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l'église romaine ou approuvés par elle. Elle essayait d'en comprendre les
titres, lorsqu'elle entendit enfin bouillonner l'eau de la fontaine. Elle
y courut, ferma sa lanterne, se cacha derrière le garde-fou, et attendit
l'arrivée de Zdenko. Cette fois, il ne s'arrêta ni dans le parterre, ni
dans le cabinet. Il traversa les deux pièces, et sortit de l'appartement
d'Albert pour aller, ainsi que le sut plus tard Consuelo, regarder et
écouter, à la porte de l'oratoire et à celle de la chambre à coucher du
comte Christian, si le vieillard priait dans la douleur ou reposait
tranquillement. C'était une sollicitude qu'il prenait souvent sur son
compte, et sans qu'Albert eût songé à la lui imposer, comme on le verra
par la suite.
Consuelo ne délibéra point sur le parti qu'elle avait à prendre; son plan
était arrêté. Elle ne se fiait plus à la raison ni à la bienveillance de
Zdenko; elle voulait parvenir jusqu'à celui qu'elle supposait prisonnier,
seul et sans garde. Il n'y avait sans doute qu'un chemin pour aller sous
terre de la citerne du château à celle du Schreckenstein. Si ce chemin
était difficile ou périlleux, du moins il était praticable, puisque
Zdenko y passait toutes les nuits. Il l'était surtout avec de la lumière;
et Consuelo s'était pourvue de bougies, d'un morceau de fer, d'amadou,
et d'une pierre pour avoir de la lumière en cas d'accident. Ce qui
lui donnait la certitude d'arriver par cette route souterraine au
Schreckenstein, c'était une ancienne histoire qu'elle avait entendu
raconter à la chanoinesse, d'un siège soutenu jadis par l'ordre
teutonique. Ces chevaliers, disait Wenceslawa, avaient dans leur
Réfectoire même une citerne qui leur apportait toujours de l'eau d'une
montagne voisine; et lorsque leurs espions voulaient effectuer une sortie
pour observer l'ennemi, ils desséchaient la citerne, passaient par ses
conduits souterrains, et allaient sortir dans un village qui était dans
leur dépendance. Consuelo se rappelait que, selon la chronique du pays,
le village qui couvrait la colline appelée Schreckenstein depuis
l'incendie dépendait de la forteresse des Géants, et avait avec lui de
secrètes intelligences en temps de siége. Elle était donc dans la logique
et dans la vérité en cherchant cette communication et cette issue.
Elle profita de l'absence de Zdenko pour descendre dans le puits.
Auparavant elle se mit à genoux, recommanda son âme à Dieu, fit naïvement
un grand signe de croix, comme elle l'avait fait dans la coulisse du
théâtre de San-Samuel avant de paraître pour la première fois sur la
scène; puis elle descendit bravement l'escalier tournant et rapide,
cherchant à la muraille les points d'appui qu'elle avait vu prendre à
Zdenko, et ne regardant point au-dessous d'elle de peur d'avoir le
vertige. Elle atteignit la chaîne de fer sans accident; et lorsqu'elle
l'eut saisie, elle se sentit plus tranquille, et eut le sang-froid de
regarder au fond du puits. Il y avait encore de l'eau, et cette
découverte lui causa un instant d'émoi. Mais la réflexion lui vint
aussitôt. Le puits pouvait être, très-profond; mais l'ouverture du
souterrain qui amenait Zdenko ne devait être située qu'à une certaine
distance au-dessous du sol. Elle avait déjà descendu cinquante marches
avec cette adresse et cette agilité que n'ont pas les jeunes filles
élevées dans les salons, mais que les enfants du peuple acquièrent dans