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TROISIÈME PARTIECONCLUSIONNELLE ET CONCLUANTE

1

Une vieille Arbie teinte en roux carotte, répond à mon coup de sonnette. Sa peau est davantage plissée que les testicules d'Antoine Pinay. Lui reste trois dents : une canine, une incisive et une molaire conservées en souvenir de l'époque où elle consommait des nourritures solides. Sa bouche me rappelle l'anus de la chère vieille reine Mary, une figure sympathique de la monarchie britannique (et probablement la seule). Ses yeux flétris sont emplis de crème vanille.

J'explique à cette vénérable relique que je suis attendu par Miss Zagazi. Ça lui en babouche un coin. Me rétorque que sa maîtresse ne reçoit personne.

— Si : moi ! assuré-je avec une telle fermeté que la géronte en est ébranlée comme la voûte de l'église abritant le saint suaire de Turin.

Sans obstacler davantage, elle m'entraîne vers une villa blanche de style arabisant. La construction est charmante, relativement modeste. Nous franchissons un patio mosaïqué dans les tons vert et bleu. Je perçois de la musique. Pas du tout le genre mélopette nasillardeuse puisqu'il s'agit de Rhapsody in Blouse, de Gershwin-Gum.

On pénètre dans un salon réalisant la jonction des civilisations (mauresque et occidentale). Les sièges sont d'ici, mais pas le piano à queue, ni les tableaux signés Derain, Rouault, Matisse et Picasso.

Dans un angle ombreux de la pièce, une femme est lovée tel un chat sur un canapé. C'est Nouhr, ma merveilleuse rencontre de Lanzarote. Seigneur ! Comme elle a changé en quelques semaines ! Pâle, les traits tirés, le regard flottant, ce n'est plus qu'un vague reflet de la somptueuse jeune fille qu'elle était lors de nos relations.

Malgré l'après-midi, elle est infardée, les cheveux à l'abandon et porte une robe de chambre de soie noire avec des savates argentées. J'éprouve un choc en la retrouvant dans cet état et mon cœur se serre kif le couloir à lentilles d'un hétérosexuel qu'on s'apprête à sodomiser.

Je vais à elle d'une allure incertaine, fou de tristesse, d'angoisse…

— Bonjour, ma chérie, balbu-siège.

Ses yeux paraissent voilés, leurs pupilles en sont dilatées ; des cernes bleutés les soulignent.

Me penche pour un baiser qu'elle subit sans avoir la moindre velléité de le rendre.

— Qu'as-tu, ma belle âme ? m'inquiété-je.

Elle détourne la tête sans répondre.

— Tu es médicamentée ? risqué-je.

Bref haussement d'épaules.

Elle ne répond pas, regarde autour d'elle, comme une qui cherche du secours, puis, tout de go éclate en sanglots.

Je la presse sur ma poitrine gladiateuse. Baisote ses cheveux, mordille son lobe.

— O Nouhr, Nouhr bien-aimée, que s'est-il passé ? murmuré-je. Fais un effort et dis-moi ce qui t'est arrivé depuis notre séparation.

Elle parvient à s'exprimer, à clarifier sa pensée. Pour commencer, elle trébuche, marque des silences interminables ; mais au furet à mesure, son verbe s'affirme, sa confiance en moi revient. Elle en a vu de dures, dirait la bonne Mme Claude que j'eusse aimé connaître (à titre personnel car je n'use pas des dames-faites-pour). La mort combien dramatique de son père ; ma disparition, au plus culminant de son malheur ; les sévices infligés par des individus sans vergogne s'acharnant à lui faire révéler la planque de certaines pierres précieuses. De quoi conduire n'importe quelle enfant de Marie à la neurasthénie et à la drogue.

Je te parie une blanquette de veau contre une banquette de dévot que je me pointe à pitre (je veux dire : à pic). Cette malheureuse, lassée de tout, même de l'espérance, était en train de sombrer corps et biens au moment où Bayard réapparaît. Mais mon regard plongé dans le sien et mes doigts effleurant son Triangle d'or la gaillardisent. Elle entrevoit le salut ! S'épanche.

Pauvre jeune fille broyée par la férocité de la vie. Son dabe, depuis des années, trafiquait avec des gens redoutables qui devenaient de plus en plus exigeants. Affolé par ces acolytes implacables, il s'est réfugié dans la maladie ; a feint une attaque. Sa grande fille dévouée est entrée dans son jeu avec une abnégation n'appartenant qu'aux femmes lorsqu'elles ne sont pas salopes.

