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C'est Alice qui l'avait réveillé.
Dans son sommeil un mouvement de forte amplitude était venu bousculer les règles d'un rêve très ancien qui venait périodiquement assaillir sa conscience endormie. Puis une voix avait résonné à ses oreilles et ses yeux s'étaient ouverts. Il reprit pied difficilement. Le visage d'Alice là tout près. Ses lèvres qui chuchotaient quelque chose, son air grave. Sa main qui secouait son épaule. La chambre plongée dans le noir.
– Hugo, lui disait-elle, réveillez-vous… Hugo, il faut que vous vous réveilliez…
Il se réveilla.
– Ou'est-ce qu'ya?
– Ils sont là, Hugo… Oh, plein d'hommes, des hommes de ma mère… ils sont dans l'hôtel.
Il prit conscience tout à fait, rejetant les draps et s’asseyant sur le lit.
– Oui, jeta-t-elle, plus terrifiée à chaque seconde, je les ai vus entrer et j'ai entendu du bruit en bas, je… je ne dormais pas très bien et j'ai entendu leurs voitures… OH!
Elle venait de sursauter alors que de lourdes foulées grimpaient l'étage et que des voix étouffées se faisaient entendre.
– Ce sont eux, mon dieu, faillit-elle hurler mais Hugo lui faisait signe de la boucler, puis lui montra d'un geste ferme le cabinet de toilettes. Sa main empoignait déjà le pistolet-mitrailleur.
Il se mit sur ses pieds, doucement, et s'accroupit en tendant l'oreille, derrière le lit. Alice refermait la porte des toilettes sur elle. Le silence était retombé. Il déclencha le cran de sûreté et mit le système photo-optique en route. Il s'installa confortablement le dos au mur, en repliant ses jambes sur le sol et en tenant l'arme dirigée vers la porte, bien calée sur l'oreiller.
Un long film vert commença. Dans le viseur une porte verdâtre s'encadrait sur un mur d'une autre nuance, légèrement plus claire. Aucune lumière dans le couloir. Les types voulaient profiter de l'obscurité: ils allaient être servis.
Il attendit patiemment que la porte s'ouvre.
Une énorme détonation le fit sursauter, malgré l'habitude. Un violent éclair zébra l'image monochrome, là où la serrure explosa.
Et le rectangle vert intense découvrit un autre rectangle très dense, presque noir, mais où se détachaient nettement trois silhouettes, d'un beau vert, électrique et généreux. La croix graduée du collimateur se trouvait en plein sur la grosse silhouette du centre. Les hommes allaient se ruer dans la chambre dans une fraction de seconde.
Il appuyait déjà sur la détente. Un énorme jet de flammes orange troua la nuit, dans un bruit infernal. L'arme tressauta contre son épaule et il vit l'homme du centre et son voisin de droite partir à la renverse. Les flammes trouaient toujours la nuit et l'homme de gauche tenta de tirer avec son arme, en se jetant en avant, Hugo vit nettement l'éclair fluorescent zébrer la lentille mais le tir de l'homme ne fut pas assez précis. Les flammes orange tonnaient toujours et la croix chiffrée le pointait. L'homme s'écroula à son tour, dans une danse grotesque. On hurlait de partout. La porte et le mur étaient ravagés par une pluie de métal. Il y avait une autre ombre verte dans le couloir qui tirait vers lui à son tour. Des impacts s'étoilèrent sur le lit et l'armoire. La silhouette avait tiré accroupie et elle se releva prestement. Une solide baraque, qu'il arrosa au jugé. Mais l'homme se jeta à plat ventre dans le couloir, disparaissant momentanément à sa vue. Et un autre, non deux autres dans l'escalier, dont l'un avec un fusil, qui montaient en courant à l'étage. Les flammes trouaient la nuit. Le grand type remettait ça lui aussi. La vitre de la chambre explosa derrière lui. De grosses détonations que hurlait un énorme revolver, paraissant minuscule dans sa main de catcheur. Son tir était redoutablement précis et Hugo se colla contre le mur. L'homme avec le fusil était arrivé en haut de l'escalier et il épaula en direction de sa chambre. Le montant de la porte explosa et un autre impact vint plomber le pied du lit, déchiquetant le bois et le sommier de métal.
Le viseur se stabilisa sur l'homme dans l'escalier alors que les flammes trouaient la nuit. Il vit la silhouette s'aplatir contre le mur, ombre verte sur un simple décor gris verdâtre. Le bruit de son corps resonna lourdement sur les marches. L'homme qui l'accompagnait se jeta à plat ventre sur les marches alors que les impacts dévoraient le mur.
Son premier chargeur était vide. Il le dégagea vivement et le retourna d'un geste avant d'enclencher son double scotché dans un claquement sec.
Il arma la culasse.
