37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 140

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Voilà que je me prends à vous trouver horriblement belle, et cependant

il y a de la douceur dans votre regard. Dites-moi donc quelle personne

vous êtes. Vous m'attirez et vous m'intimidez: je suis toute honteuse

des folies que je vous ai racontées de moi cette nuit. Vous ne m'avez

encore rien dit de vous; et cependant vous savez à peu près tous mes

défauts.

--Si j'ai l'air d'une reine, ce dont je ne me serais guère doutée,

répondit Consuelo avec un triste sourire, ce doit être l'air piteux

d'une reine détrônée. Quant à ma beauté, elle m'a toujours paru

très-contestable; et quant à l'opinion que j'ai de vous, chère baronne

Amélie, elle est toute en faveur de votre franchise et de votre bonté.

--Pour franche, je le suis; mais vous, Nina, l'êtes-vous? Oui, vous avez

un air de grandeur et de loyauté. Mais êtes-vous expansive? Je ne le

crois pas.

--Ce n'est pas à moi de l'être la première, convenez-en. C'est à vous,

protectrice et maîtresse, de ma destinée en ce moment, de me faire les

avances.

--Vous avez raison. Mais votre grand sens me fait peur. Si je vous

parais écervelée, vous ne me prêcherez pas trop, n'est-ce pas?

--Je n'en ai le droit en aucune façon. Je suis votre maîtresse de

musique, et rien de plus. D'ailleurs une pauvre fille du peuple, comme

moi, saura toujours se tenir à sa place.

--Vous, une fille du peuple, fière Porporina! Oh! vous mentez; cela est

impossible. Je vous croirais plutôt un enfant mystérieux de quelque

famille de princes. Que faisait votre mère?

--Elle chantait, comme moi.

--Et votre père?»

Consuelo resta interdite. Elle n'avait pas préparé toutes ses réponses

aux questions familièrement indiscrètes de la petite baronne. La vérité

est qu'elle n'avait jamais entendu parler de son père, et qu'elle

n'avait jamais songé à demander si elle en avait un.

«Allons! dit Amélie en éclatant de rire, c'est cela, j'en étais sûre;

votre père est quelque grand d'Espagne, où quelque doge de Venise.»

Ces façons de parler parurent légères et blessantes à Consuelo.

«Ainsi, dit-elle avec un peu de mécontentement, un honnête ouvrier, ou

un pauvre artiste, n'aurait pas eu le droit de transmettre à son enfant

quelque distinction naturelle? Il faut absolument que les enfants du

peuple soient grossiers et difformes!

--Ce dernier mot est une épigramme pour ma tante Wenceslawa, répliqua la

baronne riant plus fort. Allons, chère Nina, pardonnez-moi si je vous

fâche un peu, et laissez-moi bâtir dans ma cervelle un plus beau roman

sur vous. Mais faites vite votre toilette, mon enfant; car la cloche va

sonner, et ma tante ferait mourir de faim toute la famille plutôt que de

laisser servir le déjeuner sans vous. Je vais vous aider à ouvrir vos

caisses; donnez-moi les clefs. Je suis sûre que vous apportez de Venise

les plus jolies toilettes, et que vous allez me mettre au courant des

modes, moi qui vis dans ce pays de sauvages, et depuis si longtemps!»

Consuelo, se hâtant d'arranger ses cheveux, lui donna les clefs sans

l'entendre, et Amélie s'empressa d'ouvrir une caisse qu'elle s'imaginait

remplie de chiffons; mais, à sa grande surprise, elle n'y trouva qu'un