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Nikolaï Zabotine n’avait même pas dîné et avait très mal dormi. Plus la date du 26 décembre se rapprochait, plus les difficultés s’amoncelaient. Il se demandait encore comment l’agent de la CIA était remonté jusqu’à Igor Baikal. Surtout, comment il avait pu échapper au piège qui lui avait été tendu. Certes, Igor Baikal ignorait tout de Nikolaï Zabotine, l’hébergement de Stephan Oswacim lui ayant été demandé par Oleg Budynok, un des membres les plus actifs du «réseau» Zabotine. Cependant, le seul fait que les Américains remontent jusqu’à Igor Baikal était inquiétant. La sonnerie d’un des portables posés sur le bureau dérangea la réflexion de Nikolaï Zabotine. Le Russe répondit de son habituel ton neutre. Agressé aussitôt par la voix tendue d’Oleg Budynok.
— J’ai été obligé de faire éliminer cet imbécile d’Igor !
annonça le chef de l’administration présidentielle.
Le Russe sentit ses cheveux se dresser sur sa tête. Cette ligne-là n’était pas sécurisée. Il coupa son interlocuteur.
— Je pense qu’il vaudrait mieux nous voir, suggéra- t-il. À l’endroit habituel. Dans une heure.
— Dans une heure, approuva Oleg Budynok.
L’endroit habituel était un parking dans le quartier de Pokol, toujours désert et facile à surveiller. Nikolaï Zabotine se dit qu’il était obligé désormais de changer tous ses portables. Les Américains avaient toujours excellé dans les écoutes. Comme les Russes. Mentalement, il fit le point. Sa force de frappe diminuait à vue d’œil. Il lui restait trois des anciens berkut recrutés par le colonel Gorodnaya, qui, eux, obéissaient au doigt et à l’œil. Hélas, Stephan Oswacim n’était plus là pour leur transmettre les ordres. Nikolaï Zabotine, en réalité, n’avait plus besoin de ses soutiens ukrainiens pour la dernière phase de son opération, sauf pour un objectif précis : éliminer cet agent de la CIA qui rôdait de trop près, à son goût, autour de ses opérations.
Or, deux tentatives avaient déjà échoué, d’abord avec le Polonais, ensuite avec Igor Baikal. Pour cette dernière, qui n’était pas prévue, Nikolaï Zabotine avait simplement réagi à la pénétration de son réseau. C’était peu de chose en comparaison de ce qu’il avait réalisé à Kiev au temps heureux de l’Union soviétique…
Nikolaï Zabotine éteignit son bureau, en ferma soigneusement la porte à clef et descendit prendre dans le parking de l’ambassade une Lada anonyme, au nom d’une société de construction où les Russes avaient des intérêts. Tout en roulant dans les rues mal éclairées de Kiev, il se demanda pourquoi Oleg Budynok avait décidé de faire liquider son vieux copain Igor Baikal, en dépit des multiples liens, politiques, financiers et personnels, qui les unissaient. En tout cas, l’action de l’agent de la CIA, Malko Linge, en était la cause.
Anatoly Girka était épuisé. La tête dans ses bras, il somnolait sur la table où il venait de rédiger sa confession, aussitôt enfermée dans un coffre par Donald Red-stone, qui en avait fait une copie pour Malko. Celui-ci hésitait encore sur la façon d’utiliser ces aveux. C’était de la dynamite. S’en servir risquait de déclencher une réaction en chaîne incontrôlable.
Anatoly Girka se redressa en sursaut et demanda d’une voix pâteuse :
— Qu’est-ce que je fais ?
— Je vais mettre à votre disposition une chambre où vous pourrez rester aussi longtemps que vous voudrez, répliqua aussitôt le chef de station. Demain, je vous ferai signer un formulaire de demande d’asile politique aux États-Unis que je transmettrai au State Department, avec un avis favorable. En attendant, vous bénéficiez du programme de protection des témoins en danger. Cela concerne la tentative de meurtre sur la personne de M. Malko Linge.
L’Ukrainien ne parut comprendre que le mot «chambre». Il titubait, ahuri. Donald Redstone appela sa secrétaire pour qu’on conduise l’assassin d’Igor Baikal dans la partie de l’ambassade réservée aux diplomates de passage et se tourna vers Malko.
