37576.fb2 CITADELLE - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 48

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Ne t'en va pas, cherchant des îles à musique, comme un cadeau tout fait, offert par la mer — et la mer brode autour sa dentelle blanche — car tu ne les trouveras point, si même je te dépose sur le sable de leur couronne, si je ne t'ai d'abord soumis au cérémonial de la mer. De t'y réveiller sans effort, tu ne puiseras rien aux seins de ses filles que le pouvoir d'y oublier l'amour. Tu iras d'oubli en oubli, de mort en mort… et tu me diras, de l'île à musique: «Qu'était-il là-bas qui valût de vivre?» quand la même bien enseignée, te fait qu'un équipage entier accepte, par amour pour elle, le risque de mort.

Te sauver n'est point t'enrichir ni rien te donner qui soit pour toi-même. Mais bien te soumettre, comme à une épouse, au devoir d'un jeu.

Ah! ma solitude m'est sensible quand le désert n'a point de repas à m'offrir. Que ferai-je du sable s'il n'est point d'oasis inaccessible qui le parfume? Que ferai-je des limites de l'horizon s'il n'est point frontière de coutume barbare? Que ferai-je du vent s'il n'est point lourd de conciliabules lointains? Que ferai-je des matériaux qui ne servent point un visage? Mais nous nous assoirons sur le sable. Je te parlerai sur ton désert et je t'en montrerai tel visage non tel autre. Et tu seras changé car tu dépends du monde. Demeures-tu le même, quand te voilà assis dans la chambre de ta maison, si je t'annonce qu'elle brûle? Si te voilà qui entends le pas bien-aimé? Et cela même si elle ne marche point vers toi. Ne me dis pas que je prêche l'illusion. Je ne te demande point de croire, mais de lire. Qu'est-ce que la partie sans le tout? Qu'est-ce que la pierre sans le temple? Qu'est-ce que l'oasis sans le désert? Et si tu habites le centre de l'île et si tu veux t'y reconnaître, faut bien que je sois là pour te dire la mer! Et si tu habites ce sable, faut bien que je sois là pour te raconter ce mariage lointain, cette aventure, cette captive délivrée, cette marche des ennemis. Et, de ce mariage sous les tentes lointaines, il est faux de me dire qu'il ne répand pas sur ton désert sa lumière de cérémonie, car où s'arrête son pouvoir?

Je te parlerai selon tes coutumes et les lignes de pente de ton cœur. Et mes dons seront signification des choses, et route lue à travers, et soif qui engage sur la route. Et moi le roi, je te ferai don du seul rosier qui te puisse augmenter car j'en exigerai la rose. Dès lors voilà construit pour toi l'escalier vers ta délivrance. Tu seras d'abord piocheur de terre, bêcheur de terre, et tu te lèveras matin pour arroser. Et tu surveilleras ton œuvre et la protégeras contre les vers et les chenilles. Puis te sera pathétique le bouton qui s'en ouvrira, et viendra la fête, la rose éclose, qui sera pour toi de la cueillir. Et l'ayant cueillie, de me la tendre. Je la recevrai de tes mains et tu attendras. Tu n'avais que faire d'une rose. Tu l'as échangée contre mon sourire… et te voilà qui retournes vers ta maison, ensoleillé par le sourire de ton roi.

CLXXXVI

Ceux-là n'ont point le sens du temps. Ils veulent cueillir des fleurs, lesquelles ne sont point devenues: et il n'est point de fleurs. Ou bien ils en trouvent une éclose ailleurs, laquelle n'est point pour eux aboutissement du cérémonial du rosier, mais ni plus ni moins qu'objet de bazar. Et quel plaisir leur procurerait-elle?

Moi, je m'achemine vers le jardin. Il laisse dans le vent le sillage d'un navire chargé de citrons doux, ou d'une caravane pour les mandarines, ou encore de l'île à gagner qui embaume la mer.

