37407.fb2 Bel ami - ?dition illustr?e - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 85

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– Mais où sommes-nous ?

– Chez moi. C’est mon appartement de garçon que j’ai repris… pour quelques jours… pour avoir un coin où nous puissions nous voir. »

Elle s’était cramponnée au capiton du fiacre, épouvantée à l’idée de ce tête-à-tête, et elle balbutiait :

« Non, non, je ne veux pas ! Je ne veux pas ! »

Il prononça d’une voix énergique :

« Je vous jure de vous respecter. Venez. Vous voyez bien qu’on nous regarde, qu’on va se rassembler autour de nous.

Dépêchez-vous… dépêchez-vous… descendez. »

Et il répéta :

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« Je vous jure de vous respecter. »

Un marchand de vin sur sa porte les regardait d’un air curieux. Elle fut saisie de terreur et s’élança dans la maison.

Elle allait monter l’escalier. Il la retint par le bras :

« C’est ici, au rez-de-chaussée. »

Et il la poussa dans son logis.

Dès qu’il eut refermé la porte, il la saisit comme une proie.

Elle se débattait, luttait, bégayait :

« Oh ! mon Dieu !… oh ! mon Dieu !… »

Il lui baisait le cou, les yeux, les lèvres avec emportement, sans qu’elle pût éviter ses caresses furieuses ; et tout en le repoussant, tout en fuyant sa bouche, elle lui rendait, malgré elle, ses baisers.

Tout d’un coup elle cessa de se débattre, et vaincue, résignée, se laissa dévêtir par lui. Il enlevait une à une, adroitement et vite, toutes les parties de son costume, avec des doigts légers de femme de chambre.

Elle lui avait arraché des mains son corsage pour se cacher la figure dedans, et elle demeurait debout, toute blanche, au milieu de ses robes abattues à ses pieds.

Il lui laissa ses bottines et l’emporta dans ses bras vers le lit.

Alors, elle lui murmura à l’oreille, d’une voix brisée : « Je vous jure… je vous jure… que je n’ai jamais eu d’amant. » Comme une jeune fille aurait dit : « Je vous jure que je suis vierge. »

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Et il pensait : « Voilà ce qui m’est bien égal, par exemple. »

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– V –

L’automne était venu. Les Du Roy avaient passé à Paris tout l’été, menant une campagne énergique dans La Vie Française en faveur du nouveau cabinet pendant les courtes vacances des députés.

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Quoiqu’on fût seulement dans les premiers jours d’octobre, les Chambres allaient reprendre leurs séances, car les affaires du Maroc devenaient menaçantes.

Personne, au fond, ne croyait à une expédition vers Tanger, bien que, le jour de la séparation du Parlement, un député de la droite, le comte de Lambert-Sarrazin, dans un discours plein d’esprit, applaudi même par les centres, eût offert de parier et de donner en gage sa moustache, comme avait fait jadis un célèbre vice-roi des Indes, contre les favoris du chef du Conseil, que le nouveau cabinet ne se pourrait tenir d’imiter l’ancien et d’envoyer une armée à Tanger, en pendant à celle de Tunis, par amour de la symétrie, comme on met deux vases sur une cheminée. Il avait ajouté : « La terre d’Afrique est en effet une cheminée pour la France, messieurs, une cheminée qui brûle notre meilleur bois, une cheminée à grand tirage qu’on allume avec le papier de la Banque. »

« Vous vous êtes offert la fantaisie artiste d’orner l’angle de gauche d’un bibelot tunisien qui vous coûte cher, vous verrez que M. Marrot va vouloir imiter son prédécesseur et orner l’angle de droite avec un bibelot marocain. »

Ce discours, demeuré célèbre, avait servi de thème à Du Roy pour dix articles sur la colonie algérienne, pour toute sa série interrompue lors de ses débuts au journal, et il avait soutenu énergiquement l’idée d’une expédition militaire, bien qu’il fût convaincu qu’elle n’aurait pas lieu. Il avait fait vibrer la corde patriotique et bombardé l’Espagne avec tout l’arsenal d’arguments méprisants qu’on emploie contre les peuples dont les intérêts sont contraires aux vôtres.

La Vie Française avait gagné une importance considérable à ses attaches connues avec le pouvoir. Elle donnait, avant les feuilles les plus sérieuses, les nouvelles politiques, indiquait par des nuances les intentions des ministres, ses amis ; et tous les

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journaux de Paris et de la province cherchaient chez elle leurs informations. On la citait, on la redoutait, on commençait à la respecter. Ce n’était plus l’organe suspect d’un groupe de tripoteurs politiques, mais l’organe avoué du cabinet. Laroche-Mathieu était l’âme du journal et Du Roy son porte-voix. Le père Walter, député muet et directeur cauteleux, sachant s’effacer, s’occupait dans l’ombre, disait-on, d’une grosse affaire de mines de cuivre, au Maroc.

Le salon de Madeleine était devenu un centre influent, où se réunissaient chaque semaine plusieurs membres du cabinet. Le président du Conseil avait même dîné deux fois chez elle ; et les femmes des hommes d’État, qui hésitaient autrefois à franchir sa porte, se vantaient à présent d’être ses amies, lui faisant plus de visites qu’elles n’en recevaient d’elle.

Le ministre des Affaires étrangères régnait presque en maître dans la maison. Il y venait à toute heure, apportant des dépêches, des renseignements, des informations qu’il dictait soit au mari, soit à la femme, comme s’ils eussent été ses secrétaires.

Quand Du Roy, après le départ du ministre, demeurait seul en face de Madeleine, il s’emportait, avec des menaces dans la voix, et des insinuations perfides dans les paroles, contre les allures de ce médiocre parvenu.

Mais elle haussait les épaules avec mépris, répétant :

« Fais-en autant que lui, toi. Deviens ministre ; et tu pourras faire ta tête. Jusque-là, tais-toi. »

Il frisait sa moustache en la regardant de côté.

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« On ne sait pas de quoi je suis capable, disait-il, on l’apprendra peut-être, un jour. »

Elle répondait avec philosophie :

« Qui vivra, verra. »

Le matin de la rentrée des Chambres, la jeune femme, encore au lit, faisait mille recommandations à son mari, qui s’habillait afin d’aller déjeuner chez M. Laroche-Mathieu et de

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recevoir ses instructions avant la séance, pour l’article politique du lendemain dans La Vie Française, cet article devant être une sorte de déclaration officieuse des projets réels du cabinet.