37407.fb2 Bel ami - ?dition illustr?e - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 102

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Il répondit avec hauteur :

« Soit. J’y serai dans dix minutes à l’endroit que vous m’indiquez. »

Et ils se séparèrent. Mais Jacques Rival faillit le mettre en retard. Il l’avait pris par le bras et lui racontait un tas de choses avec l’air très exalté. Il venait sans doute du buffet. Enfin Du Roy le laissa aux mains de M. de Marelle retrouvé entre deux

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portes, et il s’enfuit. Il lui fallut encore prendre garde de n’être pas vu par sa femme et par Laroche. Il y parvint, car ils semblaient fort animés, et il se trouva dans le jardin.

L’air froid le saisit comme un bain de glace. Il pensa :

« Cristi, je vais attraper un rhume », et il mit son mouchoir à son cou en manière de cravate. Puis il suivit à pas lents l’allée, y voyant mal au sortir de la grande lumière des salons.

Il distinguait à sa droite et à sa gauche des arbustes sans feuilles dont les branches menues frémissaient. Des lueurs grises passaient dans ces ramures, des lueurs venues des fenêtres de l’hôtel. Il aperçut quelque chose de blanc, au milieu du chemin, devant lui, et Mme Walter, les bras nus, la gorge nue, balbutia d’une voix frémissante :

« Ah ! te voilà ? tu veux donc me tuer ? »

Il répondit tranquillement :

« Je t’en prie, pas de drame, n’est-ce pas, ou je fiche le camp tout de suite. »

Elle l’avait saisi par le cou, et, les lèvres tout près des lèvres, elle disait :

« Mais qu’est-ce que je t’ai fait ? Tu te conduis avec moi comme un misérable ! Qu’est-ce que je t’ai fait ? »

Il essayait de la repousser :

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« Tu as entortillé tes cheveux à tous mes boutons la dernière fois que je t’ai vue, et ça a failli amener une rupture entre ma femme et moi. »

Elle demeura surprise, puis, faisant « non » de la tête :

« Oh ! ta femme s’en moque bien. C’est quelqu’une de tes maîtresses qui t’aura fait une scène.

– Je n’ai pas de maîtresses.

– Tais-toi donc ! Mais pourquoi ne viens-tu plus même me voir ? Pourquoi refuses-tu de dîner, rien qu’un jour par semaine, avec moi ? C’est atroce ce que je souffre ; je t’aime à n’avoir plus une pensée qui ne soit pour toi, à ne pouvoir rien regarder sans te voir devant mes yeux, à ne plus oser prononcer un mot sans avoir peur de dire ton nom ! Tu ne comprends pas ça, toi ! Il me semble que je suis prise dans des griffes, nouée dans un sac, je ne sais pas. Ton souvenir, toujours présent, me serre la gorge, me déchire quelque chose là, dans la poitrine, sous le sein, me casse les jambes à ne plus me laisser la force de marcher. Et je reste comme une bête, toute la journée, sur une chaise, en pensant à toi. »

Il la regardait avec étonnement. Ce n’était plus la grosse gamine folâtre qu’il avait connue, mais une femme éperdue, désespérée, capable de tout.

Un projet vague, cependant, naissant dans son esprit.

Il répondit :

« Ma chère, l’amour n’est pas éternel. On se prend et on se quitte. Mais quand ça dure comme entre nous ça devient un boulet horrible. Je n’en veux plus. Voilà la vérité. Cependant, si

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tu sais devenir raisonnable, me recevoir et me traiter ainsi qu’un ami, je reviendrai comme autrefois. Te sens-tu capable de ça ? »

Elle posa ses deux bras nus sur l’habit noir de Georges et murmura :

« Je suis capable de tout pour te voir.

– Alors, c’est convenu, dit-il, nous sommes amis, rien de plus. »

Elle balbutia :

« C’est convenu. » Puis tendant ses lèvres vers lui :

« Encore un baiser… le dernier. »

Il refusa doucement.

Non. Il faut tenir nos conventions. »

Elle se détourna en essuyant deux larmes, puis tirant de son corsage un paquet de papiers noués avec un ruban de soie rose, elle l’offrit à Du Roy : « Tiens. C’est ta part de bénéfice dans l’affaire du Maroc. J’étais si contente d’avoir gagné cela pour toi.

Tiens, prends-le donc… »

Il voulait refuser :

« Non, je ne recevrai point cet argent ! »

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Alors elle se révolta.

« Ah ! tu ne me feras pas ça, maintenant. Il est à toi, rien qu’à toi. Si tu ne le prends point, je le jetterai dans un égout. Tu ne me feras pas cela, Georges ? »

Il reçut le petit paquet et le glissa dans sa poche.

« Il faut rentrer, dit-il, tu vas attraper une fluxion de poitrine. »

Elle murmura :

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« Tant mieux ! si je pouvais mourir. »

Elle lui prit une main, la baisa avec passion, avec rage, avec désespoir, et elle se sauva vers l’hôtel.

Il revint doucement, en réfléchissant. Puis il rentra dans la serre, le front hautain, la lèvre souriante.

Sa femme et Laroche n’étaient plus là. La foule diminuait. Il devenait évident qu’on ne resterait pas au bal. Il aperçut Suzanne qui tenait le bras de sa sœur. Elles vinrent vers lui toutes les deux pour lui demander de danser le premier quadrille avec le comte de Latour-Yvelin.