Le père Zagazi a fui l'Egypte pour les Canaries, emportant les gemmes que l'on sait, c'est-à-dire une fortune. Seulement, ses ex-complices n'ont pas été dupes et l'ont vite retrouvé. Lui, mais pas son gâteau !

Les choses se sont alors envenimées.

Alouf simulait si admirablement l'handicapé que ses ennemis ont été pris de doute. La fouille poussée de sa chambre et de ses bagages n'ayant rien donné, ils ont décidé de frapper fort et l'ont hissé sur l'échafaudage du hall pour lui faire subir une dernière épreuve. Ils comptaient sur la panique.

A tort ! L'Arabe n'a pas moufté. Alors, ils l'ont supprimé pour terroriser sa fille.

A présent, il est temps de te préciser, mon lecteur au cerveau désossé, une chose très importante : la bande du diamantaire n'a rien à voir avec les gens du Consortium. Pour les cailloux, il s'agit uniquement de gangsters issus du marché gemmologique. Qu'ils soient venus sévir aux Canaries en même temps que « les autres » est une pure coïncidence.

La tendre enfant cesse de larmoyer. L'on dirait (long-dix-raies) qu'en s'abandonnant sur mon épaule, tout en caressant ma chopine forcenée, elle retrouve les chemins de la vie et la paix de sa jeunesse.

Je cesse progressivement de la questionner pour descendre, sur le gué de mes baisers, jusqu'à son adorable pubis. Qu'existe-t-il de plus tonique qu'une minette salubre ?

La jouissance expulse de son esprit les ultimes miasmes de sa terrible aventure.

Assise sur ses talons à peau de caïman, la vieillarde qui m'a accueilli, considère nostalgiquement notre étreinte. Lui a-t-on jamais bouffé la cramouille, à cette carabosse en désincarnance ? J'en doute, sachant qu'une pareille pratique n'a pas l'agrément du Prophète…

Dommage pour mes potes de là-bas. Comme ils ont raison de venir sur la planète France !

2

Quarante-neuf heures plus tard, dans le vol Le Caire-Paris. En first. Places E et F. Un couple.

La fille blonde aux yeux clairs, un peu pâlotte. Le garçon brun, le regard qui humidifie les femmes (on le devine baisant beaucoup et pour pas cher). Elle serre la dextre du gars entre ses cuisses. Il en profite pour lui zigougner le clito. Quand ils ne parlent pas, ils s'embrassent à pleines muqueuses.

La demoiselle a pris son foot à deux reprises depuis le décollage. Lui, attend l'arrivée pour se laisser essorer, mais son tricotin fait pouffer les hôtesses qui ont l'œil.

Si tu parviens à mettre des noms sur ce duo tu as gagné les zœuvres complètes de Mazarine.

Tandis que les réacteurs réactent, j'affranchis ma chère Nouhr sur les autres « Mystères de Lanzarote ». Odyssée de l'Espace ! Elle est passionnée, y a de quoi ! Je lui narre l'affaire Thomas Graham, le Britannouille fâcheusement mort en mer. C'était un homme de main du Consortium ; il se trouvait dans l'île pour accomplir deux missions (entends par là buter deux personnes : la victime du brasier tellurique et moi). L'Irlandaise rousse, épouse d'un des leurs, mort de les avoir trahis, était supposée connaître des éléments susceptibles de les gêner. Quant à mézigue, ma curiosité prenait trop d'ampleur et m'entraînait inexorablement sur leur piste. Graham reçut donc l'ordre de m'éliminer. On l'avait maqué avec Anne-Marie, l'une de mes conquêtes passagères qui appartenait déjà à l'Organisation lorsqu'elle était hôtesse au Nénuphar de Jade. Thomas n'étant pas assez malin pour m'avoir, c'est lui qui engraissa les squales de l'Atlantique.

Comprenant que je m'étais tiré du guet-apens au détriment de son jules, l'Asiate avertit ses chefs. C'est alors que ceux-ci décidèrent de me neutraliser et de m'emmener à Londres !

Pendant que je guerroyais sur tous les fronts, mes trois « assistants » ne chômèrent point. Frank Blando, le plus avisé, et qui savait frapper aux bonnes portes, eut vent du « repaire bernois ». Las ! son informateur fut vite châtié pour sa trahison et mon confrère dut également en payer le prix.