C'est à ce moment-là qu'il se passa quelque chose d'étrange dans le couloir. Le grand type ne tirait plus vers lui, il tirait vers l'autre extrémité du couloir, d'ailleurs n'avait-il pas vu une porte s'ouvrir à la périphérie de sa vision alors qu'il plombait le type de l'escalier? Oui, la porte du fond en face de la sienne s'était ouverte et une silhouette verte avait gueulé en brandissant quelque chose. Et là, le grand type venait de se retourner et de tirer vers cette silhouette qui se courba en deux puis s'effondra. Qui c'était ça, bon dieu? Hugo dirigea le viseur vers la grande silhouette couchée, et les flammes trouèrent la nuit à nouveau mais l'ombre roulait vers le mur du couloir où elle s'aplatissait, disparaissant à sa vue. Un sérieux celui-là. Des coups de feu retentissaient déjà dans l'escalier. Et d'autres là, encore une fois au fond du couloir. Et merde, l'autre gars de l'escalier rappliquait à nouveau et vidait un chargeur plein en direction de sa chambre. Un automatique. Des balles fusèrent autour de lui. Très proches. L'homme avait dû repérer les flammes. Et un type apparaissait derrière lui avec un fusil à pompe. Il cala le viseur entre eux deux et arrosa la cage. Le type au fusil déboulait les marches en poussant une plainte étouffée. Le grand planqué contre le mur du couloir continuait de tirer, putain… Hugo roula sur le côté et passa sous le lit pour ramper jusqu'à la porte. Mais d'autres coups de feu retentissaient déjà du fond du couloir et Hugo entendit un juron dans une langue rugueuse qu'il ne connaissait pas. Des détonations encore… Il se retrouva près du chambranle de la porte à plat ventre. Il s'accroupit et ajusta le viseur sur le décor du couloir. Il vit que la grande silhouette semblait touchée et descendait l'escalier à reculons, en tirant au jugé dans sa chambre et un peu partout, plus généralement, protégé par le deuxième homme de l'escalier qui plombait l'espace avec deux flingues maintenant. La rambarde de l'étage semblait dévorée par une race particulièrement tonique de termites. Dans l'escalier, un autre homme arrivait avec un fusil lui aussi, et un autre encore avec un petit PM israélien à canon ultra-court, nom de dieu. Les types montèrent à l'assaut de l'escalier en ouvrant le feu. Des balles et de la grosse mitraille s'étoilèrent partout dans la chambre, sur les murs. Hugo stabilisa vaguement le viseur sur les silhouettes verdâtres. Les flammes trouèrent la nuit à nouveau et les impacts dévorèrent la cage d'escalier. Il vit qu'il avait fait mouche. Le type aux deux flingues avait morflé et l'homme au PM aussi, dévalant les marches. Le type au fusil se jeta très professionnellement au bas de l'escalier et empoigna au passage la lourde silhouette qui traînait la jambe, à l'entresol. Ils réussirent par miracle à échapper à l'essaim de balles qui pilonna la cage jusqu'à ce que son chargeur soit vide.
Le bruit du percuteur agaça son oreille.
Il reprit son souffle et essuya la sueur qui lui dégoulinait de partout sur le visage et dans le cou.
Il entendit leur course au rez-de-chaussée, la porte du hall s'ouvrir et des cris résonner dans l'espace. Des ordres brefs. Il les entendit sortir de l'hôtel, à toute vitesse, puis courir sur le gravier. Il entendit presque aussitôt les moteurs démarrer et es portières claquer. Puis le crissement des pneus.
Il fut surpris de constater qu'aucune sirène de police ne hululait dans la nuit.
Seigneur dieu. Cela faisait trois bonnes semaines qu'il n'avait pas eu aussi peur. Il était couvert d'un film moite et glacé. Quand il avait compris qu'ils étaient une bonne dizaine il s'était dit que le siège serait plus difficile à tenir que prévu. Mais, bon, ça avait marché. Bon sang… il n'aurait jamais cru pouvoir tuer six ou sept hommes aussi rapidement, là, en quoi? Allez… deux ou trois minutes?
Les silhouettes avachies en travers de la porte et le poids du PM dans le creux de sa main lui montraient toute la matérialité du phénomène.
Il ne fallait pas rester. Il courut jusqu'au cabinet et lança d'une voix étouffée:
– Alice c'est moi, Hugo. Tu peux sortir. C'est fini, maintenant.
Il entendit le verrou qu'on poussait puis le battant pivota, la découvrant, le visage anxieux et proprement défait.
Hugo tenait négligemment l'arme vers le sol, il gérait l'urgence et avait oublié momentanément le long terme. On avait tiré une deuxième fois du fond du couloir, après que l'homme de la chambre avait été abattu par la grande silhouette. C'était même sûrement ces coups de feu qui avaient atteint le chef des ombres.
