37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 123

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formulais la moindre plainte contre lui. Rien de ce que je craignais de

ses folles dépenses, de ses brusqueries, de ses déclamations, de son

ascétisme exalté, n'est arrivé. Il ne m'a pas demandé une seule fois à

administrer par lui-même la petite fortune que vous m'aviez confiée, et

n'a jamais exprimé le moindre mécontentement. Il est vrai que j'ai

toujours prévenu ses désirs, et que, lorsque je voyais un pauvre

s'approcher de sa voiture, je me hâtais de le renvoyer satisfait avant

qu'il eût tendu la main. Cette façon d'agir a complètement réussi, et je

puis dire que le spectacle de la misère et des infirmités n'ayant

presque plus attristé les regards de sa seigneurie, elle ne m'a pas

semblé une seule fois se rappeler ses anciennes préoccupations sur ce

point. Jamais je ne l'ai entendu gronder personne, ni blâmer aucun

usage, ni porter un jugement défavorable sur aucune institution. Cette

dévotion ardente, dont vous redoutiez l'excès, a semblé faire place à

une régularité de conduite et de pratiques tout à fait convenables à un

homme du monde. Il a vu les plus brillantes cours de l'Europe, et les

plus nobles compagnies sans paraître ni enivré ni scandalisé d'aucune

chose. Partout on a remarqué sa belle figure, son noble maintien, sa

politesse sans emphase, et le bon goût qui présidait aux paroles qu'il a

su dire toujours à propos. Ses moeurs sont demeurées aussi pures que

celles d'une jeune fille parfaitement élevée, sans qu'il ait montré

aucune pruderie de mauvais ton. Il a vu les théâtres, les musées et les

monuments; il a parlé sobrement et judicieusement sur les arts. Enfin,

je ne conçois en aucune façon l'inquiétude qu'il avait donnée à vos

seigneuries, n'ayant jamais vu, pour ma part, d'homme plus raisonnable.

S'il y a quelque chose d'extraordinaire en lui, c'est précisément cette

mesure, cette prudence, ce sang-froid, cette absence d'entraînements et

de passions que je n'ai jamais rencontrés dans un jeune homme aussi

avantageusement pourvu par la nature, la naissance, et la fortune.

«Ceci n'était, au reste, que la confirmation des fréquentes lettres que

l'abbé avait écrites à la famille; mais on avait toujours craint quelque

exagération de sa part, et l'on n'était vraiment tranquille que de ce

moment où il affirmait la guérison morale de mon cousin, sans crainte

d'être démenti par la conduite qu'il tiendrait sous les yeux de ses

parents. On accabla l'abbé de présents et de caresses, et l'on attendit

avec impatience qu'Albert fût rentré de sa promenade. Elle dura

longtemps, et, lorsqu'il vint enfin se mettre à table à l'heure du

souper, on fut frappé de la pâleur et de la gravité de sa physionomie.

Dans le premier moment d'effusion, ses traits avaient exprimé une

satisfaction douce et profonde qu'on n'y retrouvait déjà plus. On s'en

étonna, et on en parla tout bas à l'abbé avec inquiétude. Il regarda

Albert, et se retournant avec surprise vers ceux qui l'interrogeaient

dans un coin de l'appartement:

«--Je ne trouve rien d'extraordinaire dans la figure de monsieur le

comte, répondit-il; il a l'expression digne et paisible quo je lui ai

vue depuis huit ans que j'ai l'honneur de l'accompagner.

«Le comte Christian se paya de cette réponse.

«--Nous l'avons quitté encore paré des roses de l'adolescence, dit-il à

sa soeur, et souvent, hélas! en proie à une sorte de fièvre intérieure

qui faisait éclater sa voix et briller ses regards; nous le retrouvons