174692.fb2 Napoleon Pommier - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 15

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Eternel retour à la case départ !

Le manoir est illuminé comme pour la fiesta qui devait s'y perpétrer. Ce que le Mastard appelle : éclairé à Giono, et cependant, il a tout juste assez de lettres pour écrire : « je vous encule tous » avec du charbon de bois sur un mur immaculé.

Malgré ces illuminages, le hall est vide. Je vais pour grimper, lorsque des râles me parviennent du sous-sol.

Pars en reconnaissance.

L'escalier conduisant à la cave.

M'y engage.

Ce que j'ai jugé plainte est en réalité un bruit d'intense dégueulage.

J'avise M. Félix étendu dans une mare de charmes-chambertin dont les flacons prestigieux sont réduits à l'état de tessons (mon tesson, nos voleurs, aimé-je à calembourer).

Miraculeusement, le vieux prof ne porte aucune entaille. Il a raté la première marche et les boutanches se sont brisées en même temps que son col du fémur. Cette chute a déclenché les vannes assurant la maintenance de son trop-plein, et l'universitaire accroche les wagons (foudres) avec une violence de Drac en crue.

Estimant que l'instant n'est pas encore venu de lui porter secours, je pars à la recherche de mon Boulimique professionnel.

Enquête à rebonds.

Pleine de folles surprises.

Je te donne un exemple : sur le palier du premier, je trouve avec tristesse le cadavre d'Olympio[19]. Un calibre pour superman de la gâchette l'a décoiffé en lui faisant éclater la boîte crânienne. Ce qui subsiste de sa tronche tiendrait aisément dans une louche à potage. M'est avis qu'on lui a tiré ce coup de canon dans les méninges par-derrière et qu'il ne s'est pas rendu compte de la farce.

Ah ! Depuis l'extérieur, Salami m'envoie un signal sonore.

Je bondis à une fenêtre et avise mon toutou d'élite en stoppance devant une Renault au Safran, la queue basse et les oreilles semi-dressées.

— Qu'il y a ? lancé-je.

— Viens voir ! répond ce compagnon plein d'exquisité.

— Je te demande cinq minutes ! crié-je dans l'air nocturne lesté de vapeurs incertaines.

Je moule le cadavre de la tantine pour continuer l'exploration de ce palais des horreurs.

Voici la chambre du Maître, antérieurement décrite, et si parfaitement, qu'il serait vain d'y revenir.

Image de paix, enfin ! Bérurier-Ramolino endormi sur la couche d'apparat du grand écrivain ! Ronflant gras, pétant flou ; les battoirs sur son bide dans une posture de gisant marmoréé pour tombeau d'époque gothique.

De son côté, rien à signaler, sinon qu'il s'en tient une qui mettra vingt-quatre bonnes heures à se dissiper.

Rassuré sur le sort de cet ivrogne exceptionnel, me mets en quête de l'autre pédoque. Serait-ce lui qui a débulbé son pote ?

Non !

Car Norman gît dans le bureau. C'était le jour des questionnaires « poussés » pour les deux pécores. Il est allongé sur le burlingue, en croix de Saint-André, chacun de ses membres arrimé à un pied du meuble, la tête à la renverse. Vision désagréable pour un homme venant de faire l'amour à la perfection (et là je pèse mes testicules en même temps que mes mots).

Qu'est-ce qui provoque et réalise cette épidémie d'assassinats ? Une banlieue si chic, si calme…

Un nouvel appel de Salami, plus bref et marqué d'impatience, m'arrache à des réflexions mord-bites.

Je me hâte de le rejoindre. Dressé sur ses antérieurs, il s'efforce de regarder dans la bagnole.

— Il y a du suif, là aussi ? demandé-je en le rejoignant.

Il arbore sa gueule goguenarde des occasions particulières, celle que je n'apprécie pas car j'ai l'impression qu'il se fout de la mienne.

Seigneur ! Quelle hécatombe !

Ils sont là, les mecs qui poireautaient naguère dans le hall : Marie-Louise, Duroc, Talleyrand et le minet travesti en cantinière d'opérette. Cireux, atones, les yeux exorbités.

Le hound renifle délicatement la bagnole, s'attardant aux encadrements de portière.

Ça me donne l'idée de l'imiter.

Je décèle une odeur chimique, vaguement écœurante.

— Ils ont été gazés, hein ? fais-je à mon adjoint.

Il confirme.

Je braque le faisceau de ma loupiote de fouille sur les passagers. De toute évidence, ces messieurs-dames sont aussi morts que la momie de Ramsès II, quoique depuis moins longtemps.

— Eloignons-nous ! conseillé-je. Inutile de respirer ne serait-ce que les relents de cette saleté !

Un vent de nuit chuchote dans le parc. La lune s'est déplacée. Me sens nazebroqué en plein.

Un banc m'accueille, frais à mes noix. Une fois de mieux, mon turlu entre en lice.

Quelques appels irrésultueux. J'insiste. Enfin, la voix grumeleuse de mon pote Jéjé !

— Vouais ? lâche-t-il avec hargne.

— Votre petite sauterie est terminée ?

— Je venais de m'endormir.

— Eh bien, maintenant tu viens de te réveiller, et sûrement pour un bon moment.

— Qu'est-ce qui se passe ?

— Trop de choses !

— Où es-tu ?

— Toujours à Louveciennes : la vie de château me devient indispensable.

— Du neuf ?

— En pagaille, mais pas du raisonnable : j'en suis à huit morts et deux blessés !

— Tu te fous de moi ?

— Jamais à deux plombes du mat', grand primate, ça me flanquerait des gerçures au gland.

Je coupe la communication et m'allonge sur le banc, peu soucieux de porter secours à Félix.

Une chouette se met à débloquer au-dessus de ma tête.

Paraît que ça porte bonheur.


  1. Les délicats lettrés auront noté l'association des mots « tristesse » et « Olympio ».