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peu à peu jusqu'à elle. Elle s'étendit sur le gazon pour mieux saisir,
étant plus près de la terre, ces sons légers que la brise emportait à
chaque instant. Enfin elle distingua la voix de Zdenko. Il chantait en
allemand; et elle recueillit les paroles suivantes, arrangées tant bien
que mal sur un air bohémien, empreint du même caractère naïf et
mélancolique que celui qu'elle avait déjà entendu:
«Il y a là-bas, là-bas, une âme en peine et en travail, qui attend sa
délivrance.
«Sa délivrance, sa consolation tant promise.
«La délivrance semble enchaînée, la consolation semble impitoyable.
«Il y a là-bas, là-bas, une âme en peine et en travail qui se lasse
d'attendre.»
Quand la voix cessa de chanter, Consuelo se leva, chercha des yeux
Zdenko dans la campagne, parcourut tout le parc et tout le jardin pour
le trouver, l'appela de divers endroits, et rentra sans l'avoir aperçu.
Mais une heure après qu'on eut dit tout haut en commun une longue prière
pour le comte Albert, auquel on invita tous les serviteurs de la maison
à se joindre, tout le monde étant couché, Consuelo alla s'installer
auprès de la fontaine des Pleurs, et, s'asseyant sur la margelle, parmi
les capillaires touffues qui y croissaient naturellement, et les iris
qu'Albert y avait plantés, elle fixa ses regards sur cette eau immobile,
où la lune, alors parvenue à son zénith, plongeait son image comme dans
un miroir.
Au bout d'une heure d'attente, et comme la courageuse enfant, vaincue
par la fatigue, sentait ses paupières s'appesantir, elle fut réveillée
par un léger bruit à la surface de l'eau. Elle ouvrit les yeux, et vit
le spectre de la lune s'agiter, se briser, et s'étendre en cercles
lumineux sur le miroir de la fontaine. En même temps un bouillonnement
et un bruit sourd, d'abord presque insensible et bientôt impétueux, se
manifestèrent; elle vit l'eau baisser en tourbillonnant comme dans un
entonnoir, et, en moins d'un quart d'heure, disparaître dans la
profondeur de l'abîme.
Elle se hasarda à descendre plusieurs marches. L'escalier, qui semblait
avoir été pratiqué pour qu’on pût approcher à volonté du niveau variable
de l'eau, était formé de blocs de granit enfoncés ou taillés en spirale
dans le roc. Ces marches limoneuses et glissantes n'offraient aucun
point d'appui, et se perdaient dans une effrayante profondeur.
L'obscurité, un reste d'eau qui clapotait encore au fond du précipice
incommensurable, l'impossibilité d'assurer ses pieds délicats sur cette
vase filandreuse, arrêtèrent la tentative insensée de Consuelo; elle
remonta à reculons avec beaucoup de peine, et se rassit tremblante et
consternée sur la première marche.
Cependant l'eau semblait toujours fuir dans les entrailles de la terre.
Le bruit devint de plus en plus sourd, jusqu'à ce qu'il cessa
entièrement; et Consuelo songea à aller chercher de la lumière pour
examiner autant que possible d'en haut l'intérieur de la citerne. Mais
elle craignit de manquer l'arrivée de celui qu'elle attendait, et se
tint patiemment immobile pendant près d'une heure encore. Enfin, elle
crût apercevoir une faible lueur au fond du puits; et, se penchant avec