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apporta les sirops, que les femmes burent d’un seul trait ; puis elles se levèrent, et la brune, avec un petit salut amical de la tête et un léger coup d’éventail sur le bras, dit à Duroy : « Merci, mon chat. Tu n’as pas la parole facile. »

Et elles partirent en balançant leur croupe.

Alors Forestier se mit à rire :

« Dis donc, mon vieux, sais-tu que tu as vraiment du succès auprès des femmes ? Il faut soigner ça. Ça peut te mener loin. »

Il se tut une seconde, puis reprit, avec ce ton rêveur des gens qui pensent tout haut :

« C’est encore par elles qu’on arrive le plus vite. »

Et comme Duroy souriait toujours sans répondre, il demanda :

« Est-ce que tu restes encore ? Moi, je vais rentrer, j’en ai assez. »

L’autre murmura :

« Oui, je reste encore un peu. Il n’est pas tard. »

Forestier se leva :

« Eh bien, adieu, alors. À demain. N’oublie pas ? 17, rue Fontaine, sept heures et demie.

– C’est entendu ; à demain. Merci. »

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Ils se serrèrent la main, et le journaliste s’éloigna.

Dès qu’il eut disparu, Duroy se sentit libre, et de nouveau il tâta joyeusement les deux pièces d’or dans sa poche ; puis, se levant, il se mit à parcourir la foule qu’il fouillait de l’œil.

Il les aperçut bientôt, les deux femmes, la blonde et la brune, qui voyageaient toujours de leur allure fière de mendiantes, à travers la cohue des hommes.

Il alla droit sur elles, et quand il fut tout près, il n’osa plus.

La brune lui dit :

« As-tu retrouvé ta langue ? »

Il balbutia : « Parbleu », sans parvenir à prononcer autre chose que cette parole.

Ils restaient debout tous les trois, arrêtés, arrêtant le mouvement du promenoir, formant un remous autour d’eux.

Alors, tout à coup, elle demanda :

« Viens-tu chez moi ? »

Et lui, frémissant de convoitise, répondit brutalement.

« Oui, mais je n’ai qu’un louis dans ma poche. »

Elle sourit avec indifférence :

« Ça ne fait rien. »

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Et elle prit son bras en signe de possession.

Comme ils sortaient, il songeait qu’avec les autres vingt francs il pourrait facilement se procurer, en location, un costume de soirée pour le lendemain.

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– II –

« Monsieur Forestier, s’il vous plaît ?

– Au troisième, la porte à gauche. »

Le concierge avait répondu cela d’une voix aimable où apparaissait une considération pour son locataire. Et Georges Duroy monta l’escalier.

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Il était un peu gêné, intimidé, mal à l’aise. Il portait un habit pour la première fois de sa vie, et l’ensemble de sa toilette l’inquiétait : Il la sentait défectueuse en tout, par les bottines non vernies mais assez fines cependant, car il avait la coquetterie du pied, par la chemise de quatre francs cinquante achetée le matin même au Louvre, et dont le plastron trop mince ce cassait déjà. Ses autres chemises, celles de tous les jours, ayant des avaries plus ou moins graves, il n’avait pu utiliser même la moins abîmée.

Son pantalon, un peu trop large, dessinait mal la jambe, semblait s’enrouler autour du mollet, avait cette apparence fripée que prennent les vêtements d’occasion sur les membres qu’ils recouvrent par aventure. Seul, l’habit n’allait pas mal, s’étant trouvé à peu près juste pour la taille.

Il montait lentement les marches, le cœur battant, l’esprit anxieux, harcelé surtout par la crainte d’être ridicule ; et, soudain, il aperçut en face de lui un monsieur en grande toilette qui le regardait. Ils se trouvaient si près l’un de l’autre que Duroy fit un mouvement en arrière, puis il demeura stupéfait : c’était lui-même, reflété par une haute glace en pied qui formait sur le palier du premier une longue perspective de galerie. Un élan de joie le fit tressaillir, tant il se jugea mieux qu’il n’aurait cru.

N’ayant chez lui que son petit miroir à barbe, il n’avait pu se contempler entièrement, et comme il n’y voyait que fort mal les diverses parties de sa toilette improvisée, il s’exagérait les imperfections, s’affolait à l’idée d’être grotesque.

Mais voilà qu’en s’apercevant brusquement dans la glace, il ne s’était pas même reconnu ; il s’était pris pour un autre, pour un homme du monde, qu’il avait trouvé fort bien, fort chic, au premier coup d’œil.

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Et maintenant, en se regardant avec soin, il reconnaissait que, vraiment, l’ensemble était satisfaisant.

Alors il s’étudia comme font les acteurs pour apprendre leurs rôles. Il se sourit, se tendit la main, fit des gestes, exprima des sentiments : l’étonnement, le plaisir, l’approbation ; et il chercha les degrés du sourire et les intentions de l’œil pour se montrer galant auprès des dames, leur faire comprendre qu’on les admire et qu’on les désire.

Une porte s’ouvrit dans