37407.fb2 Bel ami - ?dition illustr?e - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 79

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Elle refusa. Il insistait :

« Pourquoi ne voulez-vous pas ? Vous allez me blesser vivement. Ne me laissez pas croire que vous ne m’avez point pardonné. Vous voyez comme je suis calme. »

– 363 –

Elle répondit :

« Vous ne pouvez pas abandonner ainsi vos invités. »

Il sourit :

« Bah ! je serai vingt minutes absent. On ne s’en apercevra même pas. Si vous me refusez, vous me froisserez jusqu’au cœur. »

Elle murmura :

« Eh bien, j’accepte. »

Mais dès qu’ils furent dans la voiture, il lui saisit la main, et la baisant avec passion :

« Je vous aime, je vous aime. Laissez-moi vous le dire. Je ne vous toucherai pas. Je veux seulement vous répéter que je vous aime. »

Elle balbutiait :

« Oh !... après ce que vous m’avez promis… C’est mal… c’est mal… »

Il parut faire un grand effort, puis il reprit, d’une voix contenue :

« Tenez, vous voyez comme je me maîtrise. Et pourtant…

Mais laissez-moi vous dire seulement ceci. Je vous aime… et vous le répéter tous les jours… oui, laissez-moi aller chez vous m’agenouiller cinq minutes à vos pieds pour prononcer ces trois mots, en regardant votre visage adoré. »

– 364 –

Elle lui avait abandonné sa main, et elle répondit en haletant :

« Non, je ne peux pas, je ne veux pas. Songez à ce qu’on dirait, à mes domestiques, à mes filles. Non, non, c’est impossible… »

Il reprit :

« Je ne peux plus vivre sans vous voir. Que ce soit chez vous ou ailleurs, il faut que je vous voie, ne fût-ce qu’une minute tous les jours, que je touche votre main, que je respire l’air soulevé par votre robe, que je contemple la ligne de votre corps, et vos beaux grands yeux qui m’affolent. »

Elle écoutait, frémissante, cette banale musique d’amour et elle bégayait :

« Non… non… c’est impossible. Taisez-vous ! »

Il lui parlait tout bas, dans l’oreille, comprenant qu’il fallait la prendre peu à peu, celle-là, cette femme simple, qu’il fallait la décider à lui donner des rendez-vous, où elle voudrait d’abord, où il voudrait ensuite :

« Écoutez… Il le faut… je vous verrai… je vous attendrai devant votre porte… comme un pauvre… Si vous ne descendez pas, je monterai chez vous… mais je vous verrai… je vous verrai… demain. »

Elle répétait : « Non, non, ne venez pas. Je ne vous recevrai point. Songez à mes filles.

– 365 –

– Alors dites-moi où je vous rencontrerai… dans la rue…

n’importe où… à l’heure que vous voudrez… pourvu que je vous voie… Je vous saluerai… Je vous dirai : « Je vous aime », et je m’en irai. »

Elle hésitait, éperdue. Et comme le coupé passait la porte de son hôtel, elle murmura très vite :

« Eh bien, j’entrerai à la Trinité, demain, à trois heures et demie. »

Puis, étant descendue, elle cria à son cocher :

« Reconduisez M. Du Roy chez lui. »

Comme il rentrait, sa femme lui demanda :

« Où étais-tu donc passé ? »

Il répondit, à voix basse :

« J’ai été jusqu’au télégraphe pour une dépêche pressée. »

Mme de Marelle s’approchait :

« Vous me reconduisez, Bel-Ami, vous savez que je ne viens dîner si loin qu’à cette condition ? »

Puis se tournant vers Madeleine :

« Tu n’es pas jalouse ? »

Mme Du Roy répondit lentement :

– 366 –

« Non, pas trop. »

Les convives s’en allaient. Mme Laroche Mathieu avait l’air d’une petite bonne de province. C’était la fille d’un notaire, épousée par Laroche qui n’était alors que médiocre avocat.

Mme Rissolin, vieille et prétentieuse, donnait l’idée d’une ancienne sage-femme dont l’éducation se serait faite dans les cabinets de lecture. La vicomtesse de Percemur les regardait du haut. Sa « patte blanche » touchait avec répugnance ces mains communes.

Clotilde, enveloppée de dentelles, dit à Madeleine en franchissant la porte de l’escalier :

« C’était parfait, ton dîner. Tu auras dans quelque temps le premier salon politique de Paris. »

Dès qu’elle fut seule avec Georges, elle le serra dans ses bras :

« Oh ! mon chéri Bel-Ami, je t’aime tous les jours davantage. »