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Et Simon ne trouva rien d’autre à répondre :
— Nous sommes des amis.
— D’où venez-vous ?
— Du monde entier...
Cela sembla la surprendre.
— Du monde entier ? Je ne comprends pas. Etes-vous de Gondawa ?
— Non.
— D’Enisoraï ?
— Non.
— De qui êtes-vous ?
— Je suis de France, elle de Russie, lui d’Amérique, lui de France, lui de Hollande, lui...
— Je ne comprends pas... Est-ce que, maintenant, c’est la Paix ?
— Hum, fit Hoover.
— Non ! dit Léonova, les impérialistes...
— Taisez-vous ! ordonna Simon.
— Nous sommes bien obligés, dit Hoover de nous défendre contre...
— Sortez ! dit Simon. Sortez ! Laissez-nous seuls ici, nous les médecins !...
Hoover s’excusa.
— Nous sommes stupides... Excusez-moi... Mais je reste...
Simon se tourna vers Eléa.
— Ce qu’ils ont dit ne veut rien dire, dit-il. Oui, maintenant, c’est la Paix... Nous sommes en Paix. Vous êtes en Paix. Vous n’avez rien à craindre...
Eléa eut un profond soupir de soulagement. Mais ce fut avec une appréhension visible qu’elle posa la question suivante :
— Avez-vous des nouvelles... des nouvelles des Grands Abris ? Est-ce qu’ils ont tenu ?
Simon répondit :
— Nous ne savons pas. Nous n’avons pas de nouvelles.
Elle le regarda avec attention, pour être sûre qu’il ne mentait pas. Et Simon comprit qu’il ne pourrait jamais lui dire autre chose que la vérité.
Elle commença une syllabe, puis s’arrêta. Elle avait une question à poser qu’elle n’osait pas poser, parce qu’elle avait peur de la réponse.
Elle regarda tout le monde, puis de nouveau Simon seul. Elle lui demanda, très doucement :
— Païkan ?
Il y eut un court silence, puis un déclic dans les oreilles, et la voix neutre de la Traductrice – celle qui n’était ni une voix d’homme ni une voix de femme – parla en dix-sept langues dans les dix-sept canaux :
— Le mot Païkan ne figure pas dans le vocabulaire qui m’a été injecté, et ne correspond à aucune possibilité logique de néologisme. Je me permets de supposer qu’il s’agit d’un nom.
Eléa l’entendit aussi, dans sa langue.
— Bien sûr, c’est un nom, dit-elle. Où est-il ? Avez-vous de ses nouvelles ?
Simon la regarda gravement.
— Nous n’avons pas de ses nouvelles... Combien de temps croyez-vous avoir dormi ?
Elle le regarda avec inquiétude.
— Quelques jours ? dit-elle.
De nouveau, le regard d’Eléa fit le tour du décor et des personnages qui l’entouraient. Elle retrouva le dépaysement de son premier réveil, tout l’insolite, tout le cauchemar. Mais elle ne pouvait pas accepter l’explication invraisemblable. Il devait y en avoir une autre. Elle essaya de se raccrocher à l’impossible.
— J’ai dormi combien ?... Des semaines ?... Des mois ?...
La voix neutre de la Traductrice intervint de nouveau :
— Je traduis ici approximativement. A part le jour et l’année, les mesures de temps qui m’ont été injectées sont totalement différentes des nôtres. Elles sont également différentes pour les hommes et pour les femmes, différentes pour le calcul et pour la vie courante, différentes selon les saisons, et différentes selon la veille et le sommeil.
— Plus... dit Simon. Beaucoup plus... Vous avez dormi pendant...
— Attention, Simon ! cria Lebeau.
Simon s’arrêta et réfléchit quelques secondes, soucieux, en regardant Eléa. Puis il se tourna vers Lebeau.
— Vous croyez ?
— J’ai peur... dit Lebeau.
Eléa, anxieuse, répéta sa question :
— J’ai dormi pendant combien de temps ?... Est-ce que vous comprenez ma question ?... Je désire savoir pendant combien de temps j’ai dormi... Je désire savoir...
— Nous vous comprenons, dit Simon.