37407.fb2 Bel ami - ?dition illustr?e - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 43

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Tous avaient l’air hautain, la lèvre fière, l’œil insolent, ceux à favoris et ceux à moustaches.

Duroy riait toujours, répétant : « C’est du propre, tas de crapules, tas d’escarpes ! »

Mais une voiture passa, découverte, basse et charmante, traînée au grand trot par deux minces chevaux blancs dont la crinière et la queue voltigeaient, et conduite par une petite jeune

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femme blonde, une courtisane connue qui avait deux grooms assis derrière elle. Duroy s’arrêta, avec une envie de saluer et d’applaudir cette parvenue de l’amour qui étalait avec audace dans cette promenade et à cette heure des hypocrites aristocrates, le luxe crâne gagné sur ses draps. Il sentait peut-

être vaguement qu’il y avait quelque chose de commun entre eux, un lien de nature, qu’ils étaient de même race, de même âme, et que son succès aurait des procédés audacieux de même ordre.

Il revint plus doucement, le cœur chaud de satisfaction, et il arriva, un peu avant l’heure, à la porte de son ancienne maîtresse.

Elle le reçut, les lèvres tendues, comme si aucune rupture n’avait eu lieu, et elle oublia même, pendant quelques instants, la sage prudence qu’elle opposait, chez elle, à leurs caresses.

Puis elle lui dit, en baisant les bouts frisés de ses moustaches :

« Tu ne sais pas l’ennui qui m’arrive, mon chéri ?

J’espérais une bonne lune de miel, et voilà mon mari qui me tombe sur le dos pour six semaines ; il a pris congé. Mais je ne veux pas rester six semaines sans te voir, surtout après notre petite brouille, et voilà comment j’ai arrangé les choses. Tu viendras me demander à dîner lundi, je lui ai déjà parlé de toi.

Je te présenterai. »

Duroy hésitait, un peu perplexe, ne s’étant jamais trouvé encore en face d’un homme dont il possédait la femme. Il craignait que quelque chose le trahît, un peu de gêne, un regard, n’importe quoi. Il balbutiait :

« Non, j’aime mieux ne pas faire la connaissance de ton mari. » Elle insista, fort étonnée, debout devant lui et ouvrant

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des yeux naïfs : « Mais pourquoi ? quelle drôle de chose ? Ça arrive tous les jours, ça ! Je ne t’aurais pas cru si nigaud, par exemple. »

Il fut blessé :

« Eh bien, soit, je viendrai dîner lundi. »

Elle ajouta :

« Pour que ce soit bien naturel, j’aurai les Forestier. Ça ne m’amuse pourtant pas de recevoir du monde chez moi. »

Jusqu’au lundi, Duroy ne pensa plus guère à cette entrevue ; mais voilà qu’en montant l’escalier de Mme de Marelle, il se sentit étrangement troublé, non pas qu’il lui répugnât de prendre la main de ce mari, de boire son vin et de manger son pain, mais il avait peur de quelque chose, sans savoir de quoi.

On le fit, entrer dans le salon, et il attendit, comme toujours. Puis la porte de la chambre s’ouvrit, et il aperçut un grand homme à barbe blanche, décoré, grave et correct, qui vint à lui avec une politesse minutieuse :

« Ma femme m’a souvent parlé de vous, monsieur, et je suis charmé de faire votre connaissance. »

Duroy s’avança en tâchant de donner à sa physionomie un air de cordialité expressive et il serra avec une énergie exagérée la main tendue de son hôte. Puis, s’étant assis, il ne trouva rien à lui dire.

M. de Marelle remit un morceau de bois au feu, et demanda :

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« Voici longtemps que vous vous occupez de journalisme ? »

Duroy répondit :

« Depuis quelques mois seulement. »

– Ah ! vous avez marché vite.

« Oui, assez vite », et il se mit à parler au hasard, sans trop songer à ce qu’il disait, débitant toutes les banalités en usage entre gens qui ne se connaissent point. Il se rassurait maintenant et commençait à trouver la situation fort amusante.

Il regardait la figure sérieuse et respectable de M. de Marelle, avec une envie de rire sur les lèvres, en pensant : « Toi, je te fais cocu, mon vieux, je te fais cocu. » Et une satisfaction intime, vicieuse, le pénétrait, une joie de voleur qui a réussi et qu’on ne soupçonne pas, une joie fourbe, délicieuse. Il avait envie, tout à coup, d’être l’ami de cet homme, de gagner sa confiance, de lui faire raconter les choses secrètes de sa vie.

Mme de Marelle entra brusquement, et les ayant couverts d’un coup d’œil souriant et impénétrable, elle alla vers Duroy qui n’osa point, devant le mari, lui baiser la main, ainsi qu’il le faisait toujours.

Elle était tranquille et gaie comme une personne habituée à tout, qui trouvait cette rencontre naturelle et simple, en sa rouerie native et franche. Laurine apparut, et vint, plus sagement que de coutume, tendre son front à Georges, la présence de son père l’intimidant. Sa mère lui dit : « Eh bien, tu ne l’appelles plus Bel-Ami, aujourd’hui. » Et l’enfant rougit, comme si on venait de commettre une grosse indiscrétion, de révéler une chose qu’on ne devait pas dire, de dévoiler un secret intime et un peu coupable de son cœur.

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Quand les Forestier arrivèrent, on fut effrayé de l’état de Charles. Il avait maigri et pâli affreusement en une semaine et il toussait sans cesse. Il annonça d’ailleurs qu’ils partaient pour Cannes le jeudi suivant, sur l’ordre formel du médecin.

Ils se retirèrent de bonne heure, et Duroy dit en hochant la tête :

« Je crois qu’il file un bien mauvais coton. Il ne fera pas de vieux os. » Mme de Marelle affirma avec sérénité : « Oh ! il est perdu ! En voilà un qui avait eu de la chance de trouver une femme comme la sienne. »

Duroy demanda :

« Elle l’aide beaucoup ?

– C’est-à-dire qu’elle fait tout. Elle est au courant de tout, elle connaît tout le monde sans avoir l’air de voir personne ; elle obtient ce qu’elle veut, comme elle veut, et quand elle veut. Oh !

elle est fine, adroite et intrigante comme aucune, celle-là. En voilà un trésor pour un homme qui veut parvenir. »

Georges reprit :

« Elle se remariera bien vite, sans doute ? »

Mme de Marelle répondit :

« Oui. Je ne serais même pas étonnée qu’elle eût en vue quelqu’un… un député… à moins que… qu’il ne veuille pas…, car… car… il y aurait peut-être de gros obstacles… moraux…

Enfin, voilà. Je ne sais rien. »

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M. de Marelle grommela avec une lente impatience :