37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 214

Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 214

Dirai-je tout sans vous blesser et sans vous faire souffrir?...

--Dites tout, Consuelo; je sais d'avance ce que vous avez à me dire.

--Eh bien, je le dirai, car je me l'étais promis. Tous ceux qui vous

aiment désespèrent de vous. Ils croient devoir respecter, c'est-à-dire

ménager, ce qu'ils appellent votre démence; ils craignent de vous

exaspérer, en vous laissant voir qu'ils la connaissent, la plaignent,

et la redoutent. Moi, je n'y crois pas, et je ne puis trembler en vous

demandant pourquoi, étant si sage, vous avez parfois les dehors d'un

insensé; pourquoi, étant si bon, vous faites les actes de l'ingratitude

et de l'orgueil; pourquoi, étant si éclairé et si religieux, vous vous

abandonnez aux rêveries d'un esprit malade et désespéré; pourquoi, enfin,

vous voilà seul, enseveli vivant dans un caveau lugubre, loin de votre

famille qui vous cherche et vous pleure, loin de vos semblables que vous

chérissez avec un zèle ardent, loin de moi, enfin, que vous appeliez, que

vous dites aimer, et qui n'ai pu parvenir jusqu'à vous sans des miracles

de volonté et une protection divine?

--Vous me demandez le secret de ma vie, le mot de ma destinée, et vous le

savez mieux que moi, Consuelo! C'est de vous que j'attendais la révélation

de mon être, et vous m'interrogez! Oh! je vous comprends; vous voulez

m'amener à une confession, à un repentir efficace, à une résolution

victorieuse. Vous serez obéie. Mais ce n'est pas à l'instant même que je

puis me connaître, me juger, et me transformer de la sorte. Donnez-moi

quelques jours, quelques heures du moins, pour vous apprendre et pour

m'apprendre à moi-même si je suis fou, ou si je jouis de ma raison.

Hélas! hélas! l'un et l'autre sont vrais, et mon malheur est de n'en

pouvoir douter! mais de savoir si je dois perdre entièrement le jugement

et la volonté, ou si je puis triompher du démon qui m'obsède, voilà ce que

je ne puis en cet instant. Prenez pitié de moi, Consuelo! je suis encore

sous le coup d'une émotion plus puissante que moi-même. J'ignore ce que

je vous ai dit; j'ignore combien d'heures se sont écoulées depuis que vous

êtes ici; j'ignore comment vous pouvez y être sans Zdenko, qui ne voulait

pas vous y amener; j'ignore même dans quel monde erraient mes pensées

quand vous m'êtes apparue. Hélas! j'ignore depuis combien de siècles je

suis enfermé ici, luttant avec des souffrances inouïes, contre le fléau

qui me dévore! Ces souffrances, je n'en ai même plus conscience quand

elles sont passées; il ne m'en reste qu'une fatigue terrible, une stupeur,

et comme un effroi que je voudrais chasser.... Consuelo, laissez-moi

m'oublier, ne fût-ce que pour quelques instants. Mes idées s'éclairciront,

ma langue se déliera. Je vous le promets, je vous le jure. Ménagez-moi

cette lumière de la réalité longtemps éclipsée dans d'affreuses ténèbres,

et que mes yeux ne peuvent soutenir encore! Vous m'avez ordonné de

concentrer toute ma vie dans mon coeur. Oui! vous m'avez dit cela; ma

raison et ma mémoire ne datent plus que du moment où vous m'avez parlé.

Eh bien, cette parole a fait descendre un calme angélique dans mon sein.

Mon coeur vit tout entier maintenant, quoique mon esprit sommeille encore.

Je crains de vous parler de moi; je pourrais m'égarer et vous effrayer

encore par mes rêveries. Je veux ne vivre que par le sentiment, et c'est

une vie inconnue pour moi; ce serait une vie de délices, si je pouvais

m'y abandonner sans vous déplaire. Ah! Consuelo, pourquoi m'avez-vous

dit de concentrer toute ma vie dans mon coeur? Expliquez-vous vous-même;