37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 13

Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 13

périlleuses ni de sentiments amoureux que n'en eussent échangé deux

honnêtes enfants du même âge et du même sexe. Les jours, les années

s'écoulèrent. Anzoleto eut d'autres maîtresses; Consuelo ne sut pas même

qu'on pût avoir d'autres amours que celui dont elle était l'objet. Elle

devint une jeune fille sans se croire obligée à plus de réserve avec son

fiancé; et lui la vit grandir et se transformer, sans éprouver

d'impatience et sans désirer de changement à cette intimité sans nuage,

sans scrupule, sans mystère, et sans remords.

[1 Diverses sortes de coquillages très-grossier et à fort bas prix dont

le peuple de Venise est friand.]

Il y avait quatre ans déjà que le professeur Porpora et le comte

Zustiniani s'étaient mutuellement présenté leurs _petits musiciens_, et

depuis ce temps le comte n'avait plus pensé à la jeune chanteuse de

musique sacrée; depuis ce temps, le professeur avait également oublié le

bel Anzoleto, vu qu'il ne l'avait trouvé, après un premier examen, doué

d'aucune des qualités qu'il exigeait dans un élève: d'abord une nature

d'intelligence sérieuse et patiente, ensuite une modestie poussée

jusqu'à l'annihilation de l'élève devant les maîtres, enfin une absence

complète d'études musicales antérieures à celles qu'il voulait donner

lui-même. «Ne me parlez jamais, disait-il, d'un écolier dont le cerveau

ne soit pas sous ma volonté comme une table rase, comme une cire vierge

où je puisse jeter la première empreinte. Je n'ai pas le temps de

consacrer une année à faire désapprendre avant de commencer à montrer.

Si vous voulez que j'écrive sur une ardoise, présentez-la-moi nette. Ce

n'est pas tout, donnez-la-moi de bonne qualité. Si elle est trop

épaisse, je ne pourrai l'entamer; si elle est trop mince, je la briserai

au premier trait.» En somme, bien qu'il reconnût les moyens

extraordinaires du jeune Anzoleto, il déclara au comte, avec quelque

humeur et avec une ironique humilité à la fin de la première leçon, que

sa méthode n'était pas le fait d'un élève déjà si avancé, et que le

premier maître venu _suffirait pour embarrasser et retarder les progrès

naturels et le développement invincible de cette magnifique

organisation_.

Le comte envoya son protégé chez le professeur Mellifiore, qui de

roulade en cadence, et de trilles en grupetti, le conduisit à l'entier

développement de ses qualités brillantes; si bien que lorsqu'il eut

vingt-trois ans accomplis, il fut jugé, par tous ceux qui l'entendirent

dans le salon du comte, capable de débuter à San-Samuel avec un grand

succès dans les premiers rôles.

Un soir, toute la noblesse dilettante, et tous les artistes un peu

renommés qui se trouvaient à Venise furent priés d'assister à une

épreuve finale et décisive. Pour la première fois de sa vie, Anzoleto

quitta sa souquenille plébéienne, endossa un habit noir, une veste de

satin, releva et poudra ses beaux cheveux, chaussa des souliers à

boucles, prit un maintien composé, et se glissa sur la pointe du pied

jusqu'à un clavecin, où, à la clarté de cent bougies, et sous les

regards de deux ou trois cents personnes, il suivit des yeux la

ritournelle, enflamma ses poumons, et se lança, avec son audace, son

ambition et son _ut_ de poitrine, dans cette carrière périlleuse où, non

pas un jury, non pas un juge, mais tout un public, tient d'une main la