Il était juste en train d'y penser lorsqu'il vit le visage d'Alice fixer un point derrière lui. Son visage exprimait une émotion indicible. Un mélange d'incompréhension, d'étonnement total et d'émerveillement. Bouche bée, le regard perdu par-dessus son épaule.
Il se retournait lorsque la voix avait éclaté, extrêmement sèchement.
– Policia. Polizei. Police, puis en portugais: ne faites aucun geste et laissez tomber votre jouet.
Du coin de l'œil Hugo vit une élégante silhouette s'encadrer dans l'ouverture. Des cheveux longs, fauves, presque roux, qui tombaient sur ses épaules. Un simple polo noir et un blue-jean. Oui, bien sûr, la voix avait été si totalement féminine.
Il fit doucement face à la silhouette qui avançait vers lui, une des ses mains braquant le flingue vers lui, tout à fait professionnellement.
L'autre pendait mollement le long de son corps. Malgré l'obscurité, il put discerner des reflets gras dans le haut du bras. Et des rigoles noires suintant sur son poignet blafard.
– Ne faites rien de regrettable, et laissez tomber votre jouet. Je suis droitière.
Elle voulait sûrement dire par là qu'elle tenait son petit automatique de la main la mieux entraînée, se dit Hugo. Son regard se portait maintenant sur Alice.
Celle-ci totalement paralysée lâcha péniblement, en hollandais:
– Ma… Madame Van Dyke…
La femme-flic fit un sourire à l'enfant tout en continuant de braquer son petit automatique sur la figure d'Hugo. Manières qu'il trouvait tout à fait détestables et manquant de courtoisie.
Van Dyke? pensait-il, cette fille serait une flic hollandaise?
– Posez ce machin, laissa-t-elle tomber, toujours en portugais, nullement résignée par son obstination. Et levez les mains.
Puis en néerlandais, ce que nota immédiatement Hugo:
– Viens ici Alice.
D'un geste rapide du pistolet, mais qui lui arracha une petite plainte, elle aplatit l'interrupteur à sa droite. La lumière du plafonnier se répandir dans la pièce.
Une assez jolie fille, nota Hugo, sans le vouloir. Le flingue était déjà revenu à sa place initiale.
Hugo n'avait pas le choix. Il fit doucement glisser le PM le long de sa lanière et le posa délicatement à terre.
– Pas de problème, dit-il dans sa langue paternelle. Il est vide de toute façon.
– Levez les mains…
Puis en hollandais:
– Qui êtes-vous?
La jeune femme le détaillait d'un œil soupçonneux et scrutateur.
Son visage était très pâle. Et un film de sueur perlait sur son front. Ses yeux semblaient troublés par un voile de fatigue.
Hugo ne savait pas trop comment se dépêtrer du piège. Il resta silencieux. Leva lentement les mains à hauteur des épaules.
C'est Alice qui lui sauva la mise.
– Madame Van Dyke… Anita, ne lui faites pas de mal. C'est Hugo, c'est un ami, il m'a aidée. Il m'a sauvée des hommes de ma mère…
La jeune fille s'interposait presque entre la fliquesse et lui.
La flic écarta gentiment l'enfant. Son mouvement faillit lui arracher un petit cri, réprimé en une plainte rentrée.
– C'est Travis qui vous emploie? laissa-t-eIle tomber après de longues secondes d'observation.
Hugo faillit éclater de rire. Travis, m'employer?
Il la fixa sans ciller, un mince sourire aux lèvres.
Qu'est-ce que c'était que cette connerie?
– Vous êtes sérieuse?
La jeune femme le détailla sans trop d'aménité, cherchant à le situer. Alice fit un pas vers elle.
– Madame Van Dyke, Anita… S'il vous plaît, écoutez-moi… Je vous dis que c'est un ami.
Les yeux de la fillette ne pouvaient se détacher du crabe de sang qui s'étoilait sur l'épaule et le bras de lajeune femme.
– Qui êtes-vous? reprit la jeune flic dans un rictus de douleur… Que faites-vous avec Alice?
– Je l'accompagne.
– Vous l'accompagnez? Où ça?
– Chez son père.
Il repéra un éclair vif dans le regard de la jeune femme.
– Où ça chez son père?
Hugo fit un geste vague en direction de la petite:
– Je ne sais pas exactement, vers Faro. La petite connaît l'adresse et a une photo de la maison.
La fliquesse se tourna légèrement vers Alice. Ce simple mouvement semblait lui demander toute son énergie.
– Tu connais l'adresse de ton père. Alice?
Alice opina lentement du chef, sans dire un mot.
La fliquesse semblait la sonder du regard. Puis elle jeta un coup d'œil à Hugo, le flingue toujours tendu devant elle. Elle tourna à nouveau la tête vers Alice. Elle continuait de le surveiller attentivement d coin de l'oeil.
– Dis-moi, Alice, demanda la jeune femme dans un souffle, cette adresse ce ne serait pas à Albufeira?
