37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 209

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glorieux que ceux dont vous osez vous vanter.»

Albert écouta ce discours avec un recueillement craintif, le visage dans

ses mains, et les genoux enfoncés dans la terre.

«Parlez! parlez! voix du ciel que j'entends et que je ne reconnais plus!

murmura-t-il en accents étouffés. Si vous êtes l'ange de la montagne, si

vous êtes, comme je le crois, la figure céleste qui m'est apparue si

souvent sur la pierre d'Épouvante, parlez; commandez à ma volonté, à ma

conscience, à mon imagination. Vous savez bien que je cherche la lumière

avec angoisse, et que si je m'égare dans les ténèbres, c'est à force de

vouloir les dissiper pour vous atteindre.

--Un peu d'humilité, de confiance et de soumission aux arrêts éternels de

la science incompréhensible aux hommes, voilà le chemin de la vérité pour

vous, Albert. Renoncez dans votre âme, et renoncez-y fermement une fois

pour toutes, à vouloir vous connaître au delà de cette existence passagère

qui vous est imposée; et vous redeviendrez agréable à Dieu, utile aux

autres hommes, tranquille avec vous-même. Abaissez votre science superbe;

et sans perdre la foi à votre immortalité, sans douter de la bonté divine,

qui pardonne au passé et protège l'avenir, attachez-vous à rendre féconde

et humaine cette vie présente que vous méprisez, lorsque vous devriez la

respecter et vous y donner tout entier, avec votre force, votre abnégation

et votre charité. Maintenant, Albert, regardez-moi, et que vos yeux soient

dessillés. Je ne suis plus ni votre soeur, ni votre mère; je suis une

amie que le ciel vous a envoyée, et qu'il a conduite ici par des voies

miraculeuses pour vous arracher à l'orgueil et à la démence. Regardez-moi,

et dites-moi, dans votre âme et conscience, qui je suis et comment je

m'appelle.»

Albert, tremblant et éperdu, leva la tête, et la regarda encore, mais

avec moins d'égarement et de terreur que les premières fois.

«Vous me faites franchir des abîmes, lui dit-il; vous confondez par des

paroles profondes ma raison, que je croyais supérieure (pour mon malheur)

à celle des autres hommes, et vous m'ordonnez de connaître et de

comprendre le temps présent et les choses humaines. Je ne le puis. Pour

perdre la mémoire de certaines phases de ma vie, il faut que je subisse

des crises terribles; et, pour retrouver le sentiment d'une phase

nouvelle, il faut que je me transforme par des efforts qui me conduisent

à l'agonie. Si vous m'ordonnez, au nom d'une puissance que je sens

supérieure à la mienne, d'assimiler ma pensée à la vôtre, il faut que

j'obéisse; mais je connais ces luttes épouvantables, et je sais que la

mort est au bout. Ayez pitié de moi, vous qui agissez sur moi par un

charme souverain; aidez-moi, ou je succombe. Dites-moi qui vous êtes, car

je ne vous connais pas; je ne me souviens pas de vous avoir jamais vue:

je ne sais de quel sexe vous êtes; et vous voilà devant moi comme une

statue mystérieuse dont j'essaie vainement de retrouver le type dans mes

souvenirs. Aidez-moi, aidez-moi, car je me sens mourir.»

En parlant ainsi, Albert, dont le visage s'était d'abord coloré d'un

éclat fébrile, redevint d'une pâleur effrayante. Il étendit les mains

vers Consuelo; mais il les abaissa aussitôt vers la terre pour se

soutenir, comme atteint d'une irrésistible défaillance.

Consuelo, en s'initiant peu à peu aux secrets de sa maladie mentale, se

sentit vivifiée et comme inspirée par une force et une intelligence