37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 207

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Consuelo, rassurée entièrement et animée d'une sympathie plus vive,

allait se hasarder à frapper à la porte qui la séparait encore de lui,

lorsque cette porte s'ouvrit lentement, et elle vit le jeune comte

s'avancer la tête penchée, les yeux baissés vers la terre, avec son

violon et son archet dans ses mains pendantes. Sa pâleur était effrayante,

ses cheveux et ses habits dans un désordre que Consuelo n'avait pas encore

vu. Son air préoccupé, son attitude brisée et abattue, la nonchalance

désespérée de ses mouvements, annonçaient sinon l'aliénation complète, du

moins le désordre et l'abandon de la volonté humaine. On eût dit un de

ces spectres muets et privés de mémoire, auxquels croient les peuples

slaves, qui entrent machinalement la nuit dans les maisons, et que l'on

voit agir sans suite et sans but, obéir comme par instinct aux anciennes

habitudes de leur vie, sans reconnaître et sans voir leurs amis et leurs

serviteurs terrifiés qui fuient ou les regardent en silence, glacés par

l'étonnement et la crainte.

Telle fut Consuelo en voyant le comte Albert, et en s'apercevant qu'il ne

la voyait pas, bien qu'elle fût à deux pas de lui. Cynabre s'était levé,

il léchait la main de son maître. Albert lui dit quelques paroles

amicales en bohémien; puis, suivant du regard les mouvements du chien qui

reportait ses discrètes caresses vers Consuelo, il regarda attentivement

les pieds de cette jeune fille qui étaient chaussés à peu près en ce

moment comme ceux de Zdenko, et, sans lever la tête, il lui dit en

bohémien quelques paroles qu'elle ne comprit pas, mais qui semblaient

une demande et qui se terminaient par son nom.

En le voyant dans cet état, Consuelo sentit disparaître sa timidité. Tout

entière à la compassion, elle ne vit plus que le malade à l'âme déchirée

qui l'appelait encore sans la reconnaître; et, posant sa main sur le bras

du jeune homme avec confiance et fermeté, elle lui dit en espagnol de sa

voix pure et pénétrante:

«Voici Consuelo.»

XLIII.

A peine Consuelo se fut-elle nommée, que le comte Albert, levant les yeux

au ciel et la regardant au visage, changea tout à coup d'attitude et

d'expression. Il laissa tomber à terre son précieux violon avec autant

d'indifférence que s'il n'en eût jamais connu l'usage; et joignant les

mains avec un air d'attendrissement profond et de respectueuse douleur:

«C'est donc enfin toi que je revois dans ce lieu d'exil et de souffrance,

ô ma pauvre Wanda! s'écria-t-il en poussant un soupir qui semblait

briser sa poitrine. Chère, chère et malheureuse soeur! victime infortunée

que j'ai vengée trop tard, et que je n'ai pas su défendre! Ah! Tu le

sais, toi, l'infâme qui t'a outragée a péri dans les tourments, et ma

main s'est impitoyablement baignée dans le sang de ses complices. J'ai

ouvert la veine profonde de l'Église maudite; j'ai lavé ton affront, le

mien, et celui de mon peuple, dans des fleuves de sang. Que veux-tu de

plus, âme inquiète et vindicative? Le temps du zèle et de la colère est

passé; nous voici aux jours du repentir et de l'expiation. Demande-moi

des larmes et des prières; ne me demande plus de sang: j'ai horreur du

sang désormais, et je n'en veux plus répandre! Non! non! pas une seule

goutte! Jean Ziska ne remplira plus son calice que de pleurs inépuisables

et de sanglots amers!»