Alice hocha positivement la tête, en silence.
– Je vois, laissa tomber la flic dans un souffle grave.
Hugo observa la jeune femme en détail. Celle-ci semblait réfléchir intensément et un de ses sourcils se fronçait.
Oui, se disait-il. Elle pense sûrement à la même chose que moi.
Le silence plombait l'univers.
– Dites-moi, laissa-t-il tomber nonchalamment, vous ne trouvez pas qu'ils en mettent du temps, vos p'tits copains du coin? On a pourtant tiré autant de balles qu'un régiment d'infanterie dans cet hôtel.
Il fixa clairement la tache rouge et grasse qui se déployait sous son épaule.
La fliquesse le regarda avec un regard froid et non exempt d'agressivité.
– Nous allons descendre, lâcha-t-elle froidement.
Hugo la fixa tout aussi froidement.
– Moi? Très sincèrement, je ne crois pas du tout.
Il voulait juste gagner une ou deux minutes. Il fallait qu'il trouve une issue.
Il affronta son regard et le museau tubulaire du petit automatique pointé vers lui.
– Anita, gémit Alice, s'il vous plaît…
– Une seconde Alice.
La voix de la jeune femme était d'une fermeté absolue.
– Vous ne croyez pas quoi? reprit-elle à son intention.
Elle réprima dIfficilement une grimace. Ses yeux se voilèrent un instant.
– Que je vais descendre avec vous.
– Vous pensez être en situation de discuter? Sa voix n'était plus qu'un souffle un peu rauque qu'Hugo trouva irrésistible, dans la seconde.
– Je suis d'un tempérament assez obstiné. Ma mère était bretonne et mon père était flamand.
La jeune femme eut un pâle sourire, mais le flingue ne bougeait toujours pas.
– Vous auriez tort de penser que j'hésiterais une seconde à faire usage de la force.
– Je n'ai pas dit ça.
La flic l'observait d'un regard où se mêlaient incompréhension et intérêt. Mais cette lueur fut rapidement occultée par un nuage qui voila le bleu intense de son iris.
Hugo la vit vaguement osciller, faire un pas en avant puis se courber sur le côté en émettant une plainte étouffée. Le bras armé du pistolet se replia malgré elle sur son bras blessé.
Hugo en profita aussitôt pour passer à l'action.
Il ne fit rien de brutal, ce qui le surprit sur le coup.
Il l'avait déjà rejointe, d'une foulée lente, mais inexorable.
Le visage de la jeune femme se contractait sous la douleur. Le sang n'arrêtait pas de couler. Une sacrée bonne hémorragie, pensa Hugo en voyant s'étoiler d'énormes gouttes de sang sur le parquet, maintenant. Sur toute la longueur du bras gauche, le polo noir était imbibé d'un liquide rougeâtre et brillant.
Il entendit une plainte, réprimée à l'intérieur de la glotte. Des larmes perlaient au coin des paupières. La mâchoire semblait collée à l'Araldite. Les yeux se voilèrent.
Oh merde, entendit-il distinctement alors qu' elle s'affaissait sur elle-même, la tête tombant à la renverse, le regard perdu vers les limbes de l'inconscience.
Il la rattrapa de justesse. Sa tête pendait mollement en arrière. Sa main laissa tomber le flingue qui, par chance, ne tira pas au moment de son choc contre le plancher.
Il posa délicatement la jeune femme sur le sol.
– Alice?
La fillette s'approcha de lui, déjà prête à faire ce qu'il lui dirait de faire, il le comprit instantanément et lui en sut gré.
Il courut jusqu'à son blouson, sauta dans ses vêtements et envoya les clés de la BMW à travers la pièce jusque dans les mains de la fillette qui les saisit adroitement au vol.
– On se tire. Tu ouvriras les portières.
Elle fonçait déjà vers l’escalier.
Il put se rendre compte qu'elle enjambait sans hésitation les cadavres allongés en travers de la porte, ou gisant dans l'escalier.
Lorsque la fliquesse s'éveilla, il atteignait le Beixa Alentejo. Il roulait sur une petite route qu'il suivait avec l'aide d'Alice, installée à côté de lui, sur le siège passager, la carte dépliée sur ses genoux. La jeune femme s'agita en gémissant, sur la banquette. Alice avait eu tout le temps de lui expliquer qui était Anita Van Dyke après qu'il l'eut portée dans la voiture. Au passage dans le hall de la réception il avait pu voir que le gardien de nuit avait été tué, une large entaille comme un deuxième sourire s'ouvrait autour de sa gorge, et qu'on avait arraché les fils du téléphone. Dans la voiture, il avait pratiqué un garrot et un pansement d'urgence, en moins d'une minute. À l'extérieur aucune bagnole de flics ne rôdait, nulle part dans les parages. Seules quelques lumières allumées dans les maIsons du voisinage témoignaient qu'on avait bien entendu quelque chose, comme des coups de feu, là, dans l'hôtel. C'était à croire que le commissariat entier avait été soufflé.
