37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 162

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jetait une lueur blafarde sur le milieu du pavé, et laissait le fond

dans un vague mystérieux. Le soleil était encore sous l'horizon, la

matinée grise et brumeuse. Consuelo crut d'abord qu'elle était dans la

chapelle du château, où déjà elle avait entendu la messe un dimanche.

Elle savait que cette chapelle donnait sur les jardins; mais avant de la

traverser pour sortir, elle voulut saluer le sanctuaire de la prière, et

s'agenouilla sur la première dalle. Cependant, comme il arrive souvent

aux artistes de se laisser préoccuper par les objets extérieurs en dépit

de leurs tentatives pour remonter dans la sphère des idées abstraites,

sa prière ne put l'absorber assez pour l'empêcher de jeter un coup

d'oeil curieux autour d'elle; et bientôt elle s'aperçut qu'elle n'était

pas dans la chapelle, mais dans un lieu où elle n'avait pas encore

pénétré. Ce n'était ni le même vaisseau ni les mêmes ornements. Quoique

cette chapelle inconnue fût assez petite, on distinguait encore mal les

objets, et ce qui frappa le plus Consuelo fut une statue blanchâtre,

agenouillée vis-à-vis de l'autel, dans l'attitude froide et sévère qu'on

donnait jadis à toutes celles dont on décorait les tombeaux. Elle pensa

qu'elle se trouvait dans un lieu réservé aux sépultures de quelques

aïeux d'élite; et, devenue un peu craintive et superstitieuse depuis son

séjour en Bohême, elle abrégea sa prière et se leva pour sortir.

Mais au moment où elle jetait un dernier regard timide sur cette figure

agenouillée à dix pas d'elle, elle vit distinctement la statue

disjoindre ses deux mains de pierre allongées l'une contre l'autre, et

faire lentement un grand signe de croix en poussant un profond soupir.

Consuelo faillit tomber à la renverse, et cependant elle ne put détacher

ses yeux hagards de la terrible statue. Ce qui la confirmait dans la

croyance que c'était une figure de pierre, c'est qu'elle ne sembla pas

entendre le cri d'effroi que Consuelo laissa échapper, et qu'elle remit

ses deux grandes mains blanches l'une contre l'autre, sans paraître

avoir le moindre rapport avec le monde extérieur.

XXXIV.

Si l'ingénieuse et féconde Anne Radcliffe se fût trouvée à la place du

candide et maladroit narrateur de cette très véridique histoire, elle

n'eût pas laissé échapper une si bonne occasion de vous promener, madame

la lectrice, à travers les corridors, les trappes, les escaliers en

spirale, les ténèbres et les souterrains, pendant une demi-douzaine de

beaux et attachants volumes, pour vous révéler, seulement au septième,

tous les arcanes de son oeuvre savante. Mais la lectrice esprit fort que

nous avons charge de divertir ne prendrait peut-être pas aussi bien, au

temps où nous sommes, l'innocent stratagème du romancier. D'ailleurs,

comme il serait fort difficile de lui en faire accroire, nous lui

dirons, aussi vite que nous le pourrons, le mot de toutes nos énigmes.

Et pour lui en confesser deux d'un coup, nous lui avouerons que

Consuelo, après deux secondes de sang-froid, reconnut, dans la statue

animée qu'elle avait devant les yeux, le vieux comte Christian qui

récitait mentalement ses prières du matin dans son oratoire; et dans ce

soupir de componction qui venait de lui échapper à son insu, comme il

arrive souvent aux vieillards, le même soupir diabolique qu'elle avait

cru entendre à son oreille un soir, après avoir chanté l'hymne de

Notre-Dame-de-Consolation.