Il est intéressant de noter combien j'avais eu le nez creux en constituant ce commando spécial. Chacune de mes recrues parvint à découvrir une pièce du puzzle qui, hélas, leur coûta la vie. Sans doute, ce trio d'élite ne prit-il pas suffisamment de précautions ? L'hydre que nous avions à écraser n'appartenait pas à la race des malfaiteurs traditionnels. Pour assurer le bon fonctionnement de cette machine à détruire, des fonds secrets affluaient d'un peu partout. On les « engrangeait » en des lieux innocents, comme le souterrain de Jameos del Agua, pour les injecter ensuite dans la caisse noire de la Grossmonisch Bank lorsque se présentait une occasion de les blanchir.

Ma compagne de voyage s'est assoupie. J'écoute sa respiration calme avec bonheur. M'est avis que je me suis pointé juste à temps, avant que l'accoutumance la rende irrécupérable.

Je la sauverai ! Promis ! M'occuperai d'elle jusqu'à ce qu'elle reprenne tout à fait goût à l'existence. Nous avons des devoirs envers ceux qui parcourent un bout de route en notre compagnie.

Je le sais bien que « toujours » n'existe pas…

D'une pensée l'autre, je reviens à Mme Magnol et à ces instants inattendus et si fous que nous avons connus, elle and me.

La vie, tu veux que je te dise ? Faut la bouffer comme une choucroute ! Par contre, elle, on ne la réchauffe pas.

De la chère femme à la voix cassée mais au mistigri performant, j'en viens à son fils. Qu'est-ce qui l'a branché sur notre P.C. londonien, Maurice ? Selon moi, son enquête l'a amené à filocher quelqu'un du Consortium chargé de neutraliser notre équipe. Peut-être le saurons-nous quand, à la suite de notre « dératisation » bernoise (les polices officielles s'attaquent sérieusement au problo) tout sera étalé au grand jour !

J'ai confiance : en Dieu, en moi, un peu en les autres lorsque ma vésicule fonctionne normalement. Si, dans mon négoce, t'es pas optimiste, vaut mieux vendre des bulles de savon sur les Grands Boulevards !

Pour en revenir à Magnol, le cliché trouvé chez lui et mon lutin intérieur me soufflent qu'il était branché sur Vokowiac. Très possible qu'il se soit ramené à l'hôtel du vieux Ruscoff pour explorer la turne du gus et lui ait, ce faisant, chouravé une photo. Comme Jérémie le supposait, il a voulu prévenir mes partenaires, attendu que j'étais devenu amnésique.

Puisque je suis en train de mettre à l'heure toutes les pendules du pensionnat, faut que je te bonnisse un gag inénarrable s'il n'était justement narrable.

Tu te rappelles le message trouvé dans la minaudière de ma « meurtrière en puissance » ? Mathias avait donné sa langue à la chatte de son assistante. Eh bien, elle est parvenue à le décoder, la géniale demoiselle.

Je te dis tout ?

Tu ne te marreras pas trop fort ? Ni pisseras pas sur la moquette ?

Mes coordonnées, mec ! Seulement les miennes, les personnes avec qui je vis, mes habitudes, tout ça…

Dis, y a pas de quoi se carrer un melon de Cavaillon dans le fion ?

3

Je n'ai fait qu'une halte de trente-six heures à Saint-Cloud. Le temps de présenter Nouhr à m'man et de l'installer dans la chambre d'ami (on l'appelle, chez nous, « la chambre à donner »).

Félicie a ouvert grands ses bras à l'Anglo-Egyptienne. Chaque fois qu'elle me voit avec une femme, elle s'imagine que je vais l'épouser toute crue et lui planter des chiares. C'est une idée fixe, la chérie. Elle tient à ce que je fasse souche avant que le Petit Jésus ne la rappelle à lui…

En attendant, on s'est livrés à une répétition générale, la gosse et moi. J'avais mis une cassette des Tambours du Bronx pour essayer d'atténuer le fracas de notre tringlée. Quand t'as les roubinches en crue, tu les essores en stéréo, c'est logique. On y a été plein pot, tant et si fort que notre soubrette et venue guigner par le trou de serrure. Outrée, elle ne m'a plus parlé de la soirée !

Tu sais comment sont les gerces.

Le lendemain, j'ai pris le petit zinc assurant le service Paris-Berne-Lugano. Ça nous a pas mal secoués et une dame anglaise a gerbé dans son dogy bag. J'en ai été méchamment satisfait. On est dégueulasses, les Français !