À vingt kilomètres d'Évora, il s'était planqué dans la cambrousse et avait procédé à l'intervention.
Il avait installé la couverture sous la tête de la flic puis découpé la manche avec son couteau suisse. Il y avait une vilaine blessure, un trou noirâtre et rouge, énorme, au sommet du bras, à cinq centimètres au-dessous de l'épaule. Il coupa la manche à l'encolure et la jeta au loin.
Il avait soulevé délicatement le bras de la jeune femme et vu qu'un deuxième orifice s'étoilait en dessous, également. La balle avait traversé le bras de part en part. Du très gros calibre, un genre de balles blindées. Ça avait causé de gros dégâts à l'intérieur. En quelques auscultations il put déjà soupçonner une fracture.
Il avait entendu le ahanement d'Alice qui revenait avec la pharmacie, une caisse à peine moins grosse que la trousse à outils. Comme le disait Ari Moskiewicz, ça ne prend pas beaucoup plus de place d'avoir un équipement fiable. C'était vrai. Mais ça pesait nettement plus lourd.
Hugo avait ouvert prestement la grosse valise. Il y avait là de quoi soigner à peu près tous les types de blessures occasionnées par les armes à feu.
Il avait extirpé une petite bouteille d'oxygène.
Un antiseptique puissant. Un anesthésique, des compresses, du fil, de quoi cautériser les plaies et une paire de ciseaux étincelants. Puis il avait procedé à l'opération.
Alice regardait le spectacle, d'un air médusé.
Ensuite il avait changé les plaques, dans ce chemin forestier en retrait de la route de Monsarraz.
Enfin il avait pris de petits axes routiers, un peu au a hasard, vers l'est, puis le sud-est.
Il entendit la jeune femme bouger, puis demander:
– Où sommes-nous?… Où… Où allons-nous?
Il jeta un coup d'œil sur la carte et prit une minuscule voie communale serpentant entre des collines arides.
– Nous sommes dans le Bas Alentejo, vers l'Espagne.
Il trouva un chemin qui grimpait vers un escarpement rocheux, au sommet duquel se délabrait une ancienne tour de guet. Il était au sud-est de Moura, vers la frontière que les Portugais protégeaient des incursions castillanes depuis des siècles. Le chemin était caillouteux et la butte formée de roches où poussait une maigre végétation.
Il se gara près de l'ancienne tour et éteignit les phares, de là où il était il dominait une vallée aride entourée de petites mesas.
La jeune femme reprenait conscience, elle appuya son dos contre la portière où Hugo avait roulé la couverture navajo en oreiller. Son visage était pâle et couvert de sueur.
– Alice? demanda Hugo, prends le tube bleu et blanc et le tube vert dans la trousse et passe-lui la bouteille d'eau minérale.
Alice s'exécuta et la jeune femme se saisit des objets en émettant un petit râle. Son bras gauche était maintenu par une attelle de carbone, dans un bandage tout à fait orthodoxe.
– Prenez deux comprimés contre la fièvre et un antibiotique. Et buvez cette bouteille entièrement, ordonna Hugo.
La jeune femme eut un léger sourire lorsqu'elle hocha la tête. Elle avala les pilules et reposa la bouteille contre elle.
– Et maintenant, qu'est-ce qu'on fait? demanda-t-elle, tout à fait sérieusement.
– Pour le moment je réfléchis… Le mieux serait évidemment que vous alliez au plus vite dans un hôpital et que moi, je ramène cette môme chez son père…
La jeune femme exhala un petit soupir.
– Et où pensez-vous que ça se trouve, ça?
– J'vous l'ai dit à l'hôtel, j'sais pas exactement, mais Alice le sait et vous-même vous avez parlé d'Albofera ou quelque chose comme ça, non?
– Albufeira, corrigea-t-elle dans un souffle.
– C'est ça, Albufeira.
– Ce n'est pas là.
– Comment ça, ce n'est pas là?
– Ce n'est pas à Albufeira. Cette adresse n'est plus la bonne. Stephen Travis a déménagé il y a quatre mois. Il n'habite plus cette maison… Personne ne sait où il est.
Oh, merde, pensa Hugo, si fort qu'il crut l'avoir prononcé à haute voix.
Il regardait Alice qui ne disait rien, la bouche entrouverte, proprement hébétée. Il comprit qu'Alice n'en savait pas plus. Qu'elle ignorait en fait où se trouvait son père.
On pouvait parler de série noire, en effet.
