124392.fb2 Lautre univers - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 9

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Everard régla les commandes sur quinze kilomètres est, trois cents mètres d’altitude, puis il mit le contact.

… Ils étaient à califourchon comme des sorcières, au-dessus de l’étendue verte des eaux ; au lointain une vague tache signalait la terre. Le vent violent les souffletait et Everard serrait les genoux. Il entendit Boierik pousser un juron, ce qui le fit sourire.

— Alors, cela vous plaît ? demanda-t-il.

— C’est… c’est merveilleux. (L’habitude commençant à agir, le Cinabre reprit de l’enthousiasme.) Mais avec des machines pareilles, nous pouvons survoler les villes ennemies et les écraser sous le feu !

Ceci apporta une certaine mesure de réconfort à Everard pour ce qu’il devait faire.

— Et maintenant, en avant, annonça-t-il, en mettant le saute-temps en mouvement. (Boierik poussa un cri de joie.) A présent, nous allons voler instantanément jusqu’à votre pays natal.

Everard mit le contact de manœuvre. Le saute-temps fit un looping et s’élança avec une accélération de trois g.

Bien averti pourtant, le Patrouilleur lui-même eut du mal à tenir bon. Il ne sut jamais si ce fut la boucle ou le piqué qui avait projeté Boierik dans le vide ; il n’eut que la brève et affreuse vision de l’homme plongeant dans le vent, vers la mer.

Puis, pendant un court instant, Everard plana au-dessus des vagues. Sa première réaction fut un frisson… et si Boierik avait eu le temps de tirer ? La seconde fut un sentiment de remords. Il les chassa toutes les deux et se concentra sur le problème du sauvetage de Van Sarawak.

Il régla les verniers spatiaux à trente centimètres du banc des prisonniers, le temps à une minute après son départ. Il garda la main droite à proximité des commandes – il allait devoir faire vite – et la gauche libre.

La machine se matérialisa en un clin d’œil presque devant Van Sarawak. Everard le prit par sa tunique et l’attira dans le champ spatio-temporel tout en manœuvrant à l’envers le cadran des temps et en remettant instantanément le contact.

Une balle ricocha sur du métal. Everard aperçut Arkonsky qui criait. Puis tout disparut ; ils se trouvèrent deux mille ans plus tôt sur une colline herbeuse qui descendait à la mer.

Everard se laissa choir en avant sur son guidon, le corps parcouru de frissons.

Un cri le ramena à lui. Il se tourna et vit Van Sarawak étendu sur la colline. Le Vénusien avait encore le bras passé autour de la taille de Deirdre !

Le vent s’était apaisé ; la mer roulait son écume et des nuages passaient très haut dans le ciel.

— Je ne peux guère vous le reprocher, Sarawak, dit Everard, les yeux baissés, mais cela complique singulièrement les choses.

— Qu’est-ce que je devais faire ? (Il y avait quelque chose de dur dans la voix du Vénusien.) La laisser derrière pour que ces salauds la tuent… ou pour qu’elle disparaisse avec tout son univers ?

— Au cas où vous l’auriez oublié, nous sommes conditionnés à ne pas révéler l’existence de la Patrouille aux personnes étrangères. Nous ne pourrions pas dire la vérité, même si nous en avions envie… et moi, du moins, je n’en ai nulle envie.

Il regarda la jeune fille. Elle était debout et respirait profondément, le regard vague. Le vent caressait ses longs cheveux et sa robe mince. Elle hocha la tête comme pour s’éclaircir les idées et accourut à eux en leur prenant les mains.

— Pardonnez-moi, Manslach, murmura-t-elle, j’aurais dû savoir que vous ne nous trahiriez pas.

Elle les embrassa tous les deux. Van Sarawak y répondit, mais Everard ne trouva pas la force de le faire. Cela lui eût rappelé Judas.

— Où sommes-nous ? reprit-elle. On dirait presque Llangollen, mais sans hommes… Nous avez-vous emmenés aux Iles Heureuses ? (Elle pivota sur un pied et se mit à danser parmi les fleurs de l’été.) Pouvons-nous nous reposer ici un moment avant de rentrer ?

Everard inspira profondément l’air :

— J’ai de mauvaises nouvelles pour vous, Deirdre.

