37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 14

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palme et de l'autre le sifflet.

Si Anzoleto était ému intérieurement, il ne faut pas le demander;

cependant il y parut fort peu, et à peine ses yeux perçants, qui

interrogeaient à la dérobée ceux des femmes, eurent-ils deviné cette

approbation secrète qu'on refuse rarement à un aussi beau jeune homme, à

peine les amateurs, surpris d'une telle puissance de timbre et d'une

telle facilité de vocalisation, eurent-ils fait entendre autour d'eux

des murmures favorables, que la joie et l'espoir inondèrent tout son

être. Alors aussi, pour la première fois de sa vie, Anzoleto, jusque-là

vulgairement compris et vulgairement enseigné, sentit qu'il n'était

point un homme vulgaire, et transporté par le besoin et le sentiment du

triomphe, il chanta avec une énergie, une originalité et une verve

remarquables. Certes, son goût ne fut pas toujours pur, ni son exécution

sans reproche dans toutes les parties du morceau; mais il sut toujours

se relever par des traits d'audace, par des éclairs d'intelligence et

des élans d'enthousiasme. Il manqua des effets que le compositeur avait

ménagés; mais il en trouva d'autres auxquels personne n'avait songé, ni

l'auteur qui les avait tracés, ni le professeur qui les avait

interprétés, ni aucun des virtuoses qui les avaient rendus. Ces

hardiesses saisirent et enlevèrent tout le monde. Pour une innovation,

on lui pardonna dix maladresses; pour un sentiment individuel, dix

rébellions contre la méthode. Tant il est vrai qu'en fait d'art, le

moindre éclair de génie, le moindre essor vers de nouvelles conquêtes,

exerce sur les hommes plus de fascination que toutes les ressources et

toutes les lumières de la science dans les limites du connu.

Personne peut-être ne se rendit compte des causes et personne n'échappa

aux effets de cet enthousiasme. La Corilla venait d'ouvrir la séance par

un grand air bien chanté et vivement applaudi; cependant le succès

qu'obtint le jeune débutant effaça tellement le sien qu'elle en

ressentit un mouvement de rage. Mais au moment où Anzoleto, accablé de

louanges et de caresses, revint auprès du clavecin où elle était assise,

il lui dit en se penchant vers elle avec un mélange de soumission et

d'audace: «Et vous, reine du chant, reine de la beauté, n'avez-vous pas

un regard d'encouragement pour le pauvre malheureux qui vous craint et

qui vous adore?»

La prima-donna, surprise de tant de hardiesse, regarda de près ce beau

visage qu'elle avait à peine daigné apercevoir; car quelle femme vaine

et triomphante daignerait faire attention à un enfant obscur et pauvre?

Elle le remarqua enfin; elle fut frappée de sa beauté: son regard plein

de feu pénétra en elle, et, vaincue, fascinée à son tour, elle laissa

tomber sur lui une longue et profonde oeillade qui fut comme le scel

apposé sur son brevet de célébrité. Dans cette mémorable soirée,

Anzoleto avait dominé son public et désarmé son plus redoutable ennemi;

car la belle cantatrice n'était pas seulement reine sur les planches,

mais encore à l'administration et dans le cabinet du comte Zustiniani.

IV.

Au milieu des applaudissements unanimes, et même un peu insensés, que la

voix et la manière du débutant avaient provoqués, un seul auditeur,

assis sur le bord de sa chaise, les jambes serrées et les mains

immobiles sur ses genoux, à la manière des dieux égyptiens, restait muet