– Écoutez, reprit la jeune flic. Ça ne sert plus à rien ce que vous faites. Même si je ne sais pas ce qui s'est passé exactement à Évora ni pourquoi les flics ont mis tant de temps pour venir, vous pouvez être sur que dans quelques heures à peine le pays tout entier sera à votre, à notre recherche…
Hugo réfléchissait, à toute vitesse, tel un ordinateur amphétaminé. Ari, qu'aurait dit Ari, nom de dieu?
Pense par toi-même, lui gueulait alors une voix tonitruante, trouve une putain de solution.
– Hugo, reprit la jeune femme, d'un ton conciliant. Il faut me ramener à un centre de police, le plus vite possible. Ces hommes ont tué un policier là-bas, l'homme de la porte du fond. C'était le policier qui m'aidait à retrouver Travis au Portugal. Il faut que vous me laissiez, avec Alice, à un commissariat quelconque. Ensuite si vous voulez je vous laisse une douzaine d'heures pour remonter à fond vers l'Espagne et la France…
Hugo se retourna vers elle avec un rictus plus sarcastique qu'il ne l'aurait vraiment voulu.
– Vous rigolez ou quoi? Vous pensez être en situation de discuter?
Sa voix était vraiment dure et il décida de calmer le jeu.
– Écoutez miss. Vous êtes blessée et moi je dois conduire cette môme jusqu'à son père.
– Je vous ai dit que ce n'était plus la bonne adresse.
– Je sais. J'ai entendu.
– Qu'est-ce que vous comptez faire, alors?
Là, Hugo était bloqué.
– Je ne sais pas encore, justement je réfléchissais avant de me faire interrompre, me semble-t-il…
La jeune femme soupira.
– Écoutez, reprit Hugo, c'est sans doute vrai que je n'ai pas la bonne adresse, mais vous il y a quelque chose que vous devez impérativement savoir.
La flic releva une paire d'yeux étonnés vers lui.
– Et quoi donc?
– Alice ne veut plus être mise sous le contrôle de la police. D'après elle, si jamais je fais ça sa mère la reprendra, presque illico. Son père n'a strictement aucun droit légal sur elle. Elle me l'a dit, texto, tout à l'heure pendant que vous dormiez. Elle peut vous le confirmer si vous le désirez.
Il fit signe à Alice de se lancer.
Elle se retourna vers la flic et se concentra deux petites secondes.
– Anita… c'est vrai. Si la police me reprend ma mère et ses avocats me récupéreront, vous le savez bien…
Hugo alluma une cigarette et tendit son paquet par-dessus la banquette. La jeune femme se saisit d'une Camel. Il lui tendit l'allume-cigares puis attendit sa réponse.
– Bon… Vous avez raison. Je ne suis pas en mesure de discuter… Quelle est votre décision?
– Nous allons nous reposer un peu, déjà. Et je vais jeter à nouveau un coup d'œil au trou de gros calibre que vous avez dans le bras… Si vous n'y voyez pas d'inconvénient.
Après qu'il eut inspecté la blessure et vérifié que le bandage et les points de suture tenaient le choc, il l'avait regardée et lui avait jeté un maigre sourire.
– Ça pourra faire l'affaire un jour ou deux. Mais d'ici là, je vous aurai conduite à un hôpital…
– Qui êtes-vous?
– Hugo est un surnom. Je m'appelle Berthold Zukor.
Il ne regarda même pas Alice pour lui transmettre un message invisible. La fliquesse ne paraissait pas avoir les yeux dans sa poche.
– Berthold Zukor, murmura-t-elle.
– Vous voulez voir mes papiers?…
– Bon, non ça va. Comment avez-vous rencontréAlice?
Hugo jeta un coup d'œil vers la petite.
– Vous n'avez qu'à le lui demander, elle vous donnera une version objective des faits…
La flic ne répondit rien..
Il se redressa hors de la voiture, et prit une profonde inspiration d'air pur et tonique.
– Raconte-moi, Alice, consentit-elle à lâcher devant Hugo muré dans son silence.
Alice s'agita puis réfléchit, prit son inspiration et se lança.
– Voilà. Quand j'ai fui du magasin, des hommes de ma mère m'ont poursuivie et je me suis cachée dans la voiture d'Hugo. Comme ça. Au hasard. Ensuite Hugo m'a emmenée avec lui et…
Il la vit hésiter devant l'épisode de Vitali et il faillit lui envoyer un clin d'œil complice lorsqu'elle reprit son récit, en omettant le crochet par Düsseldorf.
Il fit le tour de la voiture pour faire quelques pas. Dans son dos la môme continuait son récit.
– Ensuite… Nous sommes descendus jusqu'en Espagne, puis à la frontière des hommes de ma mère ont réussi à me prendre mais Hugo m'a délivrée, ensuite nous sommes venus… Jusqu'ici. A Évora…
Toorop sourit. Il retourna s'asseoir derrière le volant.
La jeune femme semblait réfléchir à toute vitesse. Mettant en place des bouts de solutions a un rébus compliqué.
