37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 155

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cette malheureuse destinée de mon cousin, c'est que sa raison, à lui, a

complètement plié bagage, que l'imagination a déplié dans sa cervelle

des ailes si larges que la boîte se brise. Et puisqu'il faut parler net,

et dire le mot que mon pauvre oncle Christian a été forcé d'articuler en

pleurant aux genoux de l'impératrice Marie-Thérèse, laquelle ne se paie

pas de demi-réponses et de demi-affirmations, en trois lettres, Albert

de Rudolstadt est fou; aliéné, si vous trouvez l'épithète plus décente.»

Consuelo ne répondit que par un profond soupir. Amélie lui semblait en

cet instant une personne haïssable et un coeur de fer. Elle s'efforça de

l'excuser à ses propres yeux, en se représentant tout ce qu'elle devait

avoir souffert depuis dix-huit mois d'une vie si triste et remplie

d'émotions si multipliées. Puis, en faisant un retour sur son propre

malheur: Ah! que ne puis-je mettre les fautes d'Anzoleto sur le compte

de la folie! pensa-t-elle. S'il fût tombé dans le délire au milieu des

enivrements et des déceptions de son début, je sens, moi, que je ne l'en

aurais pas moins aimé; et je ne demanderais qu'à le savoir infidèle et

ingrat par démence, pour l'adorer comme auparavant et pour voler à son

secours.

Quelques jours se passèrent sans qu'Albert donnât par ses manières ou

ses discours la moindre confirmation aux affirmations de sa cousine sur

le dérangement de son esprit. Mais, un beau jour, le chapelain l'ayant

contrarié sans le vouloir, il commença à dire des choses

très-incohérentes; et comme s'il s'en fût aperçu lui-même, il sortit

brusquement du salon et courut s'enfermer dans sa chambre. On pensait

qu'il y resterait longtemps; mais, une heure après, il rentra, pâle et

languissant, se traîna de chaise en chaise, tourna autour de Consuelo

sans paraître faire plus d'attention à elle que les autres jours, et

finit par se réfugier dans l'embrasure profonde d'une fenêtre, où il

appuya sa tête sur ses mains et resta complètement immobile.

C'était l'heure de la leçon de musique d'Amélie, et elle désirait la

prendre; afin, disait-elle tout bas à Consuelo, de chasser cette

sinistre figure qui lui ôtait toute sa gaieté et répandait dans l'air

une odeur sépulcrale.

«Je crois, lui répondit Consuelo, que nous ferions mieux de monter dans

votre chambre; votre épinette suffira bien pour accompagner. S'il est

vrai que le comte Albert n'aime pas la musique, pourquoi augmenter ses

souffrances, et par suite celle de ses parents?»

Amélie se rendit à la dernière considération, et elles montèrent

ensemble à leur appartement, dont elles laissèrent la porte ouverte

parce qu'elles y trouvèrent un peu de fumée. Amélie voulut faire à sa

tête, comme à l'ordinaire, en chantant des cavatines à grand effet; mais

Consuelo, qui commençait à se montrer sévère, lui fit essayer des motifs

fort simples et fort sérieux extraits des chants religieux de

Palestrina. La jeune baronne bâilla, s'impatienta, et déclara cette

musique barbare et soporifique.

«C'est que vous ne la comprenez pas, dit Consuelo. Laissez-moi vous en

faire entendre quelques phrases pour vous montrer qu'elle est

admirablement écrite pour la voix, outre qu'elle est sublime de pensées

et d'intentions.

Elle s'assit à l'épinette, et commença à se faire entendre. C'était la