37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 142

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sentiment de curiosité. Elle ne savait pas quel accueil il lui avait

fait. Seulement elle l'avait regardé dans une glace en traversant le

salon, et l'avait vu habillé avec une sorte de recherche, quoique

toujours en noir. C'était bien la tournure d'un grand seigneur; mais sa

barbe et ses cheveux dénoués, avec son teint sombre et jaunâtre, lui

donnaient la tête pensive et négligée d'un beau pêcheur de l'Adriatique,

sur les épaules d'un noble personnage.

Cependant la sonorité de sa voix, qui flattait les oreilles musicales de

Consuelo, enhardit peu à peu cette dernière à le regarder. Elle fut

surprise de lui trouver l'air et les manières d'un homme très-sensé. Il

parlait peu, mais judicieusement; et lorsqu'elle se leva de table, il

lui offrit la main, sans la regarder il est vrai (il ne lui avait pas

fait cet honneur depuis la veille), mais avec beaucoup d'aisance et de

politesse. Elle trembla de tous ses membres en mettant sa main dans

celle de ce héros fantastique des récits et des rêves de la nuit

précédente; elle s'attendait à la trouver froide comme celle d'un

cadavre. Mais elle était douce et tiède comme la main d'un homme

soigneux et bien portant. A vrai dire, Consuelo ne put guère constater

ce fait. Son émotion intérieure lui donnait une sorte de vertige; et le

regard d'Amélie, qui suivait tous ses mouvements, eût achevé de la

déconcerter, si elle ne se fût armée de toute la force dont elle sentait

avoir besoin pour conserver sa dignité vis-à-vis de cette malicieuse

jeune fille. Elle rendit au comte Albert le profond salut qu'il lui fit

en la conduisant auprès d'un siége; et pas un mot, pas un regard ne fut

échangé entre eux.

«Savez-vous, perfide Porporina, dit Amélie à sa compagne en s'asseyant

tout près d'elle pour chuchoter librement à son oreille, que vous faites

merveille sur mon cousin?

--Je ne m'en aperçois pas beaucoup jusqu'ici, répondit Consuelo.

--C'est que vous ne daignez pas vous apercevoir de ses manières avec

moi. Depuis un an, il ne m'a pas offert une seule fois la main pour

passer à table ou pour en sortir, et voilà qu'il s'exécute avec vous de

la meilleure grâce! Il est vrai qu'il est dans un de ses moments les

plus lucides. On dirait que vous lui avez apporté la raison et la santé.

Mais ne vous fiez point aux apparences, Nina. Ce sera avec vous comme

avec moi. Après trois jours de cordialité, il ne se souviendra pas

seulement de votre existence.

--Je vois, dit Consuelo, qu'il faut que je m'habitue à la plaisanterie.

--N'est-il pas vrai, ma petite tante, dit à voix basse Amélie en

s'adressant à la chanoinesse, qui était venue s'asseoir auprès d'elle et

de Consuelo, que mon cousin est tout à fait charmant pour la chère

Porporina?

--Ne vous moquez pas de lui, Amélie, répondit Wenceslawa avec douceur;

mademoiselle s'apercevra assez tôt de la cause de nos chagrins.

--Je ne me moque pas, bonne tante. Albert est tout à fait bien ce matin,

et je me réjouis de le voir comme je ne l'ai pas encore vu peut-être

depuis que je suis ici. S'il était rasé et poudré comme tout le monde,

on pourrait croire aujourd'hui qu'il n'a jamais été malade.

--Cet air de calme et de santé me frappe en effet bien agréablement, dit

la chanoinesse; mais je n'ose plus me flatter de voir durer un si