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Près d’eux, l’océan continuait à rugir dans sa dégringolade.
Le coucher de soleil que Nomura avait atteint d’un saut ne figurait, lui non plus, dans aucune archive. Il donnait un aspect doré à la terre, et devait embraser les cataractes. Leur chanson résonnait sous l’étoile du soir.
Feliz dressa ses oreillers contre la tête du lit, se redressa sur son séant pour s’y adosser et dit à Everard : « Si vous portez plainte contre lui parce qu’il a enfreint le règlement, ou autre idiotie de mâle dans ce genre-là, je démissionne moi aussi de votre Patrouille !
— Oh, non ! » Le colosse leva la main pour parer à toute attaque. « Je vous en prie, vous vous méprenez. Je voulais juste vous faire comprendre que nous voici dans une position délicate.
— Comment ça ? » demanda Tom de la chaise où il avait pris place. Il tenait Feliz de la main. « On ne m’a signifié aucun ordre à l’encontre de cette tentative de sauvetage. Je vous accorde que les agents doivent se préserver dans la mesure du possible, car ils sont utiles à la Patrouille. Mais, dans cette optique, on peut considérer qu’il est tout aussi précieux de sauver un autre agent !
— Oui. Bien sûr. » Everard arpentait la pièce. Le sol résonnait sous ses bottes, au-dessus du tonnerre des flots. « Personne ne conteste le succès, même dans une organisation plus stricte que la nôtre. Au contraire, Tom, l’initiative que vous avez prise aujourd’hui permet de penser que vous avez un brillant avenir devant vous, croyez-moi. » Il esquissa un sourire, la pipe entre les dents. « D’autre part, on pardonnera à un vieux soldat comme moi d’avoir accepté trop vite la défaite. » Son visage s’assombrit. « J’ai vu tant de causes perdues… »
Il interrompit ses va-et-vient pour considérer les deux jeunes gens, puis il déclara : « Mais on ne peut pas tolérer les fils qui pendouillent. Le fait demeure que sa propre unité n’a jamais enregistré la réapparition de Feliz a Rach. »
Leurs mains s’étreignirent plus fortement.
Everard sourit – c’était un sourire hanté, mais un sourire tout de même – avant de poursuivre : « Ne vous inquiétez pas. Tom, un peu plus tôt, vous vous demandiez pourquoi nous, le commun des mortels, ne surveillons pas mieux les faits et gestes de nos semblables. Vous comprenez, à présent ?
» Feliz a Rach n’a plus jamais signalé sa présence à sa base d’origine. Elle est peut-être retournée dans ses foyers, d’accord… mais on ne demande jamais officiellement à nos agents à quoi ils occupent leurs permissions. » Il prit une profonde inspiration. « Quant à la suite de sa carrière… si ladite jeune femme jugeait bon de changer de nom et de demander sa mutation vers un autre quartier général, n’importe quel officier d’un grade suffisant pourrait l’y autoriser. Moi le premier.
» On se laisse du mou, dans la Patrouille. Impossible de faire autrement. »
Nomura comprit et frissonna.
Feliz le rappela à la réalité. « Qui pourrais-je devenir ? » demanda-t-elle.
Il sauta sur l’occasion. « Ma foi, répondit-il sur un ton à la fois grave et enjoué, pourquoi pas Mme Thomas Nomura ? »