— Vous avez une idée de ce qu’on peut faire de ces aveux ?
— Oui, dit aussitôt Malko. Je vais essayer de retourner Oleg Budynok. En lui apprenant, preuve à l’appui, l’existence de cette confession qui le charge. C’est le point de départ, sinon je n’arriverai même pas à entrer en contact avec lui.
— Comment allez-vous la lui faire parvenir ? C’est délicat…
— Je pense qu’Irma Murray pourrait la lui remettre en mains propres… Il faut quelqu’un d’absolument sûr.
L’Américain eut un haut-le-corps.
— Et si…?
Malko le rassura d’un sourire.
— Je ne pense pas qu’Oleg Budynok s’attaque à elle dans les locaux de l’administration présidentielle.
Ensuite, quand il aura lu le témoignage d’Anatoly Girka, il sera beaucoup plus circonspect. Je vais proposer cette mission ce soir à Irina. Sans lui forcer la main, bien entendu.
— Ne lui faites courir aucun risque, recommanda Donald Redstone. Je lui en parlerai moi-même.
Séance tenante, il appela Irina Murray sur son portable. Malko assista à la conversation. Le chef de station parla d’une proposition que Malko allait lui faire, mais qu’elle n’était, en aucune façon, obligée d’accepter…
— Elle vous attend à neuf heures au Premier Palace, conclut l’Américain.
Malko s’arrêta net à l’entrée du petit hall. Comme deux tigresses prêtes à s’entre-déchirer, Irina Murray et Tatiana Mikhailova, drapée dans la zibeline de Revillon, se faisaient face, de part et d’autre d’une table basse ! Irina, modestement, portait son éternel manteau de cuir noir, laissant apparaître un pull bleu bien rempli et une jupe noire fendue sur le côté. Avec, bien entendu, des bas noirs brillants et ses bottes à talons aiguilles. En apercevant Malko, Tatiana se leva et vint vers lui, arborant un sourire carnassier.
— Je descendais quand je l’ai entendue te demander à la réception. Alors, j’ai voulu me renseigner…
Visiblement, si elle avait pu clouer Irina Murray à la table comme une chouette sur une porte de ferme, elle en eût été ravie. Simple réflexe possessif de femelle, d’ailleurs. Car elle n’éprouvait aucun sentiment pour Malko. Celui-ci la rassura.
— Irina est une collaboratrice de l’ambassade. Elle travaille aussi sur notre affaire. D’ailleurs, j’ai un rendez-vous de travail avec elle, maintenant.
Tatiana Mikhailova adressa un sourire glacial à la jeune Ukrainienne.
— Dobrevece. Je vous laisse.
Elle s’éloigna en direction de l’ascenseur et Irina rejoignit Malko, demandant d’une voix égale :
— Elle est charmante et très sexy. C’est une vieille amie à toi ?
Pas un mot plus haut que l’autre… Belle tenue.
— L’assistante de mon ami Vladimir Sevchenko, qui me l’a dépêchée. Hier, elle m’a sauvé la vie. Sans elle, je macérerais en ce moment dans une cuve de vodka.
— Je sais, dit Irina, Donald m’a mise au courant, mais j’ignorais qu’elle était intervenue.
— Bien, conclut Malko, avant d’aller dîner, je voudrais te montrer quelque chose.
Elle le suivit dans l’ascenseur.
À peine dans la chambre, Irina retira son manteau. Malko eut l’impression que ses seins lui sautaient à la figure. Brutalement, il n’eut plus envie d’ouvrir le petit coffre électronique dissimulé dans la penderie pour y prendre la confession d’Anatoly Girka. Il eut l’impression d’être inondé par un très chaud rayon de soleil. Il s’approcha d’Irina et posa les mains sur ses hanches, sentant aussitôt sous ses doigts les serpents de jarretelles. Ce simple contact lui fit exploser les neurones. Toute la volonté qu’il avait mise à ne pas s’effondrer la veille se transformait en une boule d’énergie nichée au creux de son ventre.
Presque brutalement, il poussa Irina contre le bureau, souleva son pull bleu et empoigna à pleines mains ses seins emprisonnés dans un soutien-gorge de dentelle noire. Il se sentait littéralement en fusion.
