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--Certainement, certainement, dit la chanoinesse Wenceslawa, partagée
entre la crainte de voir les habitudes de la famille dérangées par
l'arrivée d'une étrangère, et le désir d'exercer noblement les devoirs
de l'hospitalité: il faudra la bien recevoir, la bien traiter ... Pourvu
qu'elle ne s'ennuie pas ici!...
--Mais, mon oncle, où donc est ma future amie, ma précieuse maîtresse?
s'écria la jeune baronne sans écouter les réflexions de sa tante. Sans
doute elle va arriver bientôt en personne?... Je l'attends avec une
impatience ...»
Le comte Christian sonna. «Hanz, dit-il au vieux serviteur, par qui
cette lettre vous a-t-elle été remise?
--Par une dame, monseigneur maître.
--Elle est déjà ici? s'écria Amélie. Où donc, où donc?
--Dans sa chaise de poste, à l'entrée du pont-levis.
--Et vous l'avez laissée se morfondre à la porte du château, au lieu de
l'introduire tout de suite au salon?
--Oui, madame la baronne, j'ai pris la lettre; j'ai défendu au postillon
de mettre le pied hors de l'étrier, ni de quitter ses rênes. J'ai fait
relever le pont derrière moi, et j'ai remis la lettre à monseigneur
maître.
--Mais c'est absurde, impardonnable, de faire attendre ainsi par le
mauvais temps les hôtes qui nous arrivent! Ne dirait-on pas que nous
sommes dans une forteresse, et que tous les gens qui en approchent sont
des ennemis! Courez donc, Hanz!»
Hanz resta, immobile comme une statue. Ses yeux seuls exprimaient le
regret de ne pouvoir obéir aux désirs de sa jeune maîtresse; mais un
boulet de canon passant sur sa tête n'eût pas dérangé d'une ligne
l'attitude impassible dans laquelle il attendait les ordres souverains
de son vieux maître.
«Le fidèle Hanz ne connaît que son devoir et sa consigne, ma chère
enfant, dit enfin le comte Christian avec une lenteur qui fit bouillir
le sang de la baronne. Maintenant, Hanz, allez faire ouvrir la grille et
baisser le pont. Que tout le monde aille avec des flambeaux recevoir la
voyageuse; qu'elle soit ici la bienvenue!»
Hanz ne montra pas la moindre surprise d'avoir à introduire d'emblée une
inconnue dans cette maison, où les parents les plus proches et les amis
les plus sûrs n'étaient jamais admis sans précautions et sans lenteurs.
La chanoinesse alla donner des ordres pour le souper de l'étrangère.
Amélie voulut courir au pont-levis; mais son oncle, tenant à honneur
d'aller lui-même à la rencontre de son hôtesse, lui offrit son bras; et
force fut à l'impétueuse petite baronne de se traîner majestueusement
jusqu'au péristyle, où déjà la chaise de poste venait de déposer sur les
premières marches l'errante et fugitive Consuelo.
XXIV.
Depuis trois mois que la baronne Amélie s'était mis en tête d'avoir une
compagne, pour l'instruire bien moins que pour dissiper l'ennui de son
isolement, elle avait fait cent fois dans son imagination le portrait de
sa future amie. Connaissant l'humeur chagrine du Porpora, elle avait
craint qu'il ne lui envoyât une gouvernante austère et pédante. Aussi