37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 168

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s'en éloigner qu'avec la lenteur qui convient à un esprit calme, en ces

sortes d'épreuves. Mais, au moment où elle détournait ses regards du

chêne calciné qu'elle apercevait à deux cents pieds au-dessous d'elle,

pour les reporter sur les objets environnants, elle vit qu'elle n'était

pas seule sur la pierre d'épouvante, et qu'une figure incompréhensible

venait de s'y asseoir à ses côtés, sans annoncer son approche par le

moindre bruit.

C'était une grosse tête ronde et béante, remuant sur un corps

contrefait, grêle et crochu comme une sauterelle, couvert d'un costume

indéfinissable qui n'était d'aucun temps et d'aucun pays, et dont le

délabrement touchait de près à la malpropreté. Cependant cette figure

n'avait d'effrayant que son étrangeté et l'imprévu de son apparition car

elle n'avait rien d'hostile. Un sourire doux et caressant courait sur sa

large bouche, et une expression enfantine adoucissait l'égarement

d'esprit que trahissaient le regard vague et les gestes précipités.

Consuelo, en se voyant seule avec un fou, dans un endroit où personne

assurément ne fût venu lui porter secours, eut véritablement peur,

malgré les révérences multipliées et les rires affectueux que lui

adressait cet insensé. Elle crut devoir lui rendre ses saluts et ses

signes de tête, pour ne pas l'irriter; mais elle se hâta de se lever et

de s'éloigner, toute pâle et toute tremblante.

Le fou ne la poursuivit point, et ne fit rien pour la rappeler; il

grimpa seulement sur la pierre d'épouvante pour la suivre des yeux, et

continua à la saluer de son bonnet en sautillant et en agitant ses bras

et ses jambes, tout en articulant à plusieurs reprises un mot bohème que

Consuelo ne comprit pas. Quand elle se vit à une certaine distance de

lui, elle reprit un peu de courage pour le regarder et l'écouter. Elle

se reprochait déjà d'avoir eu horreur de la présence d'un de ces

malheureux que, dans son coeur, elle plaignait et vengeait des mépris et

de l'abandon des hommes un instant auparavant. «C'est un fou

bienveillant, se dit-elle, c'est peut-être un fou par amour. Il n'a

trouvé de refuge contre l'insensibilité et le dédain que sur cette roche

maudite où nul autre n'oserait habiter, et où les démons et les spectres

sont plus humains pour lui que ses semblables, puisqu'ils ne l'en

chassent pas et ne troublent pas l'enjouement de son humeur. Pauvre

homme! qui ris et folâtres comme un petit enfant, avec une barbe

grisonnante et un dos voûté! Dieu, sans doute, te protège et te bénit

dans ton malheur, puisqu'il ne t'envoie que des pensées riantes, et

qu'il ne t'a point rendu misanthrope et furieux comme tu aurais droit de

l'être!»

Le fou, voyant qu'elle ralentissait sa marche, et paraissant comprendre

son regard bienveillant, se mit à lui parler bohème avec une excessive

volubilité; et sa voix avait une douceur extrême, un charme pénétrant,

qui contrastait avec sa laideur. Consuelo, ne le comprenant pas, songea

qu'elle devait lui donner l'aumône; et, tirant une pièce de monnaie de

sa poche, elle la posa sur une grosse pierre, après avoir élevé le bras

pour la lui montrer et lui désigner l'endroit où elle la déposait. Mais

le fou se mit à rire plus fort en se frottant les mains et en lui disant

en mauvais allemand:

«Inutile, inutile! Zdenko n'a besoin de rien, Zdenko est heureux, bien