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Dieu, c’était son amant qui la

regardait. C’étaient ses yeux,

son front, l’expression de son

visage, son air froid et hautain !

Elle balbutiait : « Jésus ! – Jésus ! – Jésus ! » Et le mot

« Georges « lui venait aux lèvres. Tout à coup, elle pensa qu’à

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cette heure même, Georges, peut-être, possédait sa fille. Il était seul avec elle, quelque part, dans une chambre. Lui ! lui ! avec Suzanne !

Elle répétait : « Jésus !… Jésus ! » Mais elle pensait à eux…

à sa fille et à son amant ! Ils étaient seuls, dans une chambre…

et c’était la nuit. Elle les voyait. Elle les voyait si nettement qu’ils se dressaient devant elle, à la place du tableau. Ils se souriaient.

Ils s’embrassaient. La chambre était sombre, le lit entrouvert.

Elle se souleva pour aller vers eux, pour prendre sa fille par les cheveux et l’arracher à cette étreinte. Elle allait la saisir à la gorge, l’étrangler, sa fille qu’elle haïssait, sa fille qui se donnait à cet homme. Elle la touchait… ses mains rencontrèrent la toile.

Elle heurtait les pieds du Christ.

Elle poussa un grand cri et tomba sur le dos. Sa bougie, renversée, s’éteignit.

Que se passa-t-il ensuite ? Elle rêva longtemps des choses étranges, effrayantes. Toujours Georges et Suzanne passaient devant ses yeux, enlacés, avec Jésus-Christ qui bénissait leur horrible amour.

Elle sentait vaguement qu’elle n’était point chez elle. Elle voulait se lever, fuir, elle ne le pouvait pas. Une torpeur l’avait envahie, qui liait ses membres et ne lui laissait que sa pensée en éveil, trouble cependant, torturée par des images affreuses, irréelles, fantastiques, perdue dans un songe malsain, le songe étrange et parfois mortel que font entrer dans les cerveaux humains les plantes endormeuses des pays chauds, aux formes bizarres et aux parfums épais.

Le jour venu, on ramassa Mme Walter, étendue sans connaissance, presque asphyxiée, devant Jésus marchant sur les flots. Elle fut si malade qu’on craignit pour sa vie. Elle ne reprit

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que le lendemain l’usage complet de sa raison. Alors, elle se mit à pleurer.

La disparition de Suzanne fut expliquée aux domestiques par un envoi brusque au couvent. Et M. Walter répondit à une longue lettre de Du Roy, en lui accordant la main de sa fille.

Bel-Ami avait jeté cette épître à la poste au moment de quitter Paris, car il l’avait préparée d’avance le soir de son départ. Il y disait, en termes respectueux, qu’il aimait depuis longtemps la jeune fille, que jamais aucun accord n’avait eu lieu entre eux, mais que la voyant venir à lui, en toute liberté, pour lui dire : « Je serai votre femme », il se jugeait autorisé à la garder, à la cacher même, jusqu’à ce qu’il eût obtenu une réponse des parents dont la volonté légale avait pour lui une valeur moindre que la volonté de sa fiancée.

Il demandait que M. Walter répondît poste restante, un ami devant lui faire parvenir la lettre.

Quand il eut obtenu ce qu’il voulait, il ramena Suzanne à Paris et la renvoya chez ses parents, s’abstenant lui-même de paraître avant quelque temps.

Ils avaient passé six jours au bord de la Seine, à La Roche-Guyon.

Jamais la jeune fille ne s’était tant amusée. Elle avait joué à la bergère. Comme il la faisait passer pour sa sœur, ils vivaient dans une intimité libre et chaste, une sorte de camaraderie amoureuse. Il jugeait habile de la respecter. Dès le lendemain de leur arrivée, elle acheta du linge et des vêtements de paysanne, et elle se mit à pêcher à la ligne, la tête couverte d’un immense chapeau de paille orné de fleurs des champs. Elle trouvait le

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pays délicieux. Il y avait là une vieille tour et un vieux château où l’on montrait d’admirables tapisseries.

Georges, vêtu d’une vareuse achetée toute faite chez un commerçant du pays, promenait Suzanne, soit à pied, le long des berges, soit en bateau. Ils s’embrassaient à tout moment, frémissants, elle innocente et lui prêt à succomber. Mais il savait être fort : et quand il lui dit : « Nous retournerons à Paris demain, votre père m’accorde votre main », elle murmura naïvement : « Déjà, ça m’amusait tant d’être votre femme ! »

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– X –

Il faisait sombre dans le petit appartement de la rue de Constantinople, car Georges Du Roy et Clotilde de Marelle s’étant rencontrés sous la porte étaient entrés brusquement, et elle lui avait dit, sans lui laisser le temps d’ouvrir les persiennes :

« Ainsi, tu épouses Suzanne Walter ? »

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Il avoua avec douceur et ajouta :

« Tu ne le savais pas ? »

Elle reprit, debout devant lui, furieuse, indignée :

« Tu épouses Suzanne Walter ! C’est trop fort ! c’est trop fort ! Voilà trois mois que tu me cajoles pour me cacher ça. Tout le monde le sait, excepté moi. C’est mon mari qui me l’a appris ! »

Du Roy se mit à ricaner, un peu confus tout de même, et, ayant posé son chapeau sur un coin de la cheminée, il s’assit dans un fauteuil.

Elle le regardait bien en face, et elle dit d’une voix irritée et basse :

« Depuis que tu as quitté ta femme, tu préparais ce coup-là, et tu me gardais gentiment comme maîtresse, pour faire l’intérim ? Quel gredin tu es ! »

Il demanda :

« Pourquoi ça ? J’avais une femme qui me trompait. Je l’ai surprise ; j’ai obtenu le divorce, et j’en épouse une autre. Quoi de plus simple ? »

Elle murmura, frémissante :

« Oh ! comme tu es roué et dangereux, toi ! »

Il se remit à sourire :

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« Parbleu ! Les imbéciles et les niais sont toujours des dupes ! »