J'ai reçu non une provision mais une promesse. Il en est du jardin comme de la colonie à conquérir ou de l'épouse non encore possédée mais qui ploie dans les bras. Le jardin s'offre à moi. Il est, derrière le petit mur, une patrie de mandariniers et de citronniers où sera reçue ma promenade. Cependant nul n'habite en permanence ni l'odeur des citronniers, ni celle des mandariniers, ni le sourire. Pour moi qui sais, tout conserve une signification. J'attends l'heure du jardin ou de l'épouse.

Ceux-là ne savent point attendre et ne comprendront aucun poème, car leur est ennemi le temps qui répare le désir, habille la fleur ou mûrit le fruit. Ils cherchent à tirer leur plaisir des objets, quand il ne se tire que de la route qui se lit au travers. Moi je vais, je vais, et je vais. Et quand me voici dans le jardin qui m'est une patrie d'odeurs, je m'assieds sur le banc. Je regarde. Il est des feuilles qui s'envolent et des fleurs qui se fanent. Je sens tout qui meurt et se recompose. Je n'en éprouve point de deuil. Je suis vigilance, comme en haute mer. Non patience, car il ne s'agit point d'un but, le plaisir étant de la marche. Nous allons, mon jardin et moi, des fleurs vers les fruits. Mais à travers les fruits vers les graines. Et à travers les graines vers les fleurs de l'année prochaine. Je ne me trompe point sur les objets. Ils ne sont jamais qu'objets d'un culte. Je touche aux instruments du cérémonial et leur trouve couleur de prière. Mais ceux-là qui ignorent le temps butent contre. L'enfant lui-même leur devient un objet qu'ils ne saisissent point dans sa perfection (car il est chemin pour un Dieu que l'on ne saurait retenir). Ils le voudraient fixer dans sa grâce enfantine comme s'il était des provisions. Mais moi, si je croise un enfant, je le vois qui tente un sourire et qui rougit et cherche à fuir. Je connais ce qui le déchire. Et je pose la main sur son front, comme pour calmer la mer.

Ceux-là te disent: «Je suis celui-ci. Tel ou tel. Je possède ceci ou cela.» Ils ne te disent point: «Je suis scieur de planches, je suis passage de l'arbre en voie de devenir marié pour la mer. Je suis en marche d'une fête vers l'autre. Père devenu et à devenir, car est féconde mon épouse. Je suis jardinier pour printemps car il use de moi, de ma bêche et de mon râteau. Je suis celui qui vais vers.» Car ceux-là ne vont nulle part. Et la mort ne leur sera point port pour navire.

Ceux-là dans la famine te diront: «Je ne mange point. Mon ventre se fatigue. Et d'entendre mes voisins eux-mêmes parler des fatigues de leur ventre, j'en ai l'âme aussi qui se fatigue.» Car ils ne connaissent point, de la souffrance, qu'elle est marche vers une guérison, ou arrachement d'avec les morts, ou signe d'une mue nécessaire, ou appel pathétique vers la solution d'un litige. Il n'est pour eux ni mue, ni solution, ni guérison promise, ni deuil. Mais le seul inconfort de l'instant qui est de souffrance. De même que, quand il est de joie, la maigre joie que tu puisses tirer de l'instant, comme de satisfaire tes appétits ou ton désir, est la seule que tu saches goûter, et non celle qui vaut pour l'homme, laquelle te vient de te reconnaître tout à coup comme chemin, véhicule et charroi pour le conducteur des conducteurs.

La signification de la caravane ne se lit point dans les pas monotones qui, l'un après l'autre, se ressemblent. Mais si tu tires sur la corde pour serrer tel nœud qui se dénoue, si tu exhortes les traînards, si tu prépares le campement nocturne, si tu verses à boire à tes bêtes, te voilà entré déjà dans les rites du cérémonial de l'amour, ni plus ni moins que, plus loin, de pénétrer sous la palmeraie, quand la couronne de l'oasis t'aura clos ton voyage, ni plus ni moins que de déambuler déjà dans la ville dont d'abord ne t'apparaî-tront que les murs bas des quartiers pauvres, cependant rayonnants déjà de ce qu'ils sont de la ville où règne ton dieu.

