37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 127

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«Puisqu'il en est ainsi, se dirent mon oncle et ma tante, ne le

contrarions pas. Ne compromettons pas cette guérison assez triste qui

nous a rendu un homme éteint à la place d'un homme exaspéré. Laissons-le

vivre paisiblement à sa guise, et qu'il soit un philosophe studieux,

comme l'ont été plusieurs de ses ancêtres, ou un chasseur passionné

contre notre frère Frédérick, ou un seigneur juste et bienfaisant comme

nous nous efforçons de l'être. Qu'il mène dès à présent la vie

tranquille et inoffensive des vieillards: ce sera le premier des

Rudolstadt qui n'aura point eu de jeunesse. Mais comme il ne faut pas

qu'il soit le dernier de sa race, hâtons-nous de le marier, afin que les

héritiers de notre nom effacent cette lacune dans l'éclat de nos

destinées. Qui sait? peut-être le généreux sang de ses aïeux se

repose-t-il en lui par l'ordre de la Providence, afin de se ranimer plus

bouillant et plus fier dans les veines de ses descendants.

«Et il fut décidé qu'on parlerait mariage à mon cousin Albert.

«On lui en parla doucement d'abord; et comme on le trouvait aussi peu

disposé à ce parti qu'à tous les autres, on lui en parla sérieusement et

vivement. Il objecta sa timidité, sa gaucherie auprès des femmes. «II

est certain, disait ma tante, que, dans ma jeunesse, un prétendant aussi

sérieux qu'Albert m'eût fait plus de peur que d'envie, et que je n'eusse

pas échangé ma bosse contre sa conversation.»

«--II faut donc, lui dit mon oncle, revenir à notre pis-aller, et lui

faire épouser Amélie. Il l'a connue enfant, il la considère comme sa

soeur, il sera moins timide auprès d'elle; et comme elle est d'un

caractère enjoué et décidé, elle corrigera, par sa bonne humeur,

l'humeur noire dans laquelle il semble retomber de plus en plus.

«Albert ne repoussa pas ce projet, et sans se prononcer ouvertement,

consentit à me voir et à me connaître. Il fut convenu que je ne serais

avertie de rien, afin de me sauver la mortification d'un refus toujours

possible de sa part. On écrivit à mon père; et dès qu'on eut son

assentiment, on commença les démarches pour obtenir du pape les

dispenses nécessaires à cause de notre parenté. En même temps mon père

me retira du couvent, et un beau matin nous arrivâmes au château des

Géants, moi fort contente de respirer le grand air, et fort impatiente

de voir mon fiancé; mon bon père plein d'espérance, et s'imaginant

m'avoir bien caché un projet qu'à son insu il m'avait, chemin faisant,

révélé à chaque mot.

«La première chose qui me frappa chez Albert, ce fut sa belle figure et

son air digne. Je vous avouerai, ma chère Nina, que mon coeur battit

bien fort lorsqu'il me baisa la main, et que pendant quelques jours je

fus sous le charme de son regard et de ses moindres paroles. Ses

manières sérieuses ne me déplaisaient pas; il ne semblait pas contraint

le moins du monde auprès de moi. Il me tutoyait comme aux jours de notre

enfance, et lorsqu'il voulait se reprendre, dans la crainte de manquer

aux convenances, nos parents l'autorisaient et le priaient, en quelque

sorte, de conserver avec moi son ancienne familiarité. Ma gaieté le

faisait quelquefois sourire sans effort, et ma bonne tante, transportée

de joie, m'attribuait l'honneur de cette guérison qu'elle croyait devoir

être radicale. Enfin il me traitait avec la bienveillance et la douceur

qu'on a pour un enfant; et je m'en contentais, persuadée que bientôt il