37407.fb2 Bel ami - ?dition illustr?e - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 34

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Une raison aussi le décida. Il était bien aise de cette occasion d’offrir à Mme de Marelle une loge au théâtre sans rien payer. C’était là une sorte de compensation.

Il laissa d’abord Clotilde dans la voiture pour aller chercher le coupon afin qu’elle ne vît pas qu’on le lui offrait, puis il la vint prendre et ils entrèrent, salués par les contrôleurs.

Une foule énorme encombrait le promenoir. Ils eurent grand-peine à passer à travers la cohue des hommes et des rôdeuses. Ils atteignirent enfin leur case et s’installèrent, enfermés entre l’orchestre immobile et le remous de la galerie.

Mais Mme de Marelle ne regardait guère la scène, uniquement préoccupée des filles qui circulaient derrière son dos ; et elle se retournait sans cesse pour les voir, avec une envie

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de les toucher, de palper leur corsage, leurs joues, leurs cheveux, pour savoir comment c’était fait, ces êtres-là.

Elle dit soudain :

« Il y en a une grosse brune qui nous regarde tout le temps.

J’ai cru tout à l’heure qu’elle allait nous parler. L’as-tu vue ? »

Il répondit : « Non. Tu dois te tromper. » Mais il l’avait aperçue depuis longtemps déjà. C’était Rachel qui rôdait autour d’eux avec une colère dans les yeux et des mots violents sur les lèvres.

Duroy l’avait frôlée tout à l’heure en traversant la foule, et elle lui avait dit : « Bonjour « tout bas avec un clignement d’œil qui signifiait : « Je comprends. » Mais il n’avait point répondu à cette gentillesse dans la crainte d’être vu par sa maîtresse, et il avait passé froidement, le front haut, la lèvre dédaigneuse. La fille, qu’une jalousie inconsciente aiguillonnait déjà, revint sur ses pas, le frôla de nouveau et prononça d’une voix plus forte :

« Bonjour, Georges. »

Il n’avait encore rien répondu. Alors elle s’était obstinée à être reconnue, saluée, et elle revenait sans cesse derrière la loge, attendant un moment favorable.

Dès qu’elle s’aperçut que Mme de Marelle la regardait, elle toucha du bout du doigt l’épaule de Duroy :

« Bonjour. Tu vas bien ? »

Mais il ne se retourna pas.

Elle reprit :

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« Eh bien ? es-tu devenu sourd depuis jeudi ? »

Il ne répondit point, affectant un air de mépris qui l’empêchait de se compromettre, même par un mot, avec cette drôlesse.

Elle se mit à rire, d’un rire de rage et dit : « Te voilà donc muet ? Madame t’a peut-être mordu la langue ? »

Il fit un geste furieux, et d’une voix exaspérée :

« Qui est-ce qui vous permet de parler ? Filez ou je vous fais arrêter. »

Alors, le regard enflammé, la gorge gonflée, elle gueula :

« Ah ! c’est comme ça ! Va donc, mufle ! Quand on couche avec une femme, on la salue au moins. C’est pas une raison parce que t’es avec une autre pour ne pas me reconnaître aujourd’hui. Si tu m’avais seulement, fait un signe quand j’ai passé contre toi, tout à l’heure, je t’aurais laissé tranquille. Mais t’as voulu faire le fier, attends, va ! Je vais te servir, moi ! Ah ! tu ne me dis seulement pas bonjour quand je te rencontre… »

Elle aurait crié longtemps, mais Mme de Marelle avait ouvert la porte de la loge et elle se sauvait, à travers la foule, cherchant éperdument la sortie.

Duroy s’était élancé derrière elle et s’efforçait de la rejoindre.

Alors Rachel les voyant fuir, hurla, triomphante :

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« Arrêtez-la ! Arrêtez-la ! Elle m’a volé mon amant. »

Des rires coururent dans le public. Deux messieurs, pour plaisanter, saisirent par les épaules la fugitive et voulurent l’emmener en cherchant à l’embrasser. Mais Duroy l’ayant rattrapée, la dégagea violemment et l’entraîna dans la rue.

Elle s’élança dans un fiacre vide arrêté devant l’établissement. Il y sauta derrière elle, et comme le cocher demandait : « Où faut-il aller, bourgeois ? » il répondit. » Où vous voudrez. »

La voiture se mit en route lentement, secouée par les pavés.

Clotilde en proie à une sorte de crise nerveuse, les mains sur sa face, étouffait, suffoquait ; et Duroy ne savait que faire ni que dire. À la fin, comme il l’entendait pleurer, il bégaya. : « Écoute, Clo, ma petite Clo, laisse-moi t’expliquer ! Ce n’est pas ma faute… J’ai connu cette femme-là autrefois… dans les premiers temps… »

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Elle dégagea brusquement son visage, et saisie par une rage de femme amoureuse et trahie, une rage furieuse qui lui rendit la parole, elle balbutia, par phrases rapides, hachées, en haletant : « Ah !… misérable… misérable… quel gueux tu fais !…

Est-ce possible ?… quelle honte !… Oh ! mon Dieu !… quelle honte !… »

Puis, s’emportant de plus en plus, à mesure que les idées s’éclaircissaient en elle et que les arguments lui venaient :

« C’est avec mon argent que tu la payais, n’est-ce pas ? Et je lui donnais de l’argent… pour cette fille… Oh ! le misérable !… »

Elle sembla chercher, pendant quelques secondes, un autre mot plus fort qui ne venait point, puis soudain, elle expectora, avec le mouvement qu’on fait pour cracher : « Oh !… cochon…

cochon… cochon… Tu la payais avec mon argent… cochon…

cochon !… »

Elle ne trouvait plus autre chose et répétait : « Cochon…

cochon… »

Tout à coup, elle se pencha dehors, et, saisissant le cocher par sa manche : « Arrêtez ! » puis, ouvrant la portière, elle sauta dans la rue.

Georges voulut la suivre, mais elle cria : « Je te défends de descendre ! » d’une voix si forte que les passants se massèrent autour d’elle ; et Duroy ne bougea point par crainte d’un scandale.

Alors elle tira sa bourse de sa poche et chercha de la monnaie à la lueur de la lanterne, puis ayant pris deux francs cinquante, elle les mit dans les mains du cocher, en lui disant d’un ton vibrant : « Tenez… voilà votre heure… C’est moi qui

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