Car il n'est point de distance où ton dieu se fatigue de régner. Et d'abord tu le reconnais dans les silex et dans les ronces. Ils sont objets du culte et matériaux de son élévation. Ni plus ni moins que les marches de l'escalier qui mène à la chambre de l'épouse. Ni plus ni moins que les mots quelconques pour le poème. Ils sont ingrédients de ta magie, car, de suer contre ou de t'y écorcher les genoux, tu prépares l'apparition de la ville. Tu trouves déjà qu'ils lui ressemblent, à la façon dont le fruit ressemble au soleil, ou les empreintes dans la glaise à quelque mouvement du cœur du sculpteur qui l'aura pétrie. Tu connais déjà qu'au trentième jour tes silex livreront leur marbre, tes chardons leurs rosés, ton aridité ses fontaines. Comment te lasserais-tu de ta création puisque tu connais que, de pas en pas, tu construis ta ville? Moi, j'ai toujours dit à mes chameliers, quand ils semblaient las, qu'ils bâtissaient une ville aux citernes bleues et qu'ils plantaient des mandariniers à mandarines, ni plus ni moins que des charrieurs de pierres ou des jardiniers. Je leur disais: «Vous faites des gestes de cérémonie. Vous commencez de réveiller la ville absente. A travers vos matériaux vous sculptez dans leur grâce les filles tendres. C'est pourquoi vos silex et vos ronces ont déjà parfum de chair bien-aimée.»

Mais les autres lisent l'usuel. Myopes et le nez contre, ils ne voient du navire que ce clou dans la planche. De la caravane dans le désert ils ne voient que ce pas et ce pas et ce pas. Et toute femme leur est prostituée, car ils se l'accordent comme cadeau et signification de l'instant, alors qu'il eût fallu l'atteindre par la voie des silex et des ronces, par l'approche des palmeraies, par le geste du doigt qui heurte doucement la porte. Lequel, quand on vient de si loin, est miracle pour réveil d'un mort.

Ah! alors seulement elle te sera éclose et ranimée de la poussière du temps, extraite lentement de tes nuits solitaires, parfum qui vient de se délivrer, jeunesse du monde une fois encore pour toi-même recommencée. Et commencera pour vous l'amour. Ceux-là seuls ont reçu quelque récompense des gazelles qui les ont lentement apprivoisées.

J'ai haï leur intelligence qui n'était que de comptable. Et qui n'observait rien sinon le bilan misérable des choses épuisées dans l'instant. Si tu vas le long des remparts tu vois ainsi une pierre, une pierre, une autre pierre. Mais il en est qui ont le sens du temps. Ils ne se heurtent ni contre cette pierre-ci, ni contre cette autre. Ils ne regrettent point telle pierre, ni n'espèrent recevoir leur dû de telle pierre prochaine parmi d'autres. Ils font simplement le tour de la ville.

CLXXXVII

Je suis celui qui habite. Je vous prends nus sur la terre froide.

Ô peuple désolé, égaré dans la nuit, moisissure des craquelures de l'écorce qui retiennent encore un peu d'eau au versant des montagnes, vers le désert.

Je vous ai dit: «Voici Orion et la Grande Ourse et l'Étoile du Nord. Et vous avez reconnu vos étoiles, ainsi vous vous dites l'un à l'autre: voici la Grande Ourse, voici Orion et l'Étoile du Nord» et, de pouvoir vous dire: «J'ai fait sept jours de marche dans la direction de la Grande Ourse» et de vous comprendre l'un l'autre, voici que vous habitez quelque part.

Ainsi du palais de mon père. «Cours, me disait-on quand j'étais enfant, chercher des fruits dans le cellier…» et l'on m'en réveillait, rien qu'à prononcer ce mot, l'odeur. Et je partais vers la patrie des figues mûres.

Et si je te dis «l'Étoile du Nord», te voilà qui vires tout entier, en toi-même, comme orienté, et tu entends le cliquetis d'armes des tribus du Nord.

Et si j'ai choisi la table calcaire de l'Est pour la fête, et la saline du Sud pour les supplices — et si de ce lot de palmiers j'ai fait repos et aubergerie pour les caravanes — alors te voilà qui t'y reconnais dans ta maison.

