37407.fb2 Bel ami - ?dition illustr?e - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 13

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« Non… ça n’est pas possible… »

Forestier le prit par les épaules, le fit pivoter sur ses talons, et le poussant vers l’escalier :

« Mais, va donc, grand serin, quand je te dis d’y aller. Tu ne vas pas me forcer à regrimper mes trois étages pour te présenter et expliquer ton cas. »

Alors Duroy se décida :

« Merci, j’y vais. Je lui dirai que tu m’as forcé, absolument forcé à venir la trouver.

– Oui. Elle ne te mangera pas, sois tranquille. Surtout, n’oublie pas tantôt trois heures.

– Oh ! ne crains rien. »

Et Forestier s’en alla de son air pressé, tandis que Duroy se mit à monter lentement, marche à marche, cherchant ce qu’il allait dire et inquiet de l’accueil qu’il recevrait.

– 61 –

Le domestique vint lui ouvrir. Il avait un tablier bleu et tenait un balai dans ses mains.

« Monsieur est sorti », dit-il, sans attendre la question.

Duroy insista :

« Demandez à Mme Forestier si elle peut me recevoir, et prévenez-la que je viens de la part de son mari, que j’ai rencontré dans la rue. »

Puis il attendit. L’homme revint, ouvrit une porte à droite, et annonça :

« Madame attend monsieur. »

Elle était assise sur un fauteuil de bureau, dans une petite pièce dont les murs se trouvaient entièrement cachés par des livres bien rangés sur des planches de bois noir. Les reliures de tons différents, rouges, jaunes, vertes, violettes, et bleues, mettaient de la couleur et de la gaieté dans cet alignement monotone de volumes.

Elle se retourna, souriant toujours, enveloppée d’un peignoir blanc garni de dentelle ; et elle tendit sa main, montrant son bras nu dans la manche largement ouverte.

« Déjà ? » dit-elle ; puis elle reprit : « Ce n’est point un reproche, c’est une simple question. »

Il balbutia :

– 62 –

« Oh ! madame, je ne voulais pas monter ; mais votre mari, que j’ai rencontré en bas, m’y a forcé. Je suis tellement confus que je n’ose pas dire ce qui m’amène. »

Elle montrait un siège :

« Asseyez-vous et parlez. »

Elle maniait entre deux doigts une plume d’oie en la tournant agilement ; et, devant elle, une grande page de papier demeurait écrite à moitié, interrompue à l’arrivée du jeune homme.

Elle avait l’air chez elle devant cette table de travail, à l’aise comme dans son salon, occupée à sa besogne ordinaire. Un parfum léger s’envolait du peignoir, le parfum frais de la toilette récente. Et Duroy cherchait à deviner, croyait voir le corps jeune et clair, gras et chaud, doucement enveloppé dans l’étoffe moelleuse.

Elle reprit, comme il ne parlait pas :

« Eh bien, dites, qu’est-ce que c’est ? »

Il murmura, en hésitant :

« Voilà… mais vraiment… je n’ose pas… C’est que j’ai travaillé hier soir très tard… et ce matin… très tôt… pour faire cet article sur l’Algérie que M. Walter m’a demandé… et je n’arrive à rien de bon… j’ai déchiré tous mes essais… Je n’ai pas l’habitude de ce travail-là, moi ; et je venais demander à Forestier de m’aider… pour une fois… »

– 63 –

Elle l’interrompit, en riant de tout son cœur, heureuse, joyeuse et flattée :

« Et il vous a dit de venir me trouver ?… C’est gentil ça…

– Oui, madame. Il m’a dit que vous me tireriez d’embarras mieux que lui… Mais, moi, je n’osais pas, je, ne voulais pas.

Vous comprenez ? »

Elle se leva :

« Ça va être charmant de collaborer comme ça. Je suis ravie de votre idée. Tenez, asseyez-vous à ma place, car on connaît mon écriture au journal. Et nous allons vous tourner un article, mais là, un article à succès. »

Il s’assit, prit une plume, étala devant lui une feuille de papier et attendit.

Mme Forestier, restée debout, le regardait faire ses préparatifs ; puis elle atteignit une cigarette sur la cheminée et l’alluma :

« Je ne puis pas travailler sans fumer, dit-elle. Voyons, qu’allez-vous raconter ? »

Il leva la tête vers elle avec étonnement.

« Mais je ne sais pas, moi, puisque je suis venu vous trouver pour ça. »

Elle reprit :

– 64 –

« Oui, je vous arrangerai la chose. Je ferai la sauce, mais il me faut le plat. »

Il demeurait embarrassé ; enfin il prononça avec hésitation :

« Je voudrais raconter mon voyage depuis le commencement… »

Alors elle s’assit, en face de lui, de l’autre côté de la grande table, et le regardant dans les yeux :

« Eh bien, racontez-le-moi d’abord, pour moi toute seule, vous entendez, bien doucement, sans rien oublier, et je choisirai ce qu’il faut prendre. »

Mais comme il ne savait par où commencer, elle se mit à l’interroger comme aurait fait un prêtre au confessionnal, posant des questions précises qui lui rappelaient des détails oubliés, des personnages rencontrés, des figures seulement aperçues.

Quand elle l’eut contraint à parler ainsi pendant un petit quart d’heure, elle l’interrompit tout à coup :