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L’artificier se retourne vers moi.
— Hé ! commissaire ! fait-il.
— Oui ?
— Jamais vu un truc pareil…
— Il y a un engin infernal dans cette statue ?
— Non…
— Alors ?
Il secoue la tête.
— Elle ne contient pas d’explosif… Elle est faite en explosif.
— Vous dites ?
Ça c’est le conservateur qui ramène sa fraise. Il en est baba…
— La vérité… Cette statue a été modelée dans du plastic… Ensuite, on l’a ripolinée en lui donnant l’aspect du marbre… C’est du beau travail d’imitation…
L’artificier se promet de raconter l’anecdote à ses arrière-petits-enfants…
— Comme combine, c’est soi-soi ! affirme-t-il.
« Vous vous rendez compte… Il suffit qu’un passant introduise dans cette statue un crayon détonateur, et toute la partie du bâtiment qui est là s’en va dans les nuages… »
— Mais c’est inimaginable ! s’écrie le conservateur. C’est là l’œuvre d’un fou !
— Pas tellement ! je murmure.
Non, Angelino n’est pas déplafonné, c’est même tout le contraire d’un jobré.
— Qu’y a-t-il au-dessus de cette salle ? je demande.
Le conservateur ferme les yeux pour se repérer dans la topo de son bazar…
— La salle des collections de pierres ! décide-t-il.
Je m’en doutais plus que fortement.
— Je parie, lui dis-je, que c’est dans cette pièce que se trouve le don de Lady Vool ?
— Oui, sursaute-t-il. Pourquoi ?
— Oh ! une idée, comme ça… On peut la voir ?
— Si vous voulez.
Nous grimpons au premier étage, et le gardien-chef nous ouvre la porte d’une salle nettement plus petite que les autres, entourée de vitrines grillagées.
— Voici la collection Vool, dit le conservateur en me désignant les joyaux, dans une vitrine. Une petite cérémonie était prévue pour demain, le ministre des Beaux-Arts devait les remettre solennellement au Louvre. En réalité, ils sont là depuis huit jours…
— Comment sont-ils venus d’Angleterre ?
— Une délégation des Beaux-Arts est allée en prendre livraison à Londres… Un de vos collègues l’accompagnait, du reste…
— Vous connaissez le nom de ce collègue ?
Il fouille sa mémoire… Mais déjà je sais de qui il retourne… Je me souviens que Wolf est allé en mission à Londres, il y a peu de temps…
Toute la combine Angelino m’apparaît en plein soleil…
Les experts sont allés récupérer les diams sous la protection d’un type des services secrets… Ils ont estimé, palpé, admiré la bimbeloterie. Puis, quand leur examen a été fini, Wolf a substitué à la collection, ou du moins à certaines pièces importantes, les verroteries taillées sur mesure que lui avait remis Angelino… Superbe combine !
Une fois au Louvre, la supercherie ne risquait pas d’être éventée… Seulement, le fameux Lord Said a été convié à la petite cérémonie… Il connaissait trop les bijoux pour se laisser abuser par les gobilles… Il fallait éviter à tout prix qu’il arrive devant ces vitrines.
Je me tiens à l’écart et, la tronche dans mes mains, je m’ouvre à la vérité. D’accord, ça c’est un point… Un point éclairci… On devait buter l’Angliche avant qu’il ne gueule aux petits pois. Mais alors, pourquoi ce buste-explosif ? Si Angelino avait l’intention de faire sauter la moitié du Louvre, il n’avait qu’à le faire avant l’arrivée du savant, cela lui aurait évité bien des complications…
— Enfin, si je puis dire…
— Vous avez l’heure ? je demande au conservateur.
Il me regarde.
— L’heure ?
Il réagit et colle son nez sur son verre de montre.
— Huit heures moins cinq.
— Merci… Excusez-moi, je dois filer à un rendez-vous terriblement important…
Il m’arrête…
— Qu’est-ce que je dois faire ?
— Rien. L’artificier va évacuer le buste… Pour le rapport, je m’en charge… Ah ! si… Faites expertiser les cailloux, vous aurez sûrement une petite surprise.