Tu voulais réduire ce puits à son usage, lequel est de procurer l'eau. Mais l'eau n'est rien qui n'est d'absence d'eau. Et ce n'est point exister encore que de ne point mourir de soif.

Celui-là habitera mieux qui, faute d'eau, sèche dans le désert, et rêvant d'un puits qu'il connaît, dont il entend dans son délire grincer la poulie et craquer la corde, que celui-là qui, de ne point ressentir la soif, ignore simplement qu'il est des puits tendres, vers où conduisent les étoiles.

Je n'honore point ta soif de ce qu'elle enrichit ton eau d'une importance charnelle, mais de ce qu'elle t'oblige à lire les étoiles, et le vent, et les traces de ton ennemi sur le sable. C'est pourquoi essentiel il est que tu comprennes que caricature de la vie serait, pour t'animer, de te refuser le droit de boire car alors simplement j'exalterais ton ventre au désir de l'eau, mais qu'il importe simplement que je te soumette, si tu désires t'abreuver, au cérémonial de la marche sous les étoiles et de la manivelle rouillée qui est cantique, qui rend ainsi de ton acte signification de prière, afin que l'aliment pour ton ventre se fasse aliment pour ton cœur.

Tu n'es point bétail dans l'étable. Tu changes l'étable contre une autre, la mangeoire est la même, la même la litière de paille. Et le bétail ne s'y trouve ni mieux ni plus mal. Mais pour toi le repas, s'il est pour ton ventre, est aussi pour ton cœur. Et si tu meurs de faim et que l'ami t'ouvre sa porte et te pousse contre sa table et pour toi remplisse la jarre de lait et rompe le pain, c'est le sourire que tu bois, car le repas a vertu de cérémonial. Te voilà certes rassasié, mais s'épanouit aussi ta gratitude pour la bonne volonté des hommes.

Je veux que le pain soit de ton ami, et le lait de la maternité de ta tribu. Je veux que la farine d'orge soit de la fête des moissons. Et l'eau d'un chant de poulie ou d'une direction sous les étoiles.

Je l'ai remarqué de mes soldats dont j'aime qu'ils soient aimantés et vivants comme l'aiguille de fer sur les navires. Et ce n'est point pour les déposséder des biens du monde que je les préfère liés à l'épouse et d'une chasteté mesurée, car leur chair alors les tire vers elle et ils reconnaissent le nord du sud et l'est de l'ouest, et il est de même une étoile qui est direction bien-aimée.

Mais si la terre leur est comme un grand quartier réservé où l'on frappe à la porte de hasard pour éteindre en soi le goût de l'amour, si toutes leur sont complaisantes, de ne point distinguer de chemin et d'être installés sans direction sur l'écorce nue de la terre, ils n'habitent plus nulle part.

Ainsi mon père ayant rassasié, abreuvé et nourri de filles ses Berbères, en fit bétail désespéré.

Mais je suis celui qui habite, et tu ne toucheras ta femme qu'une fois tes noces célébrées, afin que ton lit soit victoire. Et, certes, il en est qui mourront d'amour faute de se pouvoir joindre, mais les morts pour l'amour seront ainsi condition de l'amour, et si de plaindre ceux qui s'aiment me voilà qui les favorise contre les digues et les remparts et le cérémonial qui fonde le visage de l'amour, ce n'est point l'amour que je leur accorde mais le droit d'oublier l'amour.

Non moins fou je serais que si, sous prétexte qu'il n'est point de l'espérance de tous de posséder un diamant, j'ordonnais que les diamants fussent tous jetés dans la fournaise, afin de sauver l'homme de la cruauté de son désir.

S'ils désirent une femme à aimer, me faut bien leur sauver l'amour.

Je suis celui qui habite. Je suis pôle aimanté. Je suis graine de l'arbre et ligne de force dans le silence afin que soient un tronc, des racines et des branches et tels fleur et fruit et non d'autres, tel empire et non un autre, tel amour et non un autre, non point par refus ni mépris des autres, mais parce que l'amour n'est point une essence trouvée comme objet parmi des objets, mais couronnement d'un cérémonial comme il en est de l'essence de l'arbre, lequel domine son essentielle diversité. Je suis la signification des matériaux. Je suis basilique et sens des pierres.

