37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 178

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quelque autre ... et j'avais tort; cela ne pouvait sortir que de cette

tête farcie des abominations de l'antique hérésie! Où prend-il ces

choses à peu près inconnues et oubliées aujourd'hui? L'esprit du mal

peut seul les lui suggérer.

--Mais c'est tout simplement un fort vilain jurement dont le peuple se

sert dans toutes les langues, repartit Amélie; et les catholiques ne

s'en font pas plus faute que les autres.

--Ne croyez pas cela, baronne, dit le chapelain. Ce n'est pas une

malédiction dans l'esprit égaré de celui qui s'en sert, c'est un hommage

et une bénédiction, au contraire; et là est le crime. Cette abomination

vient des Lollards, secte détestable qui engendra celle des Vaudois,

laquelle engendra celle des Hussites....

--Laquelle en engendra bien d'autres! dit Amélie en prenant un air grave

pour se moquer du bon prêtre. Mais, voyons, monsieur le chapelain,

expliquez-nous donc comment ce peut être un compliment que de

recommander son prochain au diable?

--C'est que, dans la croyance des Lollards, Satan n'était pas l'ennemi

du genre humain, mais au contraire son protecteur et son patron. Ils le

disaient victime de l'injustice et de la jalousie. Selon eux, l'archange

Michel et les autres puissances célestes qui l'avaient précipité dans

l'abîme étaient de véritables démons, tandis que Lucifer, Belzébuth,

Astaroth, Aslarté, et tous les monstres de l'enfer étaient l'innocence

et la lumière même. Ils croyaient que le règne de Michel et de sa

glorieuse milice finirait bientôt, et que le diable serait réhabilité et

réintégré dans le ciel avec sa phalange maudite. Enfin ils lui rendaient

un culte impie, et s'abordaient les uns les autres en se disant: Que

celui à _qui on a fait tort_, c'est-à-dire celui qu'on a méconnu et

condamné injustement, _te salue_, c'est-à-dire, te protège et t'assiste.

--Eh bien, dit Amélie en riant aux éclats, voilà ma chère Nina sous des

auspices bien favorables, et je ne serais pas étonnée qu'il fallût

bientôt en venir avec elle à des exorcismes pour détruire l'effet des

incantations de Zdenko.»

Consuelo fut un peu émue de cette plaisanterie. Elle n'était pas bien

sûre que le diable fût une chimère, et l'enfer une fable poétique. Elle

eût été portée à prendre au sérieux l'indignation et la frayeur du

chapelain, si celui-ci, scandalisé des rires d'Amélie, n'eût été, en ce

moment, parfaitement ridicule. Interdite, troublée dans toutes les

croyances de son enfance par cette lutte où elle se voyait lancée, entre

la superstition des uns et l'incrédulité des autres, Consuelo eut, ce

soir-là, beaucoup de peine à dire ses prières. Elle cherchait le sens de

toutes ces formules de dévotion qu'elle avait acceptées jusque-là sans

examen, et qui ne satisfaisaient plus son esprit alarmé. «A ce que j'ai

pu voir, pensait-elle, il y a deux sortes de dévotions à Venise. Celle

des moines, des nonnes, et du peuple, qui va trop loin peut-être; car

elle accepte, avec les mystères de la religion, toutes sortes de

superstitions accessoires, l'_Orco_ (le diable des lagunes), les

sorcières de Malamocco, les chercheuses d'or, l'horoscope, et les voeux

aux saints pour la réussite des desseins les moins pieux et parfois les

moins honnêtes: celle du haut clergé et du beau monde, qui n'est qu'un

simulacre; car ces gens-là vont à l'église comme au théâtre, pour