Irina réagit dans la seconde, déboutonnant la chemise de Malko, faisant courir ses doigts sur lui, de la poitrine au ventre. Sans même le déshabiller, elle insinua une main dans une poche de son pantalon pour la refermer autour de son sexe encore enfermé. Elle ronronna en sentant l’érection grandir sous ses doigts.
— Humm, c’est bon !
Malko était en train de faire glisser le string le long des bas noirs enserrant les cuisses pleines. En sentant le sexe d’Irina inondé sous ses doigts, il faillit crier d’excitation. C’était du désir à l’état pur, une pulsion réciproque qui balayait tout. Irma libéra le membre bandé, se retournant aussitôt, les mains appuyées sur le bureau.
— Baise-moi comme ça, demanda-t-elle, avec ma jupe.
Malko remonta la jupe noire sur ses hanches, découvrant les jarretelles et le haut des bas, puis la chair blanche des cuisses. D’un seul élan, il s’enfonça dans son ventre. Irina eut un sursaut de tout le corps en se sentant envahie d’un coup.
Elle se mit à gémir, tandis que Malko la prenait lentement, se retirant et s’enfonçant chaque fois le plus loin possible. Et puis, elle se retourna avec prestesse, l’arrachant de son ventre. Malko n’eut pas le temps de protester : elle était déjà à genoux devant lui et engoulait son sexe avec fureur, les mains levées vers sa poitrine comme pour une offrande au dieu de l’érotisme.
Malko lui saisit la nuque, ce qui était bien inutile, mais arracha à Irina un grognement ravi. Visiblement, elle adorait se sentir forcée, même si c’était totalement factice. Déjà, elle avait envie de changer de jeu. Elle se remit debout et s’assit sur le coin du bureau, face à Malko.
Celui-ci l’embrocha aussitôt, lui écartant les cuisses largement.
— Ah, c’est bon ! délira Irina, les cuisses écartelées comme ça, avec ma jupe.
La position était incommode et, de nouveau, elle se dégagea, poussant Malko vers un des deux fauteuils. Dès qu’il fut assis, elle se plaça au-dessus de lui et se laissa tomber sur le sexe dressé, s’empalant d’un coup jusqu’au fond de son ventre. Malko lui prit aussitôt les seins à pleines mains, tordant leurs pointes, lui arrachant des gémissements haletants. Elle le chevauchait avec frénésie, se balançant d’avant en arrière, les traits crispés par le plaisir.
Quand Malko sentit la sève jaillir de ses reins, il ne put retenir un cri rauque auquel fit écho la plainte ravie d’Irina. Ensuite, ils demeurèrent immobiles, figés, comme des automates cassés. Jusqu’à ce qu’Irina éclate d’un rire joyeux et l’embrasse avec tendresse.
— Oh ! My God ! C’était si bon ! Je suis inondée, j’en ai partout !
La jupe enroulée autour des hanches, les jambes moulées par les longs bas noirs, la poitrine offerte, échappée du soutien-gorge, elle était l’incarnation même du plaisir. Elle s’arracha enfin au sexe encore planté dans son ventre, tituba, remonta son string et rabaissa sa jupe et son pull. Appuyée au bureau, le regard brillant, elle sourit à Malko.
— C’est follement excitant ! J’ai l’impression de m’être fait violer par un inconnu… Comme une vraie salope. Je ne tiens plus debout. À propos, tu voulais me montrer quelque chose ?
Ils n’y avait qu’une demi-douzaine de voitures dans le parking de Pokol où Nikolaï Zabotine avait donné rendez-vous à Oleg Budynok. Celui-ci arriva à pied, visiblement nerveux, et se glissa dans la Lada. Le Russe démarra aussitôt, commençant à rouler lentement dans les rues désertes et mal éclairées, jetant fréquemment des coups d’oeil dans le rétroviseur.
— Dobre, dit-il, que s’est-il passé ?
— UAmeriki a rappelé Igor aujourd’hui. Il voulait le voir. Igor m’a prévenu aussitôt. Il était mal à l’aise. J’ai eu peur qu’il se fasse retourner, ou qu’il parle encore. Parce que la veille, il a donné mon nom à ce type.
