37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 204

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plantes, et débarrassé le sable que le torrent rejetait sur ces rives

des graviers qui offensent le pied; et on ne se fût pas trompé dans cette

supposition. C'était Zdenko qui avait rendu gracieux, faciles et sûrs les

abords de la retraite d'Albert.

Consuelo commençait à ressentir l'influence bienfaisante qu'un aspect

moins sinistre et déjà poétique des objets extérieurs produisait sur son

imagination bouleversée par de cruelles terreurs. En voyant les pâles

rayons de la lune se glisser ça et là dans les fentes des roches, et se

briser sur les eaux tremblotantes, en sentant l'air de la forêt frémir

par intervalles sur les plantes immobiles que l'eau n'atteignait pas,

en se sentant toujours plus près de la surface de la terre, elle se

sentait renaître, et l'accueil qui l'attendait au terme de son héroïque

pèlerinage, se peignait dans son esprit sous des couleurs moins sombres.

Enfin, elle vit le sentier se détourner brusquement de la rive, entrer

dans une courte galerie maçonnée fraîchement, et finir à une petite

porte qui semblait de métal, tant elle était froide, et qu'encadrait

gracieusement un grand lierre terrestre.

Quand elle se vit au bout de ses fatigues et de ses irrésolutions, quand

elle appuya sa main épuisée sur ce dernier obstacle, qui pouvait céder à

l'instant même, car elle tenait la clef de cette porte dans son autre

main, Consuelo hésita et sentit une timidité plus difficile à vaincre que

toutes ses terreurs. Elle allait donc pénétrer seule dans un lieu fermé à

tout regard, à toute pensée humaine, pour y surprendre le sommeil ou la

rêverie d'un homme qu'elle connaissait à peine; qui n'était ni son père,

ni son frère, ni son époux; qui l'aimait peut-être, et qu'elle ne pouvait

ni ne voulait aimer. Dieu m'a entraînée et conduite ici, pensait-elle, au

milieu des plus épouvantables périls. C'est par sa volonté plus encore

que par sa protection que j'y suis parvenue. J'y viens avec une âme

fervente, une résolution pleine de charité, un coeur tranquille, une

conscience pure, un désintéressement à toute épreuve. C'est peut-être la

mort qui m'y attend, et cependant cette pensée ne m'effraie pas. Ma vie

est désolée, et je la perdrais sans trop de regrets; je l'ai éprouvé il

n'y a qu'un instant, et depuis une heure je me vois dévouée à un affreux

trépas avec une tranquillité à laquelle je ne m'étais point préparée.

C'est peut-être une grâce que Dieu m'envoie à mon dernier moment. Je

Vais tomber peut-être sous les coups d'un furieux, et je marche à cette

catastrophe avec la fermeté d'un martyr. Je crois ardemment à la vie

éternelle, et je sens que si je péris ici, victime d'un dévouement

inutile peut-être, mais profondément religieux, je serai récompensée

dans une vie plus heureuse. Qui m'arrête? et pourquoi éprouvé-je

donc un trouble inexprimable, comme si j'allais commettre une faute et

rougir devant celui que je viens sauver?

C'est ainsi que Consuelo, trop pudique pour bien comprendre sa pudeur,

luttait contre elle-même, et se faisait presque un reproche de la

délicatesse de son émotion. Il ne lui venait cependant pas à l'esprit

qu'elle pût courir des dangers plus affreux pour elle que celui de la

mort. Sa chasteté n'admettait pas la pensée qu'elle pût devenir la proie

des passions brutales d'un insensé. Mais elle éprouvait instinctivement

la crainte de paraître obéir à un sentiment moins élevé, moins divin que

celui dont elle était animée. Elle mit pourtant la clef dans la serrure;