37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 103

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complicité avec ses ennemis. Mais le comte Christian, ayant eu l'honneur

de recevoir l'impératrice dans son château, lui avait donné de la

conduite de son fils des excuses dont elle avait paru satisfaite. De

l'entretien de Marie-Thérèse avec le comte de Rudolstadt, rien n'avait

transpiré. Un mystère étrange régnait dans le sanctuaire de cette

famille dévote et bienfaisante, que, depuis dix ans, aucun voisin ne

fréquentait assidûment; qu'aucune affaire, aucun plaisir, aucune

agitation politique ne faisait sortir de ses domaines; qui payait

largement, et sans murmurer, tous les subsides de la guerre, ne montrant

aucune agitation au milieu des dangers et des malheurs publics; qui,

enfin, ne semblait plus vivre de la même vie que les autres nobles, et

de laquelle on se méfiait, bien qu'on n'eût jamais eu à enregistrer de

ses faits extérieurs que de bonnes actions et de nobles procédés. Ne

sachant à quoi attribuer cette vie froide et retirée, on accusait les

Rudolstadt, tantôt de misanthropie, tantôt d'avarice; mais comme, à

chaque instant, leur conduite donnait un démenti à ces imputations, on

était réduit à leur reprocher simplement trop d'apathie et de

nonchalance. On disait que le comte Christian n'avait pas voulu exposer

les jours de son fils unique, dernier héritier de son nom, dans ces

guerres désastreuses, et que l'impératrice avait accepté, en échange de

ses services militaires, une somme d'argent assez forte pour équiper un

régiment de hussards. Les nobles dames qui avaient des filles à marier

disaient que le comte avait fort bien agi; mais lorsqu'elles apprirent

la résolution que semblait manifester Christian de marier son fils dans

sa propre famille, en lui faisant épouser la fille du baron Frédérick,

son frère; quand elles surent que la jeune baronne Amélie venait de

quitter le couvent où elle avait été élevée à Prague, pour habiter

désormais, auprès de son cousin, le château des Géants, ces nobles dames

déclarèrent unanimement que la famille des Rudolstadt était une tanière

de loups, tous plus insociables et plus sauvages les uns que les autres.

Quelques serviteurs incorruptibles et quelques amis dévoués surent seuls

le secret de la famille, et le gardèrent fidèlement.

Cette noble famille était rassemblée un soir autour d'une table chargée

à profusion de gibier et de ces mets substantiels dont nos aïeux se

nourrissaient encore à cette époque dans les pays slaves, en dépit des

raffinements que la cour de Louis XV avait introduits dans les habitudes

aristocratiques d'une grande partie de l'Europe. Un poêle immense, où

brûlaient des chênes tout entiers, réchauffait la salle vaste et sombre.

Le comte Christian venait d'achever à voix haute le _Benedicite_, que

les autres membres de la famille avaient écouté debout. De nombreux

serviteurs, tous vieux et graves, en costume du pays, en larges culottes

de Mameluks, et en longues moustaches, se pressaient lentement autour de

leurs maîtres révérés. Le chapelain du château s'assit à la droite du

comte, et sa nièce, la jeune baronne Amélie, à sa gauche, le _côté du

coeur_, comme il affectait de le dire avec un air de galanterie austère

et paternelle. Le baron Frédérick, son frère puîné, qu'il appelait

toujours son jeune frère, parce qu'il n'avait guère que soixante ans, se

plaça en face de lui. La chanoinesse Wenceslawa de Rudolstadt, sa soeur

aînée, respectable personnage sexagénaire affligé d'une bosse énorme et

d'une maigreur effrayante, s'assit à un bout de la table, et le comte