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l'année 1619.

«--Vous, ma mère, dit-il en me regardant avec des yeux effrayants, ne

dites pas cela; car je ne puis vous pardonner. Dieu m'a fait renaître

dans le sein d! une femme plus forte; il m'a retrempé dans le sang de

Ziska, dans ma propre substance, qui s'était égarée je ne sais comment.

Amélie, ne me regardez pas, ne me parlez pas surtout! C'est votre voix,

Ulrique, qui me fait aujourd'hui tout le mal que je souffre.»

«En disant cela, Albert sortit précipitamment, et nous restâmes tous

consternés de la triste découverte qu'il venait enfin de nous faire

faire sur le dérangement de son esprit.

«Il était alors deux heures après midi; nous avions dîné paisiblement,

Albert n'avait bu que de l'eau. Rien ne pouvait nous donner l'espoir que

cette démence fût l'effet de l'ivresse. Le chapelain et ma tante se

levèrent aussitôt pour le suivre et pour le soigner, le jugeant fort

malade. Mais, chose inconcevable! Albert avait déjà disparu comme par

enchantement; on ne le trouva ni dans sa chambre, ni dans celle de sa

mère, où il avait coutume de s'enfermer souvent, ni dans aucun recoin du

château; on le chercha dans le jardin, dans la garenne, dans les bois

environnants, dans les montagnes. Personne ne l'avait vu de près ni de

loin. La trace de ses pas n'était restée nulle part. La journée et la

nuit s'écoulèrent ainsi. Personne ne se coucha dans la maison. Nos gens

furent sur pied jusqu'au jour pour le chercher avec des flambeaux.

«Toute la famille se mit en prières. La journée du lendemain se passa

dans les mêmes anxiétés, et la nuit suivante dans la même consternation.

Je ne puis vous dire quelle terreur j'éprouvai, moi qui n'avais jamais

souffert, jamais tremblé de ma vie pour des événements domestiques de

cette importance. Je crus très-sérieusement qu'Albert s'était donné la

mort ou s'était enfui pour jamais. J'en pris des convulsions et une

fièvre assez forte. Il y avait encore en moi un reste d'amour, au milieu

de l'effroi que m'inspirait un être si fatal et si bizarre. Mon père

conservait la force d'aller à la chasse, s'imaginant que, dans ses

courses lointaines, il retrouverait Albert au fond des bois. Ma pauvre

tante, dévorée de douleur, mais active et courageuse, me soignait, et

cherchait à rassurer tout le monde. Mon oncle priait jour et nuit. En

voyant sa foi et sa soumission stoïque aux volontés du ciel, je

regrettais de n'être pas dévote.

«L'abbé feignait un peu de chagrin, mais affectait de n'avoir aucune

inquiétude. Il est vrai, disait-il, qu'Albert n'avait jamais disparu

ainsi de sa présence; mais il était sujet à des besoins de solitude et

de recueillement.

Sa conclusion était que le seul remède à ces singularités était de ne

jamais les contrarier, et de ne pas paraître les remarquer beaucoup. Le

fait est que ce subalterne intrigant et profondément égoïste ne s'était

soucié que de gagner les larges appointements attachés à son rôle

surveillant, et qu'il les avait fait durer le plus longtemps possible en

trompant la famille sur le résultat de ses bons offices. Occupé de ses

affaires et de ses plaisirs, il avait abandonné Albert à ses penchants

extrêmes. Peut-être l'avait-il vu souvent malade et souvent exalté. Il

avait sans doute laissé un libre cours à ses fantaisies. Ce qu'il y a de

certain, c'est qu'il avait eu l'habileté de les cacher à tous ceux qui