— Quoi ! Votre nom !
Nikolaï n’en croyait pas ses oreilles. C’était encore plus grave que ce qu’il avait pensé. Oleg Budynok lui répéta ce que lui avait avoué Igor Baikal. Ce dernier, ayant bu pas mal, s’était laissé aller, certain que son visiteur ne ressortirait pas vivant de sa datcha. Il conclut :
— Quand Igor m’a dit que cet Ameriki revenait, j’ai eu peur. Un des gardes du corps travaille pour moi depuis longtemps. Je lui ai donné l’ordre de liquider son patron.
— Vous avez bien fait, approuva Nikolaï Zabotine, mais il faut prévoir l’avenir. D’abord, vous êtes sûr de cet Anatoly Girka ?
— Il me doit beaucoup…
— Ce n’est pas suffisant, trancha le Russe, il faut vous arranger pour l’éliminer le plus vite possible. Convoquez-le dans un endroit sûr pour le remercier. Ce n’est pas tout, ajouta-t-il après un silence. Désormais, les Ameriki savent que vous êtes impliqué dans cette histoire. Ils vont faire quelque chose.
— Quoi ?
— Je n’en sais rien, avoua le Russe, mais il faut s’attendre au pire. Pour l’instant, ne bougez surtout pas. Igor Baikal est mort, c’est une bonne chose. Demain, faites ce qu’il faut pour Anatoly. Ensuite, tenez-moi au courant. Mais ne parlez plus jamais au téléphone.
Il ralentit et s’arrêta le long du trottoir, après s’être assuré d’un coup d’œil dans le rétroviseur que la rue était vide.
— À bientôt, dit-il simplement.
Oleg Budynok s’éloigna, cherchant à se repérer. Il n’avait pas fait attention à leur itinéraire. Il était soulagé d’avoir parlé à Nikolaï Zabotine. Si, un jour, les choses tournaient mal, le Russe l’accueillerait dans son pays.
De nouveau, Irina et Malko s’étaient retrouvés au Tchaïkovski, place Bessarabiaska. La salle était presque vide, à l’exception d’un groupe d’Italiens bruyants. Irina Murray rendit à Malko la confession d’Anatoiy Girka.
— C’est sidérant ! conclut-elle. Si un journal publie cela, le procureur général sera obligé d’ouvrir une enquête.
— Ce n’est pas le but, observa Malko. Je veux communiquer ce document à Oleg Budynok. Pour le faire réagir.
— Il essayera de te tuer…
— Peut-être pas. Il se doute bien que l’original est en lieu sûr, ainsi que l’auteur de ce texte. Et peut-être n’est-il pas sûr à 100 % de la défaite de Viktor Iouchtchenko… Il y a donc une carte à jouer. Pourras-tu lui remettre ce texte en mains propres, demain matin, à la présidence ?
Irina Murray resta silencieuse quelques instants, avant de dire, mi-figue mi-raisin :
— C’est pour cela que tu m’as si bien fait l’amour…
— Non, jura Malko. Il n’y a aucun risque à effectuer cette démarche. Et je ne pensais pas à cela tout à l’heure. Mais j’ai besoin de quelqu’un d’absolument fiable pour remettre ce document à Oleg Budynok. Je le préviendrai avant, en lui laissant un message sur son portable.
— Bien, j’irai demain matin, promit la jeune femme en mettant la confession dans son sac.
Nikolaï Zabotine, après avoir déposé Oleg Budynok, était retourné à l’ambassade où il avait commencé à cribler les noms de son ancien réseau, du temps où il était affecté à Kiev. Le dernier incident avec Igor Baikal l’avait convaincu d’une chose : à quatre jours de la dernière partie de son opération, il ne pouvait pas se permettre de laisser l’agent de la CIA continuer à fouiner. Hélas, il ne pouvait pas confier son élimination à un des ex-berkut. Pas assez sophistiqués. Quant au colonel Gorodnaya, il avait fait toute sa carrière dans les bureaux… Il avait donc passé soigneusement en revue tous les noms de ses anciens collaborateurs, en retenant finalement un : Alexandre Peremogy. Il avait justement le profil qu’il cherchait. Seulement, était-il encore vivant ? Nikolaï Zabotine l’ignorait. Le seul moyen de le savoir était de se rendre à son domicile, s’il n’avait pas déménagé.
