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« Non ! non ! non ! tout de
suite ! tout de suite ! Il le
faut ! Il est là ! Dans cette
église ! Il m’attend. »
Le prêtre demanda :
« Qui est-ce qui vous
attend ?
– Un homme… qui va me
perdre… qui va me prendre,
si
vous ne me sauvez pas… Je
ne
peux plus le fuir…
Je suis trop faible… trop faible… si faible… si faible !… »
Elle s’abattit à ses genoux, et sanglotant :
– 378 –
« Oh ! ayez pitié de moi, mon père ! Sauvez-moi, au nom de Dieu, sauvez-moi ! »
Elle le tenait par sa robe noire pour qu’il ne pût s’échapper ; et lui, inquiet, regardait de tous les côtés si quelque œil malveillant ou dévot ne voyait point cette femme tombée à ses pieds.
Comprenant, enfin, qu’il ne lui échapperait pas :
« Relevez-vous, dit-il, j’ai justement sur moi la clef du confessionnal. » Et fouillant dans sa poche, il en tira un anneau garni de clefs, puis il en choisit une, et il se dirigea, d’un pas rapide, vers les petites cabanes de bois, sorte de boîtes aux ordures de l’âme, où les croyants vident leurs péchés.
Il entra par la porte du milieu qu’il referma sur lui, et Mme Walter, s’étant jetée dans l’étroite case d’à côté, balbutia avec ferveur, avec un élan passionné d’espérance :
« Bénissez-moi, mon père, parce que j’ai péché. »
…………………
Du Roy, ayant fait le tour du chœur, descendit la nef de gauche. Il arrivait au milieu quand il rencontra le gros monsieur chauve, allant toujours de son pas tranquille, et il se demanda :
« Qu’est-ce que ce particulier-là peut bien faire ici ? »
Le promeneur aussi avait ralenti sa marche et regardait Georges avec un désir visible de lui parler. Quand il fut tout près, il salua, et très poliment :
– 379 –
« Je vous demande pardon, monsieur, de vous déranger, mais pourriez-vous me dire à quelle époque a été construit ce monument ? »
Du Roy répondit :
« Ma foi, je n’en sais trop rien, je pense qu’il y a vingt ans, ou vingt-cinq ans. C’est, d’ailleurs, la première fois que j’y entre.
– Moi aussi. Je ne l’avais jamais vu. »
Alors, le journaliste, qu’un intérêt gagnait, reprit :
« Il me semble que vous le visitez avec grand soin. Vous l’étudiez dans ses détails. »
L’autre, avec résignation :
« Je ne le visite pas, monsieur, j’attends ma femme qui m’a donné rendez-vous ici, et qui est fort en retard. »
Puis il se tut, et après quelques secondes :
« Il fait rudement chaud, dehors. »
Du Roy le considérait, lui trouvant une bonne tête, et, tout à coup, il s’imagina qu’il ressemblait à Forestier.
« Vous êtes de la province ? dit-il.
– Oui. Je suis de Rennes. Et vous, monsieur, c’est par curiosité que vous êtes entré dans cette église ?
– Non. J’attends une femme, moi. »
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Et l’ayant salué, le journaliste s’éloigna, le sourire aux lèvres.
En approchant de la grande porte, il revit la pauvresse, toujours à genoux et priant toujours. Il pensa :
« Cristi ! elle a l’invocation tenace. » Il n’était plus ému, il ne la plaignait plus.
Il passa, et, doucement, se mit à remonter la nef de droite pour retrouver Mme Walter.
Il guettait de loin la place où il l’avait laissée, s’étonnant de ne pas l’apercevoir. Il crut s’être trompé de pilier, alla jusqu’au dernier, et revint ensuite. Elle était donc partie ! Il demeurait surpris et furieux. Puis il s’imagina qu’elle le cherchait, et il refit le tour de l’église. Ne l’ayant point trouvée, il retourna s’asseoir sur la chaise qu’elle avait occupée, espérant qu’elle l’y rejoindrait. Et il attendit.
Bientôt un léger murmure de voix éveilla son attention. Il n’avait vu personne dans ce coin de l’église. D’où venait donc ce chuchotement ? Il se leva pour chercher, et il aperçut, dans la chapelle voisine, les portes du confessionnal. Un bout de robe sortait de l’une et traînait sur le pavé. Il s’approcha pour examiner la femme. Il la reconnut. Elle se confessait !…
Il sentit un désir violent de la prendre par les épaules et de l’arracher de cette boîte. Puis il pensa : « Bah ! c’est le tour du curé, ce sera le mien demain. » Et il s’assit tranquillement en face des guichets de la pénitence, attendant son heure, et ricanant, à présent, de l’aventure.