– On a retrouvé deux hommes dans une voiture allemande, au nord de Castelo Branco. Plombés de balles. C'était vous?
Il réfléchissait à toute vitesse, lui aussi. Il décida de jouer franc-jeu. De toute façon deux types de plus ou de moins, au point où il en était…
– Oui. Les types avaient attrapé Alice. Une histoire un peu compliquée. J'ai dû intervenir…
La fliquesse lui jetait un regard curieux, presque étonné.
– Qu'est-ce que vous faites dans la vie, monsieur Zukor?
Il eut un petit rire bref, irrépressible. Ses yeux se plissèrent malicieusement, sans qu'il y puisse rien.
– Là très franchement j'ai peur que nous n'ayons pas assez de toute la nuit pour éclaircir ce mystère. C'est une question que je me pose sans arrêt…
Il vit un muscle se détendre au coin de la bouche joliment dessinée, mais fermée par la concentration. Une esquisse de sourire. Un petit éclat amical dans le regard. Fugitif mais tangible. Elle sembla détendre toute sa structure.
– À moi de poser des questions si vous le voulez bien…
La jeune femme hocha la tête en silence.
– Que savez-vous sur Travis? Avez-vous une idée de l'endroit où il se trouve?
– Je sais un certain nombre de choses sur Travis que je n'ai pas le droit de vous dire. Et je n'ai aucune idée de l'endroit où il se cache.
Hugoo se ferma. Il retenta le coup.
– Ecoutez, donnez-moi juste une piste. Un truc que vous savez… Plus vite j'aurai retrouvé son père, plus vite cette histoire finira, vous comprenez?
Anita réfléchit quelques instants.
– Oui… On pourrait commencer par chercher un bateau nommé la Manta. Un hangar. Un terrain, en bord de mer. Le nom d'une société.
– C'est tout ce que vous avez?
– Oui, mentit Anita en occultant la maffia et la drogue.
– La Manta murmura Hugo.
Il regarda la montre du tableau de bord. Dans une heure l'aube se lèverait.
– Bon, une ou deux heures de sommeil, d'accord? et on reprend la route aux aurores.
– Par où comptez-vous commencer?
Il se cala sur le siège, qu'il rabaissait vers la banquette en poussant un grognement de satisfaction. Il invita Alice à en faire autant. La BMW était suffisamment spacieuse pour que cela ne gêne pas Anita.
Il répondit à la question de la jeune femme en mettant un bras sur ses yeux.
– Je ne sais pas encore… On verra bien sur le moment. Maintenant dormez. Une ou deux heures…
Le PM était enfermé dans le coffre. Les clés étaient dans une poche du blouson retenues par une chaînette. Le Ruger était à sa place. La fille ne connaissait pas son existence. Le petit 32 était dans son étui, sous l'aisselle gauche, et sous le blouson fermé jusqu'au col.
Il plongea presque aussitôt dans un puits de béatitude sans fond.
Quand il avait entendu les détonations et les rafales, Vondt était sorti de la voiture. Il avait dit aux deux Français qui surveillaient l'entrée de prendre des fusils et d'aller se poster aux coins de la rue, d'ouvrir le feu sur tout ce qui bougerait et de se maintenir en contact talkie permanent avec lui.
Il alluma son propre poste et marcha jusqu'à l'entrée d'un pas vif.
À l'intérieur on se serait cru à fort Alamo. Dans le hall, il vit Rudolf, la main crispée sur son 38, faire un geste désespéré vers la cage d'escalier au bas de laquelle Koesler, armé d'un fusil à pompe, et un Indonésien, armé d'un petit Uzi, tentaient d'accéder à l'entresol. Ça pétaradait dans tous les sens et la cage était soumise à un véritable tir de bacrage. Ils montaient prudemment les marches lorsqu'un corps déboula lourdement vers eux et que les rafales augmentèrent d'intensité. Ça canardait dans tout l'étage.
Il hurla à Koesler et à Jampur d'y aller, nom de dieu, alors qu'il armait son 45. Puis il gueula à Rudolf ce qu'il foutait encore ici alors qu'il y avait du travail à l'étage. Le gros Allemand courut jusqu'à l'escalier à la poursuite de Koesler.
Mais les détonations reprirent de plus belle et un autre corps déboula l'escalier, alors que Vondt atteignait le bas des marches. Les rafales et les coups de feu trouaient l'espace, dans un vacarme hallucinant. Un fusil à pompe glissait sur les marches à côté du corps, troué d'impacts. Il entendit des cris et le bruit d'une retraite précipitée. Il croisa Koesler qui redescendait à toute vitesse en tenant un Sorvan fulminant, blessé à la jambe en de multiples points. Son bras tombait mollement sur la poitrine de l'Afrikaner, la main un peu flasque autour de son énorme 44 magnum automatique.
