37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 116

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--J'ai un nom étranger, difficile à prononcer, répondit Consuelo.

L'excellent maître Porpora, en m'envoyant ici, m'a ordonné de prendre le

sien, comme c'est l'usage des protecteurs ou des maîtres envers leurs

élèves privilégiés; je partage donc désormais, avec le grand chanteur

Huber (dit le Porporino), l'honneur de me nommer la Porporina; mais par

abréviation vous m'appellerez, si vous voulez tout simplement _Nina_.

--Va pour Nina, entre nous, reprit Amélie. Maintenant écoutez-moi, car

j'ai une assez longue histoire à vous raconter, et si je ne remonte un

peu haut dans le passé, vous ne pourrez jamais comprendre ce qui se

passe aujourd'hui dans cette maison.

--Je suis toute attention et toute oreilles, dit la nouvelle Porporina.

--Vous n'êtes pas, ma chère Nina, sans connaître un peu l'histoire de la

Bohême? dit la jeune baronne.

--Hélas, répondit Consuelo, ainsi que mon maître a dû vous l'écrire, je

suis tout à fait dépourvue d'instruction; je connais tout au plus un peu

l'histoire de la musique; mais celle de la Bohême, je ne la connais pas

plus que celle d'aucun pays du monde.

--En ce cas, reprit Amélie, je vais vous en dire succinctement ce qu'il

vous importe d'en savoir pour l'intelligence de mon récit. Il y a trois

cents ans et plus, le peuple opprimé et effacé au milieu duquel vous

voici transplantée était un grand peuple, audacieux, indomptable,

héroïque. Il avait dès lors, à la vérité, des maîtres étrangers, une

religion qu'il ne comprenait pas bien et qu'on voulait lui imposer de

force. Des moines innombrables le pressuraient; un roi cruel et débauché

se jouait de sa dignité et froissait toutes ses sympathies. Mais une

fureur secrète, une haine profonde, fermentaient de plus en plus, et un

jour l'orage éclata: les maîtres étrangers furent chassés, la religion

fut réformée, les couvents pillés et rasés, l'ivrogne Wenceslas jeté en

prison et dépouillé de sa couronne. Le signal de la révolte avait été le

supplice de Jean Huss et de Jérôme de Prague, deux savants courageux de

Bohême qui voulaient examiner et éclaircir le mystère du catholicisme,

et qu'un concile appela, condamna et fit brûler, après leur avoir promis

la vie sauve et la liberté de la discussion. Cette trahison et cette

infamie furent si sensibles à l'honneur national, que la guerre

ensanglanta la Bohême et une grande partie de l'Allemagne, pendant de

longues années. Cette guerre d'extermination fut appelée la guerre des

Hussites. Des crimes odieux et innombrables y furent commis de part et

d'autre. Les moeurs du temps étaient farouches et impitoyables sur toute

la face de la terre. L'esprit de parti et le fanatisme religieux les

rendirent plus terribles encore, et la Bohême fut l'épouvante de

l'Europe. Je n'effraierai pas votre imagination, déjà émue, de l'aspect

de ce pays sauvage, par le récit des scènes effroyables qui s'y

passèrent. Ce ne sont, d'une part, que meurtres, incendies, pestes,

bûchers, destructions, églises profanées, moines et religieux mutilés,

pendus, jetés dans la poix bouillante; de l'autre, que villes détruites,

pays désolés, trahisons, mensonges, cruautés, hussites jetés par

milliers dans les mines, comblant des abîmes de leurs cadavres, et

jonchant la terre de leurs ossements et de ceux de leurs ennemis. Ces

affreux Hussites furent longtemps invincibles; aujourd'hui nous ne

prononçons leur nom qu'avec effroi: et cependant leur patriotisme, leur