174692.fb2 Napoleon Pommier - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 48

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Lorsque la voiture policière parvint au bout de l'esplanade de l'aéroport, Jérémie pensa qu'elle allait prendre à gauche, en direction de la capitale ; aussi fut-il désagréablement surpris de la voir obliquer sur la droite, côté désert.

Les flics qui l'emmenaient étaient au nombre de quatre : un gradé plein de morgue, plus trois hommes à la peau bistre et aux regards d'anthracite. Aucun ne mouftait. La radio cessait de crachoter, parfois, pour lancer des ordres ou des indications avec des intonations gutturales.

Le véhicule roulait sur une chaussée riche en nids-de-poule. Çà et là, des bosquets de palmiers roussis fournissaient un peu d'ombre dont profitaient les rares usagers de cette voie brûlante.

La vétuste Range-Rover fonçait comme au temps de sa jeunesse, en émettant des bruits inquiétants qui devaient s'aggraver chaque jour.

Elle parcourut une vingtaine de kilomètres avant d'atteindre une oasis au centre de laquelle s'élevait une construction neuve sans rapport avec le style du pays. Elle eût été mieux à sa place à Saint-Domingue ou à Miami.

Les flics s'aventurèrent jusqu'à l'entrée d'un magnifique patio carrelé, l'officier descendit de la voiture et pénétra d'un pas vif dans le mini-palais.

Cette équipée ne disait rien qui vaille à Blanc ; il maudissait San-Antonio de l'avoir catapulté dans l'aventure. Celle-ci était venue se greffer à l'affaire de Louveciennes sans que rien ne le laisse prévoir.

Au bout de quelques minutes, le chef réapparut et adressa un signe à ses hommes.

Jérémie fut débarqué sans ménagement et entraîné à l'intérieur de la résidence. On promena un compteur de détection sur toute sa personne, puis le poussa en avant.

Il eut tout juste le temps d'apercevoir une enfilade de vastes pièces, somptueusement décorées « colonial britannique ». Très vite on lui fit descendre un escalier pour l'emmener dans un local bas de plafond, sans fenêtres, aux parois capitonnées. L'endroit était meublé d'une table de marbre, pourvue de sangles, d'un monumental fauteuil, prétentieux comme un trône, et de différents appareils à l'utilité mal définie mais qui, rassemblés dans un tel lieu, ne pouvaient servir qu'à des sévices.

Les hommes firent asseoir Blanc sur la table et attendirent.

Un surprenant personnage ne tarda pas de survenir. Il était jeune, la trentaine, une barbe noire, taillée en pointe, envahissait son visage jusqu'aux pommettes. A son entrée, les militaires s'inclinèrent obséquieusement. Il portait un turban de soie verte et un ensemble blanc dont la veste se boutonnait sur l'épaule.

Il prit place avec aisance dans l'énorme siège et, s'adressant à Jérémie, demanda :

— Vous parlez anglais ?

— Oui, monsieur.

— Votre nationalité ?

— Sénégalaise d'origine, puis française par naturalisation.

— Vous avez une profession ?

— J'appartiens à la police parisienne.

— Votre identité ?

— Blanc, Jérémie. Mon passeport se trouve dans la poche arrière de mon pantalon.

— Quel motif justifie votre voyage ?

— Je suis chargé d'intercepter le chef de notre laboratoire de police technique afin de lui reprendre quatre clés dont il est venu négocier la vente avec votre gouvernement.

— Pour le compte de qui agit-il ?

— Pour le sien !

— C'est-à-dire ?

— Il paraît que ces clés ont un énorme intérêt et il a voulu en tirer profit.

— A quoi servent-elles ?

— Top secret ; mes chefs ne m'ont fourni aucune explication.

— Vous espérez que je vais vous croire ?

— Oui, car je suis dans l'impossibilité de vous dire autre chose puisque je ne sais rien !

Un bref instant passa. L'Arabe enfonçait son regard incandescent comme un fer rouge dans celui de Jérémie, aurait écrit Pierre Loti entre deux pipes[47].

L'homme au turban couleur émeraude sortit de sa poche un étui à cigarettes d'or incrusté de rubis, en prit une et attendit que l'officier y boute le feu. Après quoi il rangea sa demi-livre de jonc.

— Si j'ai bien compris votre version des faits, reprit le petit pote en tas, le directeur de laboratoire quitte Paris avec ces clés. Vos chefs découvrent aussitôt le larcin et vous catapultent ici à bord d'un jet spécial pour que vous arriviez avant lui à Kalamarfarcî. Mission remplie. Vous l'interceptez à sa sortie de l'aéroport et l'engagez à aller déposer lesdites clés dans une cabine téléphonique. Correct ?

— Tout à fait, fit le Noirpiot, ahuri par la sagacité de son vis-à-vis.

— N'eût-il pas été plus simple qu'il vous les remît en mains propres ?

— Je le savais suivi et moi-même m'estimais surveillé. Il m'a paru plus prudent d'opérer par le truchement de cette cabine.

— Passons. Qu'avez-vous fait de ces clés ?

— Elles ne se trouvaient pas à l'endroit où je lui avais ordonné de les déposer.

— Donc l'homme du laboratoire vous a floué.

— Hélas oui.

— Il a fait mine d'obéir à votre injonction, mais en réalité les a conservées ?

— Ça me semble évident !

— Il doit y avoir une autre solution !

Il adressa un signe, non pas aux hommes présents, mais à un objectif logé dans le mur.

Puis il prit, dans sa poche supérieure, un fume-cigarette et y vrilla l'extrémité dorée de sa tige.

La porte s'ouvrit et deux autres militaires poussèrent Mathias dans la pièce.


  1. On l'appelait « le roi du narguilé baveur ».