Reprenant sa Lada anonyme, il repartit et se gara en face d’un petit square. L’immeuble était toujours là. Il vérifia sur sa fiche le code de la porte d’entrée et le composa. Miracle : après huit ans, il n’avait pas changé ! Ce qui était bien avec le matériel soviétique, c’est qu’il était construit pour l’éternité ! L’escalier puait le chou, la saleté et l’urine. Au premier étage, il alluma une minitorche pour repérer la bonne porte et sonna. Il y eut un remue-ménage à l’intérieur, puis une voix demanda à travers le battant :
— Sto ?
— C’est Nikolaï, fit le Russe.
— Nikolaï Zabotine !
Il y eut un long silence stupéfait, puis un bruit de verrou, et Nikolaï Zabotine vit surgir une tête hirsute, un visage mal rasé, des yeux qui clignotaient derrière de grosses lunettes. Interloqué, Alexandre Peremogy contemplait l’homme surgi de son passé. Comme pour lui-même, il murmura :
— Nikolaï ! Tu es revenu !
Machinalement, il entrouvrit la porte et le Russe se glissa à l’intérieur du petit appartement encombré de livres, de gravures, d’un bric-à-brac indescriptible, puis gagna un petit salon donnant directement sur une cuisine minuscule, meublé d’un divan défoncé recouvert d’un tissu bariolé, d’une table en bois et de quelques chaises. Cela sentait la pauvreté : l’ancien agent du SBU ne devait pas avoir une grosse retraite.
— Tu veux du thé, Nikolaï ?
Alexandre Peremogy s’affairait déjà dans la cuisine. Nikolaï Zabotine s’assit sur une chaise en plastique, un peu triste. Alexandre Peremogy avait rendu de grands services à l’Union soviétique. Aujourd’hui, il était oublié, rayé…
L’ancien agent du SBU revint avec une théière et deux tasses à la propreté douteuse, s’excusant avec un sourire.
— Je n’ai même pas de vodka pour trinquer… Nikolaï Zabotine leva sa tasse de thé.
— Nitchevo ! À notre amitié.
Ils burent un peu de thé tiédasse et pâle. Le Russe plongea son regard dans celui de son ancien compagnon de lutte et demanda :
— Tu n’as pas changé d’opinion, depuis le temps ? Tu es toujours notre ami ? L’ami de la Russie ?
— Da ! Da ! répondit aussitôt Alexandre Peremogy. Quand je vois ce salaud de Iouchtchenko qui essaie de prendre le pays pour le revendre aux Ameriki, cela me fait mal au cœur.
Alexandre Peremogy était originaire de Dniepropetrovsk, la grande ville minière russophone de l’Est. Sa famille venait de la mine et lui seul avait pu étudier et entrer ensuite au SBU. Son bâton de maréchal. Ses paroles allèrent droit au cœur de Nikolaï Zabotine. C’était fascinant de réactiver ainsi une vieille mécanique, qui se remettait à tourner sans à-coup. Brusquement, il fut fier de ce qu’il faisait : lutter pour que la Russie de Vladimir Poutine soit toujours grande et forte. Le communisme n’avait été qu’un moyen d’étendre son pouvoir. Le régime disparu, la lutte continuait.
— Alexandre, demanda Nikolaï Zabotine, aimerais-tu m’aider à lutter contre les Ameriki ?
L’autre sursauta, vexé.
— Évidemment ! Qu’est-ce qu’il faut faire ?
— Ce que tu faisais avant, fit placidement le Russe. Seulement maintenant, c’est plus risqué. Mais tu participes à l’Histoire. C’est pour la rodina.
Alexandre Peremogy leva son regard fatigué, avec une détermination qui réchauffa le Russe.
— Dis-moi qui et où, et fournis-moi le matériel. Je n’ai plus rien.
Nikolaï Zabotine but un peu de son thé, qui lui parut délicieux.
Il venait de trouver quelqu’un de sûr pour éliminer le grain de sable qui grippait son opération. Ce Malko Linge qui lui avait déjà tellement nui en quelques jours.