A l'hôpital bernois, j'ai retrouvé mon Jérémie, entouré de sa femme et de sa frangine. Pour lui, c'était pas encore Byzance, mais on le réputait sauf et il commençait à parler. La piaule sentait bizarre, comme chaque fois que « ces dames » se livraient à leurs pratiques salvatrices. J'ai aperçu des gésiers de poulets sur de la gaze et j'ai failli faire kif la Rosbif de l'avion.

On s'est dit peu de chose, Blanc et moi, en tout cas l'essentiel. Puis, il a demandé des nouvelles de Béru et Salami. Je lui en ai donné, et des fameuses ! C'est en découvrant le chibre du Mastard qu'ils lui ont laissé la vie sauve. Un engin pareil, ils voulaient faire des expériences. Pour cela on lui a injecté un nouveau produit en comparaison duquel le Viagra n'est qu'une pastille de menthe ! Son zob a encore pris de l'embonpoint ; ça fait trois semaines qu'il n'a pas débandé. Faut se relayer pour lui éponger l'asperge. Son cas est étudié dans les facultés. Quant à mon bon cador, on l'a épargné pour qu'il lui tienne compagnie. Ils étaient aux petits soins pour le Gros.

En quittant Jérémie, je chantais O sole mio.

De l'hosto, je me suis fait driver chez Fridoline Schwartz. Je ne l'avais plus revue depuis la nuit du gros badaboum. Je n'ai trouvé chez elle qu'une femme de ménage guatémaltèque ; cette dernière m'apprit qu'elle était en voyaze.

4

Elevée pour l'Exposition Universelle de 1889, la tour Eiffel qui devait être éphémère a franchi gaillardement son siècle d'existence. Tout laisse supposer qu'à moins d'un conflit atomique ou d'un séisme naturel, elle continuera d'incarner Paname pendant le troisième millénaire.

La Grande Roue de Vienne (Autriche), constitue un autre symbole de ferraille. Pour l'une et l'autre, un seul ennemi : la rouille !

C'est sur quoi je médite en filant ce couple dans le vaste parc du Prater bordant le Danube qui, loin d'être bleu comme l'a prétendu ce benêt de Strauss, est aussi brun qu'un tas de merde…

Les deux amants se tiennent par la taille, c'est l'attitude amoureuse la plus formelle que je connaisse. Temps à autre, ils stoppent pour se rouler une galoche asphyxiante, puis poursuivent leur chemin en direction de la fameuse attraction.

La musique d'Anton Karas, qui assura le succès du film Le Troisième Homme, tourneboule dans ma tête, lancinante. Sûr qu'elle va me rester collée dans le cigare pendant plusieurs jours. Je suis coutumier du fait. Un air me chope au lasso et sévit en moi jusqu'à me flanquer mal au cœur.

Les amants vont à la caisse pour prendre leurs biftons. Je les imite. Ils sont tellement accaparés par eux-mêmes qu'ils ne m'accordent aucune attention.

C'est seulement lorsque je m'installe en leur compagnie dans une nacelle que la femme me découvre.

— Vous ici ! s'écrie-t-elle, comme le connard des vaudevilles quand il trouve son meilleur copain dans l'armoire à glace.

— Inouï ! m'exclamé-je-t-il. On peut dire que le monde est petit !

Gênée, elle me présente son ami :

— Cornélius.

J'en serre quatre à un zigotard de taille médiocre, portant une moustache de séducteur italien période Néoréaliste.

— Monsieur est roumain, je suppose ? fais-je en souriant chaleureusement.

— Heu… oui, admet Fridoline, embarrassée.

Pourquoi, à cet instant précis, éprouvé-je l'impression d'avoir déjà vécu cette scène ? Quand était-ce ? Il y a du brouillard autour de cela.

La Roue ne s'arrête pratiquement pas, elle ralentit à l'extrême pour permettre aux clients de prendre place. Sa rotation se poursuit, insensible, et lorsque le dernier chargement est opéré, elle adopte son orbe souveraine.

Nous nous élevons, découvrant un horizon qui va s'épanouissant.

— C'est beau ! remarqué-je.

Elle ne répond pas et tient la main de son chevalier servant comme si elle craignait le vertige.

