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que je suis indigne de ta sollicitude. Oh! ne me laisse plus en proie à
moi-même! tu vois bien que tu as tout pouvoir sur moi, et qu'un mot de ta
bouche me persuade et me guérit mieux que ne feraient des siècles de
méditation et de prière.
--Vous allez me jurer, vous, lui répondit Consuelo en appuyant sur ses
deux épaules ses mains enhardies par l'épaisseur du manteau; et en lui
souriant avec expansion, de ne jamais revenir ici sans moi!
--Tu y reviendras donc avec moi, s'écria-t-il en la regardant avec
ivresse, mais sans oser l'entourer de ses bras: jure-le-moi, et moi je
fais le serment de ne jamais quitter le toit de mon père sans ton ordre
ou ta permission.
--Eh bien, que Dieu entende et reçoive cette mutuelle promesse, répondit
Consuelo transportée de joie. Nous reviendrons prier dans _votre église_,
Albert, et vous m'enseignerez à prier; car personne ne me l'a appris,
et j'ai de connaître Dieu un besoin qui me consume. Vous me révélerez le
ciel, mon ami, et moi je vous rappellerai, quand il le faudra, les choses
terrestres et les devoirs de la vie humaine.
--Divine soeur! dit Albert, les yeux noyés de larmes délicieuses, va! Je
n'ai rien à t'apprendre, et c'est toi qui dois me confesser, me connaître,
et me régénérer! C'est toi qui m'enseigneras tout, même la prière. Ah!
Je n'ai plus besoin d'être seul pour élever mon âme à Dieu. Je n'ai plus
besoin de me prosterner sur les ossements de mes pères, pour comprendre
et sentir l'immortalité. Il me suffit de te regarder pour que mon âme
vivifiée monte vers le ciel comme un hymne de reconnaissance et un encens
de purification.»
Consuelo l'entraîna; elle-même ouvrit et referma les portes.
«A moi, Cynabre!»dit Albert à son fidèle compagnon en lui présentant une
lanterne, mieux construite que celle dont s'était munie Consuelo, et
mieux appropriée au genre de voyage qu'elle devait protéger. L'animal
intelligent prit d'un air de fierté satisfaite l'anse du fanal, et se mit
à marcher en avant d'un pas égal, s'arrêtant chaque fois que son maître
s'arrêtait, hâtant ou ralentissant son allure au gré de la sienne, et
gardant le milieu du chemin, pour ne jamais compromettre son précieux
dépôt en le heurtant contre les rochers et les broussailles.
Consuelo avait bien de la peine à marcher; elle se sentait brisée; et sans
le bras d'Albert, qui la soutenait et l'enlevait à chaque instant, elle
serait tombée dix fois. Ils redescendirent ensemble le courant de la
source, en côtoyant ses marges gracieuses et fraîches.
«C'est Zdenko, lui dit Albert, qui soigne avec amour la naïade de ces
grottes mystérieuses. Il aplanit son lit souvent encombré de gravier et de
coquillages. Il entretient les pâles fleurs qui naissent sous ses pas, et
les protège contre ses embrassements parfois un peu rudes.»
Consuelo regarda le ciel à travers les fentes du rocher. Elle vit briller
une étoile.
«C'est Aldébaram, l'étoile des Zingari, lui dit Albert. Le jour ne
paraîtra que dans une heure.
--C'est mon étoile, répondit Consuelo; car je suis, non de race, mais de
condition, une sorte de Zingara, mon cher comte. Ma mère ne portait pas
d'autre nom à Venise, quoiqu'elle se révoltât contre cette appellation,