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– Sais-tu ce qu’il avait à peu près ?
– Non, pas au juste. Un ou deux millions, peut-être ? »
Il ne dit plus rien. Elle souffla la bougie. Et ils demeurèrent étendus côte à côte dans la nuit, silencieux, éveillés et songeant.
Il n’avait plus envie de dormir. Il trouvait maigres maintenant les soixante-dix mille francs promis par Mme Walter. Soudain il crut que Madeleine pleurait. Il demanda pour s’en assurer :
« Dors-tu ?
– Non. »
Elle avait la voix mouillée et tremblante. Il reprit :
« J’ai oublié de te dire tantôt que ton ministre nous a fichus dedans.
– Comment ça ? »
Et il lui conta, tout au long, avec tous les détails, la combinaison préparée entre Laroche et Walter.
Quand il eut fini, elle demanda :
« Comment sais-tu ça ? »
Il répondit :
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« Tu me permettras de ne point te le dire. Tu as tes procédés d’information que je ne pénètre point. J’ai les miens que je désire garder. Je réponds en tout cas de l’exactitude de mes renseignements. »
Alors elle murmura :
« Oui, c’est possible… Je me doutais qu’ils faisaient quelque chose sans nous. »
Mais Georges que le sommeil ne gagnait pas, s’était rapproché de sa femme, et, doucement, il lui baisa l’oreille. Elle le repoussa avec vivacité :
« Je t’en prie, laisse-moi tranquille, n’est-ce pas ? Je ne suis point d’humeur à batifoler. »
Il se retourna, résigné, vers le mur, et, ayant fermé les yeux, il finit par s’endormir.
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– VI –
L’église était tendue de noir, et, sur le portail, un grand écusson coiffé d’une couronne annonçait aux passants qu’on enterrait un gentilhomme.
La cérémonie venait de finir, les assistants s’en allaient lentement, défilant devant le cercueil et devant le neveu du comte de Vaudrec, qui serrait les mains et rendait les saluts.
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Quand Georges Du Roy et sa femme furent sortis, ils se mirent à marcher côte à côte, pour rentrer chez eux. Ils se taisaient, préoccupés.
Enfin, Georges prononça, comme parlant à lui-même :
« Vraiment, c’est bien étonnant ! »
Madeleine demanda :
« Quoi donc, mon ami ?
– Que Vaudrec ne nous ait rien laissé ! »
Elle rougit brusquement, comme si un voile rose se fût étendu tout à coup sur sa peau blanche, en montant de la gorge au visage, et elle dit :
« Pourquoi nous aurait-il laissé quelque chose ? Il n’y avait aucune raison pour ça ! »
Puis, après quelques instants de silence, elle reprit :
« Il existe peut-être un testament chez un notaire. Nous ne saurions rien encore. »
Il réfléchit, puis murmura :
« Oui, c’est probable, car, enfin, c’était notre meilleur ami, à tous les deux. Il dînait deux fois par semaine à la maison, il venait à tout moment. Il était chez lui chez nous, tout à fait chez lui. Il t’aimait comme un père, et il n’avait pas de famille, pas d’enfants, pas de frères ni de sœurs, rien qu’un neveu, un neveu éloigné. Oui, il doit y avoir un testament. Je ne tiendrais pas à
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grand-chose, un souvenir, pour prouver qu’il a pensé à nous, qu’il nous aimait, qu’il reconnaissait l’affection que nous avions pour lui. Il nous devait bien une marque d’amitié. »
Elle dit, d’un air pensif et indifférent :
« C’est possible, en effet, qu’il y ait un testament. »
Comme ils rentraient chez eux, le domestique présenta une lettre à Madeleine. Elle l’ouvrit, puis la tendit à son mari.
Étude de Maître Lamaneur
Notaire
17, rue des Vosges
Madame,