— Au fait, soupiré-je, vous l'ignorez, mais mon collaborateur s'en est sorti. Je dois admettre qu'il existe de la magie nègre dans ce miracle. Sa femme et sa sœur, des filles hautement qualifiées en la matière, sont à son chevet depuis quatre jours. Les médecins bernois leur font une de ces gueules !

Je ris à nouveau.

Seul.

Ma correspondante helvète murmure je ne sais quoi dans la trompe d'Eustache de son calceur. Lui qui n'a pas moufté depuis mon ennacellement dit enfin un mot :

— Evidemment !

Je me penche pour mater en bas. Les gens sont minuscules et les arbres guère plus grands. Les flonflons (dirait Suzanne) de la fête nous parviennent, ouatés par la brise et la distance.

Bath !

— C'est la première fois que vous montez à bord de ce manège ? demandé-je.

A cet instant, la Roue cessa de girer et se mit à tanguer. Elle venait d'atteindre le point culminant de sa trajectoire.

— Une panne ? fis-je.

Je n'eus pas le temps d'en demander davantage. Avec un extraordinaire synchronisme, ils se jetèrent sur moi et me saisirent, l'homme aux épaules, Fräulein Schwartz aux chevilles, dans l'intention de me virguler par-dessus bord. Leurs promptitude fut telle qu'ils faillirent réussir. J'avais le buste à l'extérieur quand, d'un effort que des auteurs au petit bonheur qualifieraient de surhumain, j'arrachai mon panard gauche à l'étreinte de la gueuse Fridoline et le lui propulsai dans le museau. Elle lâcha tout et partit à la renverse pour adopter une posture identique à la mienne. Dès lors, son compagnon m'abandonna afin de voler à son secours.

Je profitis de ce répit pour réintégrer complètement la carène. Je venais de regarder la mort entre les yeux. Je tremblais. Non pas comme une feuille, seuls les plus que cons usent de ce cliché, disons comme un marteau-piqueur. Malgré mon trouillomètre bloqué, je filas un ignominieux coup de tatane entre les jambes de mon agresseur, penché pour aider sa camarade de baise.

Le choc fut si violent qu'il lâcha tout et valdingua dans le vide, entraînant sa copine avec lui.

Leur sort tragique ne m'émut pas.

Ils avaient froidement assassiné Elvira et mis à mal Jérémie !

Toutes choses ne se pardonnant qu'au Paradis.

5

Avant de pousser la porte, je renifle à fond. Ça sent le chou farci et la rouelle de veau longuement mijotée.

J'entre dans la cuisine.

Image merveilleuse : m'man, un tablier blanc noué à la taille, est en train de préparer une tarte aux airelles sous le regard fasciné de Nouhr.

Mon arrivée suscite des exclamations de joie et des baisers à n'en plus finir.

Un bonheur intense me submerge. C'est trop beau, trop tout !

— Je sentais que tu serais là pour le dîner, fait ma vieille. Mon instinct ne se trompe jamais. J'ai ouvert un bordeaux petit village, ça te convient ?

— Je n'aurais pu choisir mieux.

Elle s'exclame :

— Que je te dise : M. Machekhouil, le nouveau directeur de la Police veut te voir d'urgence ; il assure avoir une proposition intéressante à te faire.

— Tiens donc ! ricané-je. Serait-il impressionné par sa tâche écrasante ?

Bon, on se ré-embrasse. On se sent cool ; on baigne, quoi !

Cinq minutes plus tard nous voilà à table. Félicie a placé un romantique bouquet de roses pompon sur la nappe et deux bougeoirs d'argent.

La fête !

Pendant qu'elle va chercher l'entrée, je caresse l'exquis raminagrobis de ma protégée. De la soie sur du satin, sa chatte. Franchement, lorsque la vie t'a à la chouette, elle ne lésine pas.

— J'oubliais ! annonce m'man en apportant des hors-d'œuvre plus beaux qu'une toile de Rubens. J'avais donné à la teinturerie le costume que tu portais lorsqu'on t'a ramené d'Angleterre. Il était en piteux état. Ils ont trouvé un petit paquet cousu dans l'une des épaulettes.

Elle va quérir l'objet.

En le voyant, ce qui pouvait subsister d'ombre dans ma mémoire se dissipe.

Redoutant d'être détroussé au cours de mes tribulations, j'avais planqué les diamants dans le rembourrage de mon veston.

Je les tends à Nouhr.

— Qu'est-ce que c'est ? demande-t-elle.

— Ta dot ! réponds-je.

FIN