37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 121

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mains. Il en a tant donné, que vous ne verrez pas un indigent dans le

pays qui nous environne; et je dois dire que nous ne nous en trouvons

pas mieux: car les exigences des petits et leurs besoins augmentent en

raison des concessions qu'on leur fait, et nos bons paysans, jadis si

humbles et si doux, lèvent beaucoup la tête, grâce aux prodigalités et

aux beaux discours de leur jeune maître. Si nous n'avions la force

impériale au-dessus de nous tous, pour nous protéger d'une part, tandis

qu'elle nous opprime de l'autre, je crois que nos terres et nos châteaux

eussent été pillés et dévastés vingt fois par les bandes de paysans des

districts voisins que la guerre a affamés, et que l'inépuisable pitié

d'Albert (célèbre à trente lieues à la ronde) nous a mis sur le dos,

surtout dans ces dernières affaires de la succession de l'empereur

Charles.»

«Lorsque le comte Christian voulait faire au jeune Albert quelques sages

remontrances, lui disant que donner tout dans un jour, c'était s'ôter le

moyen de donner le lendemain:

--Eh quoi, mon père bien-aimé, lui répondait-il, n'avons-nous pas, pour

nous abriter, un toit qui durera plus que nous, tandis que des milliers

d'infortunés n'ont que le ciel inclément et froid sur leurs têtes?

N'avons-nous pas chacun plus d'habits qu'il n'en faudrait pour vêtir une

de ces familles couvertes de haillons? Ne vois-je point sur notre table,

chaque jour, plus de viandes et de bons vins de Hongrie qu'il n'en

faudrait pour rassasier et réconforter ces mendiants épuisés de besoin

et de lassitude? Avons-nous le droit de refuser quelque chose tant que

nous avons au delà du nécessaire? Et le nécessaire même, nous est-il

permis d'en user quand les autres ne l'ont pas? La loi du Christ

a-t-elle changé?

«Que pouvaient répondre à de si belles paroles le comte, et la

chanoinesse, et le chapelain, qui avaient élevé ce jeune homme dans des

principes de religion si fervents et si austères? Aussi se

trouvaient-ils bien embarrassés en le voyant prendre ainsi les choses au

pied de la lettre, et ne vouloir accepter aucune de ces transactions

avec le siècle, sur lesquelles repose pourtant, ce me semble, tout

l'édifice des sociétés.

«C'était bien autre chose quand il s'agissait de politique. Albert

trouvait monstrueuses ces lois humaines qui autorisent les souverains à

faire tuer des millions d'hommes, et à ruiner des contrées immenses,

pour les caprices de leur orgueil et les intérêts de leur vanité. Son

intolérance sur ce point devenait dangereuse, et ses parents n'osaient

plus le mener à Vienne, ni à Prague, ni dans aucune grande ville, où son

fanatisme de vertu leur eût fait de mauvaises affaires. Ils n'étaient

pas plus rassurés à l'endroit de ses principes religieux; car il y

avait, dans sa piété exaltée, tout ce qu'il faut pour faire un hérétique

à pendre et à brûler. Il haïssait les papes, ces apôtres de Jésus-Christ

qui se liguent avec les rois contre le repos et la dignité des peuples.

Il blâmait le luxe des évêques et l'esprit mondain des abbés, et

l'ambition de tous les hommes d'église. Il faisait au pauvre chapelain

des sermons renouvelés de Luther et de Jean Huss; et cependant Albert

passait des heures entières prosterné sur le pavé des chapelles, plongé

dans des méditations et des extases dignes d'un saint. Il observait les