37407.fb2 Bel ami - ?dition illustr?e - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 83

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Il attendit longtemps. Enfin, Mme Walter se releva, se retourna, le vit et vint à lui. Elle avait un visage froid et sévère.

« Monsieur, dit-elle, je vous prie de ne pas m’accompagner, de ne pas me suivre, et de ne plus venir, seul, chez moi. Vous ne seriez point reçu. Adieu ! »

Et elle s’en alla, d’une démarche digne.

Il la laissa s’éloigner, car il avait pour principe de ne jamais forcer les événements. Puis comme le prêtre, un peu troublé, sortait à son tour de son réduit, il marcha droit à lui, et le regardant au fond des yeux, il lui grogna dans le nez :

« Si vous ne portiez point une jupe, vous, quelle paire de soufflets sur votre vilain museau. »

Puis il pivota sur ses talons et sortit de l’église en sifflotant.

Debout sous le portail, le gros monsieur, le chapeau sur la tête et les mains derrière le dos, las d’attendre, parcourait du regard la vaste place et toutes les rues qui s’y rejoignent.

Quand Du Roy passa près de lui, ils se saluèrent.

Le journaliste, se trouvant libre, descendit à La Vie Française. Dès l’entrée, il vit à la mine affairée des garçons qu’il se passait des choses anormales, et il entra brusquement dans le cabinet du directeur.

Le père Walter, debout, nerveux, dictait un article par phrases hachées, donnait, entre deux alinéas, des missions à ses reporters qui l’entouraient, faisait des recommandations à Boisrenard, et décachetait des lettres.

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Quand Du Roy entra, le patron poussa un cri de joie :

« Ah ! quelle chance, voilà Bel-Ami ! »

Il s’arrêta net, un peu confus, et s’excusa :

« Je vous demande pardon de vous avoir appelé ainsi, je suis très troublé par les circonstances. Et puis, j’entends ma femme et mes filles vous nommer « Bel-Ami » du matin au soir, et je finis par en prendre moi-même l’habitude. Vous ne m’en voulez pas ? »

Georges riait :

« Pas du tout. Ce surnom n’a rien qui me déplaise. »

Le père Walter reprit :

« Très bien, alors je vous baptise Bel-Ami comme tout le monde. Eh bien ! voilà, nous avons de gros événements. Le ministère est tombé sur un vote de trois cent dix voix contre cent deux. Nos vacances sont encore remises, remises aux calendes grecques, et nous voici au 28 juillet. L’Espagne se fâche pour le Maroc, c’est ce qui a jeté bas Durand de l’Aine et ses acolytes. Nous sommes dans le pétrin jusqu’au cou. Marrot est chargé de former un nouveau cabinet. Il prend le général Boutin d’Acre à la Guerre et notre ami Laroche-Mathieu aux Affaires étrangères. Il garde lui-même le portefeuille de l’Intérieur, avec la présidence du Conseil. Nous allons devenir une feuille officieuse. Je fais l’article de tête, une simple déclaration de principes, en traçant leur voie aux ministres. »

Le bonhomme sourit et reprit :

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« La voie qu’ils comptent suivre, bien entendu. Mais il me faudrait quelque chose d’intéressant sur la question du Maroc, une actualité, une chronique à effet, à sensation, je ne sais quoi ? Trouvez-moi ça, vous. »

Du Roy réfléchit une seconde puis répondit :

« J’ai votre affaire. Je vous donne une étude sur la situation politique de toute notre colonie africaine, avec la Tunisie à gauche, l’Algérie au milieu, et le Maroc à droite, l’histoire des races qui peuplent ce grand territoire, et le récit d’une excursion sur la frontière marocaine jusqu’à la grande oasis de Figuig où aucun Européen n’a pénétré et qui est la cause du conflit actuel.

Ça vous va-t-il ? »

Le père Walter s’écria :

« Admirable ! Et quel titre ?

– De Tunis à Tanger !

– Superbe. »

Et Du Roy s’en alla fouiller dans la collection de La Vie Française pour retrouver son premier article : « Les Mémoires d’un chasseur d’Afrique », qui, débaptisé, retapé et modifié, ferait admirablement l’affaire, d’un bout à l’autre, puisqu’il y était question de politique coloniale, de la population algérienne et d’une excursion dans la province d’Oran.

En trois quarts d’heure, la chose fut refaite, rafistolée, mise au point, avec une saveur d’actualité et des louanges pour le nouveau cabinet.

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Le directeur, ayant lu l’article, déclara :

« C’est parfait… parfait… parfait. Vous êtes un homme précieux. Tous mes compliments. »

Et Du Roy rentra dîner, enchanté de sa journée, malgré l’échec de la Trinité, car il sentait bien la partie gagnée.

Sa femme, fiévreuse, l’attendait. Elle s’écria en le voyant :

« Tu sais que Laroche est ministre des Affaires étrangères.

– Oui, je viens même de faire un article sur l’Algérie à ce sujet.

– Quoi donc ?

– Tu le connais, le premier que nous ayons écrit ensemble :

« Les Mémoires d’un chasseur d’Afrique », revu et corrigé pour la circonstance. »

Elle sourit.

« Ah ! oui, mais ça va très bien. »

Puis après avoir songé quelques instants :

« J’y pense, cette suite que tu devais faire alors, et que tu as… laissée en route. Nous pouvons nous y mettre à présent. Ça nous donnera une jolie série bien en situation. »

Il répondit en s’asseyant devant son potage :

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« Parfaitement. Rien ne s’y oppose plus, maintenant que ce cocu de Forestier est trépassé. »

Elle répliqua vivement d’un ton sec, blessé :