Koesler fonça vers Vondt, en agrippant Sorvan par-dessous l'épaule. Le Bulgare traînait la jambe en faisant une horrible grimace.
– Comment ça se présente? demanda Vondt en connaissant d'avance la réponse.
– Putain… Sont deux à tirer là-haut! L'aut'salopard il a au moins une mitrailleuse dans sa chambre… On a perdu Straub et Carl, et Dimitriescu… Lemme, Jampur, le Suisse… putain… Six hommes au moins… Y a pus qu' des cadavres dans c't'escalier…
Vondt le regarda froidement.
– Il faut prendre la fille. On a encore du temps devant nous.
Il consultait sa montre, nerveusement.
Mais il savait que c'était peine perdue. Sorvan pissait le sang comme une fontaine. Malgré sa force, la blessure le rendait moins opérationnel qu'un haltérophile bulgare sans anabolisant. Son visage était livide. Il n'était pas blessé qu'à la jambe. Une balle avait perforé la chair, sous les côtes. Et la cuisse montrait plusieurs impacts bien alignés. Une rafale.
Koesler soutenait durement son regard. Il n'y avait qu'à faire les comptes, Vondt, disait ce regard. C'est toi qui as planifié l'opération et regarde où on en est.
Vondt faisait des calculs en effet. Restaient Rudolf et les deux Français, plus eux trois. En moins de cinq minutes les effectifs avaient été largement divisés par deux. Il comprit que l'homme de Travis était un professionnel qui avait choisi la chambre en fonction de la place stratégique qu'elle occupait. Le seul moyen aurait été de la prendre d'assaut à la grenade mais Mme Kristensen n'aurait sans doute pas apprécié qu'il lui ramène sa fille dans une demi-douzaine de sacs différents.
– Tirons-nous, se résigna-t-il à lâcher.
Ils marchèrent à toute vitesse vers les bagnoles alors qu'il rappelait les Français avec le talkie.
Putain, c'était ce type qui devait être également responsable de la disparition de la patrouille de Guarda…
Ils prirent vers le nord, par la Nl14, la direction inverse vers laquelle leur faux appel avait envoyé la moitié du commissariat d'Évora. Sur leur route les flics avaient dû tomber dans le piège, des clous chevaliers disséminés dans un virage, et le temps qu'ils reviennent, ou joignent des renforts, le reste des effectifs en uniforme aurait continué d'appeler au secours, enfermés dans les coffres de leurs voitures, garées dans les boxes. Le téléphone avait été coupé, comme à la caserne des pompiers. Il leur restait encore une bonne heure d'avance environ sur la machine policière, le temps que les flics piégés rameutent les flics d'une commune voisine, qu'ils dépannent leurs caisses et reviennent au commissariat. Trouvent leurs mecs… rétablissent la ligne, reçoivent les premiers témoignages et se rendent à l'hôtel.
Ils s'étaient divisés dans les trois voitures. Vondt et Rudolf, les deux Français ensemble et Koesler avec Sorvan. À l'embouchure de la N4 qui menait vers l'ouest, il fit des appels de phares à Koesler pour qu'ils s'arrêtent dans la cambrousse. Il demanda qu'on remplace les plaques néerlandaises par les plaques portugaises que Sorvan avait dénichées ce matin, avec un lot de fausses cartes grises.
Il demanda que Koesler parte en premier, puis lui et Rudolf, et enfin les Français, à cinq ou six minutes d'intervalle. On ne devait pas les voir ensemble jusqu'à la maison de Monchique. Le but de cette fuite vers le nord-ouest était de faire croire a une retraite vers Lisbonne, si jamais on avait repéré leurs véhicules devant l'hôtel et à la sortie de la ville. Mais au croisement de la N 4 avec la N10 qui menait vers Sétubal, il fallait prendre plein sud et attraper la N5 en direction de Grandolà. Un peu avant Grandolà, à l'intersection, ils prendraient vers le sud-ouest, en direction de Mirobriga, puis d'Odemira, où ils s'enfonceraient dans la Serra Monchique, par la 266. L'idéal était d'atteindre l'Algarve avant le plein jour. Il faudrait foncer, mais en restant décent vis-à-vis du code la route, avait-il martelé. Ils avaient trois cents-trois cent cinquante bornes à faire. Faudrait les faire en trois-quatre heures, au maximum, c'est tout.
Puis il avait patiemment attendu que Koesler et Sorvan s'enfoncent dans la nuit et il avait rallumé l'autoradio.
Eva K. ne serait pas contente du tout.
Dès leur arrivée à Monchique, il faudrait joindiie le Dr Laas, à la Casa Azul. De la part de Mme Cristobal, pour une urgence. Sorvan était le tueur fétiche d'Eva K., il ne fallait pas qu'il meure.
Il était pile quatre heures à l'horloge de bord lorsqu'il ordonna à Rudolf de démarrer à son tour.