CLXXXVIII

N'est rien à espérer si te voilà aveugle à cette lumière qui n'est point des choses mais du sens des choses. Et je te retrouve devant ta porte:

«Que fais-tu là?»

Et tu ne sais, et te plains de la vie.

«La vie ne m'apporte plus rien. Dort ma femme, repose mon âne, mûrit mon blé. Je ne suis rien qu'attente stupide et m'y ennuie.»

Enfant sans jeu qui ne sait plus lire à travers. Je m'assieds près de toi et t'enseigne. Tu baignes dans le temps perdu, et t'assiège l'angoisse de ne point devenir.

Car d'autres disent: «Il faut un but.» Ta nage est belle qui te crée un rivage lentement désenseveli de la mer. Et la poulie grinçante qui te crée l'eau à boire. Ainsi du blé doré qui est rivage du noir labour. Ainsi du sourire de l'enfant qui est rivage de l'amour domestique. Ainsi du vêtement au filigrane d'or lentement cousu pour la fête. Et que deviens-tu en toi-même si tu tournes la manivelle pour le seul bruit de la poulie, si tu couds le vêtement pour le vêtement, si tu fais l'amour pour l'amour? Vite ils s'épuisent, car ils n'ont rien à te donner.

Mais je te l'ai dit de mon bagne où j'enferme ceux qui n'ont plus qualité d'homme. Et leur coup de pioche vaut pour la pioche. Et ils te donnent ce coup de pioche après ce coup de pioche. Et rien ne change de leur substance. Nage sans rivage et qui tourne en rond. Et il n'est point de création, ils ne sont point route et charroi vers quelque lumière. Mais, que soient le même soleil, la même route dure, la même sueur, mais que te soit donné d'extraire une fois l'an le diamant pur, et te voilà religieux dans ta lumière. Car ton coup de pioche a sens de diamant qui n'est point de la même nature. Et te voilà dans la paix de l'arbre et le sens de la vie, lequel est de t'élever d'étage en étage à la gloire de Dieu.

Tu laboures pour le blé et tu couds pour la fête et tu brises la gangue pour le diamant. Et ceux-là qui te semblent heureux que possèdent-ils de plus que toi sinon la connaissance du nœud divin qui noue les choses?

Tu ne trouveras point la paix si tu ne transformes rien selon toi. Si tu ne te fais véhicule, voie et charroi. Alors seulement circule le sang dans l'empire. Mais tu te veux considéré et honoré pour toi-même. Et tu prétends arracher au monde quelque chose à saisir qui soit pour toi. Et tu ne trouveras rien car tu n'es rien. Et tu jettes tes objets en vrac dans la fosse à ordures.

Tu attendais l'apparition venue du dehors, comme un archange qui t'eût ressemblé. Et qu'eusses-tu tiré de sa visite plus que de celle du voisin? Mais, d'avoir remarqué que ne sont point les mêmes tel qui marche vers l'enfant malade, tel qui marche vers la bien-aimée, tel qui marche vers la maison vide, bien que dans l'instant ils paraissent semblables, je me fais rendez-vous ou rivage, au travers des choses qui sont, et tout est changé. Je me fais blé au-delà du labour, homme au-delà de l'enfant, fontaine au-delà du désert, diamant au-delà de la sueur.

Je te contrains de bâtir en toi une maison.

La maison faite, vient l'habitant qui brûle ton cœur.

CLXXXIX

Mon peuple bien-aimé, me vint ce litige quand je me reposais sur la montagne qui me faisait comme un manteau de pierre. Incendie lent dont ne m'atteignaient plus que la fumée et la lumière. «Vers où vont-ils? Où les dois-je conduire, Seigneur? Si j'administre, ils se ressembleront à eux-mêmes. Je ne connais point de gestion, Seigneur, qui ne durcisse l'objet de sa gérance. Et que ferais-je d'une graine si elle ne va vers l'arbre? Et que ferais-je d'un fleuve s'il ne va vers la mer? Et d'un sourire, Seigneur, s'il ne va vers l'amour?