37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 100

Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 100

finirent par s'ennuyer de leur rancune, et un beau soir la Corilla,

ayant chanté avec feu, fut unanimement rappelée. Elle reparut,

entraînant avec elle Anzoleto, qu'on ne redemandait pas, et qui semblait

céder à une douce violence d'un air modeste et craintif. Il reçut sa

part des applaudissements, et fut rappelé le lendemain. Enfin, avant

qu'un mois se fût écoulé, Consuelo était oubliée, comme l'éclair qui

traverse un ciel d'été. Corilla faisait fureur comme auparavant, et le

méritait peut-être davantage; car l'émulation lui avait donné plus

d'_entrain_, et l'amour lui inspirait parfois une expression mieux

sentie. Quant à Anzoleto, quoiqu'il n'eût point perdu ses défauts, il

avait réussi à déployer ses incontestables qualités. On s'était habitué

aux uns, et on admirait les autres. Sa personne charmante fascinait les

femmes: on se l'arrachait dans les salons, d'autant plus que la jalousie

de Corilla donnait plus de piquant aux coquetteries dont il était

l'objet. La Clorinda aussi développait ses moyens au théâtre,

c'est-à-dire sa lourde beauté et la nonchalance lascive d'une stupidité

sans exemple, mais non sans attrait pour une certaine fraction des

spectateurs. Zustiniani, pour se distraire d'un chagrin assez profond,

en avait fait sa maîtresse, la couvrait de diamants, et la poussait aux

premiers rôles, espérant la faire succéder dans cet emploi à la Corilla,

qui s'était définitivement engagée avec Paris pour la saison suivante.

Corilla voyait sans dépit cette concurrence dont elle n'avait rien à

craindre, ni dans le présent, ni dans l'avenir; elle prenait même un

méchant plaisir à faire ressortir cette incapacité froidement impudente

qui ne reculait devant rien. Ces deux créatures vivaient donc en bonne

intelligence, et gouvernaient souverainement l'administration. Elles

mettaient à l'index toute partition sérieuse, et se vengeaient du

Porpora en refusant ses opéras pour accepter et faire briller ses plus

indignes rivaux. Elles s'entendaient pour nuire à tout ce qui leur

déplaisait, pour protéger tout ce qui s'humiliait devant leur pouvoir.

Grâce à elles, on applaudit cette année-là à Venise les oeuvres de la

décadence, et on oublia que la vraie, la grande musique y avait régné

naguère.

Au milieu de son succès et de sa prospérité (car le comte lui avait fait

un engagement assez avantageux), Anzoleto était accablé d'un profond

dégoût, et succombait sous le poids d'un bonheur déplorable. C'était

pitié de le voir se traîner aux répétitions, attaché au bras de la

triomphante Corilla, pâle, languissant, beau comme un ange, ridicule de

fatuité, ennuyé comme un homme qu'on adore, anéanti et débraillé sous

les lauriers et les myrtes qu'il avait si aisément et si largement

cueillis. Même aux représentations, lorsqu'il était en scène avec sa

fougueuse amante, il cédait au besoin de protester contre elle par son

attitude superbe et sa langueur impertinente. Lorsqu'elle le dévorait

des yeux, il semblait, par ses regards, dire au public: N'allez pas

croire que je réponde à tant d'amour. Qui m'en délivrera, au contraire,

me rendra un grand service.

Le fait est qu'Anzoleto, gâté et corrompu par la Corilla, tournait

contre elle les instincts d'égoïsme et d'ingratitude qu'elle lui

suggérait contre le monde entier. Il ne lui restait plus dans le coeur

qu'un sentiment vrai et pur dans son essence: l'indestructible amour