Elle se tut, et il vit son corps se tendre.

— Nous ne pouvons pas rentrer.

Elle attendit, muette.

— Les enchantements auxquels j’ai dû recourir pour sauver vos vies… je n’avais pas le choix, mais ils nous empêchent de retourner chez vous.

— Il n’y a pas d’espoir ? (Il l’entendit à peine.)

— Non, dit-il avec un picotement sous les paupières.

Elle s’éloigna. Van Sarawak voulut la suivre, puis il se reprit et s’assit auprès d’Everard.

— Que lui avez-vous dit ? demanda-t-il.

Everard répéta ses propres paroles.

— Cela m’a semblé le compromis le plus acceptable. Je ne peux pas la renvoyer… au sort qui attend son monde.

— Non. (Van Sarawak se tut un moment, contemplant la mer.) En quelle année sommes-nous ? A peu près l’époque du Christ ? Dans ce cas, nous serions encore en deçà du point crucial.

— Oui. Et il nous reste à le trouver.

— Retournons dans un passé plus lointain. Il y aura des bureaux de la Patrouille. Nous pourrons nous y procurer de l’aide.

— Peut-être. Pourtant, je me crois capable de localiser l’événement clef ici même, avec l’aide de Deirdre. Eveillez-moi quand elle reviendra. Et il s’étendit pour dormir.

Elle revint, les yeux secs, avec une expression de calme désespoir. Quand Everard lui demanda son assistance, elle fit un signe affirmatif.

— Naturellement. Ma vie vous appartient puisque vous l’avez sauvée.

(Après t’avoir entraînée dans cette aventure, pour commencer…)

Everard expliqua précautionneusement :

— Tout ce que je vous demande, c’est un renseignement. Etes-vous au courant de… d’une façon d’endormir les gens, de leur donner un sommeil pendant lequel ils croiront tout ce qu’on leur dit ?

— Ou… oui, hésita-t-elle. J’ai vu des Druides-médecins le faire.

— Cela ne vous fera aucun mal. Je désire seulement vous endormir pour que vous vous rappeliez tout ce que vous savez, des choses que vous croyez avoir oubliées. Cela ne prendra pas longtemps.

La confiance qu’elle lui accordait lui faisait mal. Grâce aux méthodes de la Patrouille, Everard la mit en état hypnotique de mémoire totale et tira d’elle tout ce qu’elle avait jamais lu et entendu au sujet de la Seconde Guerre Punique. Tout cela lui suffit pour le but qu’il poursuivait.

L’ingérence de Rome dans une entreprise carthaginoise au sud de l’Ebre, en violation flagrante des traités, avait allumé l’étincelle. En 219 avant J.-C, Hannibal Barca, gouverneur de l’Espagne carthaginoise, mit le siège devant Sagonte. Il la prit au bout de huit mois, provoquant ainsi la guerre qu’il avait préparée de longue main contre Rome. Au début de mai 218, il passa les Pyrénées avec une armée de quatre-vingt-dix mille fantassins, douze mille cavaliers et trente-sept éléphants, il traversa la Gaule et franchit les Alpes. Il subit des pertes terribles en cours de route : à la fin de l’année, vingt mille fantassins et six mille cavaliers seulement entrèrent en Italie. Néanmoins, près du fleuve Ticinus, il rencontra et mit en déroute une armée romaine supérieure en nombre. Au cours de l’année qui suivit, il livra plusieurs batailles victorieuses mais sanglantes et avança jusqu’en Apulie et en Campanie.

Les Apuliens, les Lucaniens, les Brutiens et les Samnites passèrent de son côté. Quintus Fabius Maximus mena une guérilla atroce qui ravagea l’Italie sans amener de décision. Entre-temps, Hasdrubal Barca organisait l’Espagne et, en 211, il amena des renforts. En 210, Hannibal prit et brûla Rome, et en 207, les dernières villes de la république romaine se rendirent à lui.

— C’est bien cela, fit Everard. (Il caressa les cheveux cuivrés de la jeune fille allongée près de lui.) Dormez, à présent. Dormez bien et éveillez-vous le cœur léger.

— Que vous a-t-elle dit ? s’enquit Van.