37603.fb2 Consuelo - читать онлайн бесплатно полную версию книги . Страница 219

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parle pas ainsi, tu me fais un mal affreux. Quel crime ai-je donc commis?

quels désastres ai-je donc causés? pourquoi sont-ils si inquiets? Combien

d'heures se sont donc écoulées depuis celle où je les ai quittés?

--Vous demandez combien d'heures! demandez combien de jours, combien de

nuits, et presque combien de semaines!

--Des jours, des nuits! Taisez-vous, Consuelo, ne m'apprenez pas mon

malheur! Je savais bien que je perdais ici la juste notion du temps, et

que la mémoire de ce qui se passe sur la face de la terre ne descendait

point dans ce sépulcre.... Mais je ne croyais pas que la durée de cet

oubli et de cette ignorance pût être comptée par jours et par semaines.

--N'est-ce pas un oubli volontaire, mon ami? Rien ne vous rappelle ici

les jours qui s'effacent et se renouvellent, d'éternelles ténèbres y

entretiennent la nuit. Vous n'avez même pas, je crois, un sablier pour

compter les heures. Ce soin d'écarter les moyens de mesurer le temps

n'est-il pas une précaution farouche pour échapper aux cris de la nature

et aux reproches de la conscience?

--Je l'avoue, j'ai besoin d'abjurer, quand je viens ici, tout ce qu'il y a

en moi de purement humain. Mais je ne savais pas, mon Dieu! que la douleur

et la méditation pussent absorber mon âme au point de me faire paraître

indistinctement les heures longues comme des jours, ou les jours rapides

comme des heures. Quel homme suis-je donc, et comment ne m'a-t-on jamais

éclairé sur cette nouvelle disgrâce de mon organisation?

--Cette disgrâce est, au contraire, la preuve d'une grande puissance

intellectuelle, mais détournée de son emploi et consacrée à de funestes

préoccupations. On s'est imposé de vous cacher les maux dont vous êtes la

cause; on a cru devoir respecter votre souffrance en vous taisant celle

d'autrui. Mais, selon moi, c'était vous traiter avec trop peu d'estime,

c'était douter de votre coeur; et moi qui n'en doute pas, Albert, je ne

vous cache rien.

--Partons! Consuelo, partons! dit Albert en jetant précipitamment son

manteau sur ses épaules. Je suis un malheureux! J'ai fait souffrir mon

père que j'adore, ma tante que je chéris! Je suis à peine digne de

les revoir! Ah! plutôt que de renouveler de pareilles cruautés, je

m'imposerais le sacrifice de ne jamais revenir ici! Mais non, je suis

heureux; car j'ai rencontré un coeur ami, pour m'avertir et me réhabiliter.

Quelqu'un enfin m'a dit la vérité sur moi-même, et me la dira toujours,

n'est-ce pas, ma soeur chérie?

--Toujours, Albert, je vous le jure.

--Bonté divine! et l'être qui vient à mon secours est celui-là seul que

je puis écouter et croire! Dieu sait ce qu'il fait! Ignorant ma folie,

j'ai toujours accusé celle des autres. Hélas! mon noble père, lui-même,

m'aurait appris ce que vous venez de m'apprendre, Consuelo, que je ne

l'aurais pas cru! C'est que vous êtes la vérité et la vie, c'est que vous

seule pouvez porter en moi la conviction, et donner à mon esprit troublé

la sécurité céleste qui émane de vous.

--Partons, dit Consuelo en l'aidant à agrafer son manteau, que sa main

convulsive et distraite ne pouvait fixer sur son épaule.

--Oui, partons, dit-il en la regardant d'un oeil attendri remplir ce soin

amical; mais auparavant, jure-moi, Consuelo, que si je reviens ici, tu ne

m'y abandonneras pas; jure que tu viendras m'y chercher encore, fut-ce