37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 120

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rôle que sa position exigeait, que s'il n'eût eu que six mois. Si

quelqu'un émettait devant lui une de ces pensées d'égoïsme dont notre

pauvre monde fourmille et sans lequel il n'existerait pas, sans se

soucier de la qualité de cette personne, ni des égards que sa famille

pouvait lui devoir, il lui montrait sur-le-champ un éloignement

invincible, et rien ne l'eût décidé à lui faire le moindre accueil. Il

faisait sa société des êtres les plus vulgaires et les plus disgraciés

de la fortune et même de la nature. Dans les jeux de son enfance, il ne

se plaisait qu'avec les enfants des pauvres, et surtout avec ceux dont

la stupidité ou les infirmités n'eussent inspiré à tout autre que

l'ennui et le dégoût. Il n'a pas perdu ce singulier penchant, et vous ne

serez pas longtemps ici sans en avoir la preuve.

«Comme, au milieu de ces bizarreries, il montrait beaucoup d'esprit, de

mémoire et d'aptitude pour les beaux-arts, son père et sa bonne tante

Wenceslawa, qui l'élevaient avec amour, n'avaient point sujet de rougir

de lui dans le monde. On attribuait ses ingénuités à un peu de

sauvagerie, contractée dans les habitudes de la campagne; et lorsqu'il

était disposé à les pousser trop loin, on avait soin de le cacher, sous

quelque prétexte, aux personnes qui auraient pu s'en offenser. Mais,

malgré ses admirables qualités et ses heureuses dispositions, le comte

et la chanoinesse voyaient avec effroi cette nature indépendante et

insensible à beaucoup d'égards, se refuser de plus en plus aux lois de

la bienséance et aux usages du monde.

--Mais jusqu'ici, interrompit Consuelo je ne vois rien qui prouve cette

déraison dont vous parlez.

--C'est que vous êtes vous-même, à ce que je pense, répondit Amélie, une

belle âme tout à fait candide.... Mais peut-être êtes-vous fatiguée de

m'entendre babiller, et voulez-vous essayer de vous endormir.

--Nullement, chère baronne, je vous supplie de continuer, répondit

Consuelo.»

Amélie reprit son récit en ces termes :

XXVI.

«Vous dites, chère Nina, que vous ne voyez jusqu'ici aucune extravagance

dans les faits et gestes de mon pauvre cousin. Je vais vous en donner de

meilleures preuves. Mon oncle et ma tante sont, à coup sûr, les

meilleurs chrétiens et les âmes les plus charitables qu'il y ait au

monde. Ils ont toujours répandu les aumônes autour d'eux à pleines

mains, et il est impossible de mettre moins de faste et d'orgueil dans

l'emploi des richesses que ne le font ces dignes parents. Eh bien, mon

cousin trouvait leur manière de vivre tout à fait contraire à l'esprit

évangélique. Il eût voulu qu'à l'exemple des premiers chrétiens, ils

vendissent leurs biens, et se fissent mendiants, après les avoir

distribués aux pauvres. S'il ne disait pas cela précisément, retenu par

le respect et l'amour qu'il leur portait, il faisait bien voir que telle

était sa pensée, en plaignant avec amertume le sort des misérables qui

ne font que souffrir et travailler, tandis que les riches vivent dans le

bien-être et l'oisiveté. Quand il avait donné tout l'argent qu'on lui

permettait de dépenser, ce n'était, selon lui, qu'une goutte d'eau dans

la mer; et il demandait d'autres sommes plus considérables, qu'on

n'osait trop lui refuser, et qui s'écoulaient comme de l'eau entre ses