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Schreckenstein, avoua les recherches qu'elle y avait faites, et confia
en particulier à la chanoinesse la circonstance de la feuille de rose,
et le soin qu'elle avait mis à examiner toute la nuit le sommet lumineux
de la montagne. Mais les dispositions que voulait prendre Wenceslawa
pour cette exploration, firent bientôt repentir Consuelo de son
épanchement. La chanoinesse voulait qu'on s'assurât de la personne de
Zdenko, qu'on l'effrayât par des menaces, qu'on fît armer cinquante
hommes de torches et de fusils, enfin que le chapelain prononçât sur la
pierre fatale ses plus terribles exorcismes, tandis que le baron, suivi
de Hanz, et de ses plus courageux acolytes, ferait en règle, au milieu
de la nuit, le siège du Schreckenstein. C'était le vrai moyen de porter
Albert à la folie la plus extrême, et peut-être à la fureur, que de lui
procurer une surprise de ce genre; et Consuelo obtint, à force de
représentations et de prières, que Wenceslawa n'agirait point et
n'entreprendrait rien sans son avis. Or, voici quel parti elle lui
proposa en définitive: ce fut de sortir du château la nuit suivante, et
d'aller seule avec la chanoinesse, en se faisant suivre à distance de
Hanz et du chapelain seulement, examiner de près le feu du
Schreckenstein. Mais cette résolution se trouva au-dessus des forces de
la chanoinesse. Elle était persuadée que le Sabbat officiait sur la
pierre d'Épouvante, et tout ce que Consuelo put obtenir fut qu'on lui
ouvrirait les portes à minuit et que le baron et quelques autres
personnes de bonne volonté la suivraient sans armes et dans le plus
grand silence. Il fut convenu qu'on cacherait cette tentative au comte
Christian, dont le grand âge et la santé affaiblie ne pourraient se
prêter à une pareille course durant la nuit froide et malsaine, et qui
cependant voudrait s'y associer s'il en avait connaissance.
Tout fut exécuté ainsi que Consuelo l'avait désiré. Le baron, le
chapelain et Hanz l'accompagnèrent. Elle s'avança seule, à cent pas de
son escorte, et monta sur le Schreckenstein avec un courage digne de
Bradamante. Mais à mesure qu'elle approchait, la lueur qui lui
paraissait sortir en rayonnant des fissures de la roche culminante
s'éteignit peu à peu, et lorsqu'elle y fut arrivée, une profonde
obscurité enveloppait la montagne du sommet à la base. Un profond
silence et l'horreur de la solitude régnaient partout. Elle appela
Zdenko, Cynabre, et même Albert, quoiqu'en tremblant. Tout fut muet, et
l'écho seul lui renvoya le son de sa voix mal assurée.
Elle revint découragée vers ses guides. Ils vantèrent beaucoup son
courage, et osèrent, après elle, explorer encore les lieux qu'elle
venait de quitter, mais sans succès; et tous rentrèrent en silence au
château, où la chanoinesse, qui les attendait sur le seuil, vit, à leur
récit, évanouir sa dernière espérance.
XXXVIII.
Consuelo, après avoir reçu les remercîments et le baiser que la bonne
Wenceslawa, toute triste, lui donna au front, reprit le chemin de sa
chambre avec précaution, pour ne point réveiller Amélie, à qui on avait
caché l'entreprise. Elle demeurait au premier étage, tandis que la
chambre de la chanoinesse était au rez-de-chaussée. Mais en montant
l'escalier, elle laissa tomber son flambeau, qui s'éteignit avant