrine imposante. Harry comprit. Dudley évoquait le froid suintant qui envahissait les poumons tandis que l’espoir et le bonheur étaient aspirés.
« Horrible » croassa Dudley. « Froid. Vraiment froid. »